Pollution du lac Tanganyika, état d’exécution du projet Lake Tanganyika Water Management (LATAWAMA), montée des eaux du lac… Gabriel Hakizimana, directeur de l’Environnement au sein de l’Autorité du lac Tanganyika, fait le point. Des propositions aussi sur le respect de la zone tampon.
Quelle est la situation de la pollution du lac ?
Pas très alarmante. Mais, il y a beaucoup de menaces sur la qualité de ses eaux. Beaucoup de villes autour du lac comme Bujumbura, Kalemie, Kigoma, Mpulungu en Zambie qui rejettent leurs eaux usées dans ce lac. Des déchets solides qui sont entassés tout autour du lac. En plus, il y a des inondations terribles aujourd’hui via les différents affluents du lac. Tous ces éléments constituent des sources de pollution.
Quatre pays sont riverains de ce lac. Qu’est-ce qui pollue le plus ?
Quand on parle de l’origine des polluants, il y a aussi le Rwanda qui fait partie du bassin du lac Tanganyika et dont une partie de ses eaux se jettent dans le lac via la rivière Rusizi. Les pays ne peuvent pas polluer de la même façon. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des rivières qui traversent les villes, des activités industrielles ou agricoles qui se font le long du lac, le transport maritime, etc. Tout cela constitue une source de sources de pollution.
Parlons de la ville la plus polluante…
On n’a pas encore fait une étude comparative en ce qui concerne les sources de pollution. Mais je peux vous dire que Bujumbura peut constituer une source importante de pollution de ce lac, si on observe les activités qui s’y font et sa population.
Il y a plus d’une année que le projet LATAWAMA est lancé. Quid de son exécution ?
Malgré les difficultés liées à la Covid-19, le projet avance de façon satisfaisante. Nous avons déjà commencé à mettre en place un système de suivi qualitatif des eaux du lac.
Concrètement?
C’est équiper les laboratoires des quatre pays riverains. Nous avons d’abord fait l’inventaire des besoins en travaillant étroitement avec les bénéficiaires. Il y a le laboratoire de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) au Burundi, le laboratoire des SETEMU qui contrôle le fonctionnement de la station d’épuration des eaux usées de Buterere, celui du centre hydro biologique d’Uvira, le laboratoire de Tafili à Kigoma en Tanzanie et celui de pêche à Mpulungu.
Après une descente sur le terrain, nous avons aussi fait une identification des besoins en termes de formation. Certains locaux des laboratoires sont obsolètes et n’offrent pas de bonnes conditions. Nous avons commencé leur réhabilitation. Notre volonté est de mettre en place des laboratoires opérationnels et interconnectés.
C’est- à-dire?
Des laboratoires qu’on peut suivre régulièrement avec un système de communication dans chaque laboratoire. Nous sommes aussi en train de développer une base de données. On va conserver toutes les informations sur la qualité des eaux afin de faciliter la tâche aux chercheurs. Une fois que la base de données sera opérationnelle, il y aura une fenêtre qui donne quotidiennement les informations issues de chaque laboratoire.
Uniquement des labos et une base des données ?
D’autres activités sont également à l’agenda. Au Burundi, nous appuyons les SETEMU à faire la gestion des boues qui viennent des bassins de la station de traitement des eaux usées de Buterere. En RDC, on va aider à faire la gestion des déchets solides, mais aussi dans l’assainissement de la prison d’Uvira. A Kigoma (Tanzanie), nous sommes en train de travailler avec la municipalité pour la maîtrise de la gestion des déchets solides.
A Mpulungu, nous allons aider dans la gestion des déchets biomédicaux en installant un incinérateur moderne. Il va s’occuper des déchets de l’hôpital de référence de Mpulungu mais aussi des formations sanitaires environnantes.
Quid des actions sur la station de Buterere ?
Là, il y avait un sérieux problème, ces dernières années. Des vices d’Archimède n’étaient pas fonctionnels, d’autres pas installés. Il manquait aussi la table de commande et autres équipements nécessaires pour son bon fonctionnement. Quand nous avons développé le projet, on avait pensé à ces équipements. Et nous avons constaté que le gouvernement avait décidé de les prendre en charge. Je pense qu’ils ont été achetés puis installés.
Quelle est votre contribution?
Nous allons aider dans la gestion des boues. Il y a une dizaine de lits de séchage. Il s’agit des lits sur lesquels on étale les boues puisées dans les bassins de décantation. Maintenant, nous allons utiliser la méthode moderne avec un moteur et des tuyaux. On va prendre les boues et les transporter dans les lits de séchage. Et pour y arriver, il faut que ces lits soient d’abord fonctionnels. Nous allons aider à ce niveau.
Ces boues ne sont-elles pas toxiques ?
Cela dépend de l’origine des déchets. S’ils sont issus des unités industrielles utilisant des produits chimiques, ces produits se retrouvent sûrement dans ces boues. En substance, on doit prélever et faire des analyses. Souvent, on trouve qu’elles sont très chargées en métaux lourds et en produits toxiques.
