Dans une interview accordée à Iwacu, Sixte Vigny Nimuraba, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH), s’exprime sur le respect des droits de l’Homme par les compétiteurs pendant la campagne électorale.
Quelle évaluation faites-vous du respect des droits de l’Homme par les compétiteurs, après les deux semaines de campagne électorale ?
Les différents leaders des partis politiques, et même leurs militants ont essayé de battre campagne tout en respectant les droits de l’Homme. Bien sûr, il y a des cas isolés qui ont été signalés ici et là. Il y a ceux qui ont été emprisonnés parce qu’ils ont commis des forfaits. Cela est tout à fait normal. Ce qui nous aurait alertés, c’est que ceux qui auraient commis des infractions seraient restés impunis.
Avez-vous déjà documenté ces différentes violations ?
Tous les commissaires ont été déployés pour voir la situation des droits de l’Homme pendant la campagne électorale. Nous avons enregistré quelques violations dans les provinces Kirundo, Ngozi, Gitega, Bujumbura. Ces cas ne sont pas alarmants. Nous avons pu les gérer.
Quid du cas d’un militant du Cnl dans la commune de Nyabihanga dont on a découvert le cadavre après 4 jours d’enlèvement et de trois personnes portées disparues dans la province Cankuzo?
Il faut faire une distinction entre les violations des droits de l’Homme et les crimes de droit commun. Ces crimes ne sont pas seulement commis au cours de cette période spéciale de campagne électorale. Nous les remarquons à n’importe quelle période ici au Burundi. En effet, nous parlons de violations des droits de l’Homme lorsque les agents des services étatiques sont impliqués dans ces violations où lorsqu’ils n’ont pas mis en action leur pouvoir pour protéger les citoyens.
Avez-vous déjà saisi le ministère public sur ces différentes violations ?
Nous saisons le ministère public chaque fois que de besoin. Mais nous le faisons après avoir vu le résultat des enquêtes. Pour le moment, les enquêtes sont en cours.
Ne craignez-vous pas l’escalade de la violence dans les prochains jours ?
Les Burundais sont fatigués de la guerre. Ils aspirent à la paix. Ils ne vont céder à aucune quelconque manipulation. Nous fondons notre espoir sur leur maturité. Il peut y avoir des contestations ici et là et nous l’avons perçu à travers certains discours. Mais nous restons confiants car certains leaders des partis politiques commencent à livrer des messages d’apaisement.
Comment appréciez-vous le rôle des forces de l’ordre et des instances judiciaires face à ces violations ?
Ils commencent à mettre en œuvre l’appel que nous leur avons lancé, c’est-à-dire, de faire leur travail sans côté penchant. Nous demandons à la police de traiter les contrevenants sur le même pied d’égalité. Du côté de la justice, il y a des dossiers de fragrance qui sont ouverts. Mais là aussi, il faut que la loi soit appliquée de la même façon sans distinction aucune.
Et quid du rôle des médias durant cette campagne électorale ?
Actuellement, les médias commencent à livrer des messages de paix, d’apaisement. Ce qui n’était pas le cas au début. Nous les encourageons de continuer sur la même lancée. Qu’ils restent neutres et tendent le micro à tout le monde.
Le président du Cnl dénonce un deux poids deux mesures dans l’arrestation et l’emprisonnement de ses militants. Faites-vous le même constat?
Pas du tout. Nous nous sommes rendus dans la province Kirundo. Il y avait des militants du Cnl et ceux du Cndd-Fdd qui étaient emprisonnés.
Même constat dans le cachot de Tangara, en province Ngozi. Il est difficile de dire que tel ou tel est emprisonné parce qu’il appartient dans tel ou tel parti politique parce que ce n’est indiqué nulle part dans son dossier. Mais nous avons remarqué que les affrontements éclatent souvent entre les militants de ces deux formations politiques.
D’aucuns dénoncent le silence de la Ceni face ces violations. Qu’en dites-vous ?
Nous ne sommes pas du même avis. Nous entendons souvent la Ceni appeler tous les compétiteurs au respect des règles du jeu. Mais on ne peut pas tout couvrir. Il peut arriver que l’un ou l’autre cas échappe à la Ceni.
Est-ce que l’absence d’observateurs étrangers ne vous inquiète pas?
Les observateurs sont là. Y a-t-il une différence entre les observateurs étrangers et les observateurs burundais ? Nous avons des membres de la société civile qui sont capables de le faire. L’absence des observateurs étrangers ne va pas décrédibiliser les élections.
Etes-vous confiant que le scrutin sera transparent ?
Les partis politiques ont le libre champ de battre campagne. Les partis politiques de l