Où en est le projet d’extension de cette station ?
Je ne voudrais pas me prononcer là-dessus. Comme ces études ont été faites dans les années 90, il devrait sûrement y avoir une extension. Si je ne m’abuse, cette station était prévue pour 38% des eaux usées de la ville de Bujumbura. Et dans cette quantité, c’était 100% des eaux issues des unités industrielles de Bujumbura. Mais si vous regardez la superficie actuelle de la ville de Bujumbura, il faudrait penser à une autre station pour gérer toutes les eaux usées.
Il s’observe une montée des eaux du lac. Elle serait liée à la construction d’un barrage sur la Lukuga…
Nous avons envoyé nos équipes pour s’enquérir de la situation. Il n’y a pas de barrage en construction sur la Lukuga. En fait, la Tanzanie et la RDC ont demandé à la Banque Mondiale de financer la reconstruction du barrage de régulation sur la Lukuga. Il y avait un barrage construit par les Belges en 1959 ou 1960, mais il a été complétement détruit. Je pense que c’est à cause de ces changements climatiques qui ont occasionné des pluies diluviennes.
Que proposeriez-vous pour le respect de la zone tampon du lac et de la loi ?
Renforcer la sensibilisation via les administratifs. Et la sensibilisation doit être permanente. Car perdre le lac, c’est mortel pour ses riverains. C’est perdre une partie de notre vie. Que la législation soit appliquée et améliorée. En cas de violation, il faut sanctionner. Souvent les gens comprennent quand ils sont punis. Que la sensibilisation soit accompagnée par des mesures fortes.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze
J’aime bien Mr Hakizimana que j’apprécie sur un plan personnel et intellectuel , il met des gants à double couche pour ne pas se bruler les doigts . Il dit » nous allons faire ceci , nous allons faire cela … » En fait je vais traduire ce qu’il évite de dire . Il dit que les gouvernements successifs burundais ont failli à leur mission de protection du Lac Tanganyika. Je me souviens encore il y a environ 22 ans , je participais à un séminaire pour journalistes initié par l’initiative des pays du bassin du Nil , on abordait l’aspect protection du lac tanganyika . Nous sommes allés visiter le Cotebu : une véritable catastrophe , tous les résidus chimiques se dirigeaient dans la ntahangwa , sans même passer par le centre d’épuration installé par le cotebu lui même. Nous nous sommes rendu à Buterere , la station était en panne depuis plusieurs mois et personne ne faisait rien.
Il faut que le gouvernement s’engage vraiment si non , comme le dit Hakizimana »perdre le lac Tanganyika , c’est mortel » non seulement pour les riverains mais aussi pour la ville de Bujumbura ainsi que toutes les rives cotières du lac . Le Lac Tangnyika c’est la vie de millions de gens .
Nous devons faire quelque chose , et MAINTENANT.
C’est incroyable comme les grands esprits se rencontrent. Abagabo barara kubiri bakarota kumwe. J’ai eu la même réaction que vous. Contrairement aux dires de M. Hakizimana, avec tout le respect que je lui dois, la situation du lac Tanganyika est catastrophique. Il est en train de disparaître sous nos yeux comme le lac Tchad a disparu de notre vivant alors qu’il était aussi grand que le Tanganyika. Le lac est en train de disparaître par envasement, sédimentation et herbes envahissantes comme les roseaux et la terrible hyacinthe de l’eau. Cela fait plus de 20 ans que j’attire l’attention dans mes nombreux articles sur la catastrophe annoncée. Toute la terre des montagnes nues du Burundi, Congo, Tanzanie et Zambie se déverse dans le lac. C’est comme cela que l’on crée des villes artificielles sur les bords d’océan en les remplissant de terre.
L’immense scientifique et prix Nobel, la kenyane Wangari Mathai, a prouvé comment le déboisement conduit immanquablement à la désertification car le cycle naturel d’évaporation et production de pluies est coupé car les eaux de pluies ne s’infiltrent plus dans la nappe phréatique pour générer des cours d’eau, rivières et fleuves qui alimentent les lacs, etc.
Une preuve magistrale est la disparition de la belle plage aux romantiques, Saga Vodo dans le quartier de Kabondo. Tous les amoureux s’y prélassaient le soir à savourer l’extraordinaire beauté de la nature. La plage n’existe plus. C’est désormais un terrain de pâturage pour chèvres jusqu’à 100 m dans les anciennes eaux du lac.
Pour comprendre les dégâts que va provoquer la hyacinthe d’eau, il faut visiter le lac Victoria. Des milliers de ports de pêche ont disparu. Le poisson avec. Sa croissance est exponentielle et aucun moyen de lutte mécanique ne peut y venir à bout. Même la lutte biologique par insectes venus d’Australie a échoué.
L’autre preuve est le fait que la REGIDESO doit aller de plus en plus loin pomper l’eau pour alimenter la ville. Plus c’est loin plus cela coûte cher alors que l’on sait que la Régie a peu de moyens.
Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires, de même l’environnement est une question trop sérieuse pour être confiée à des fonctionnaires.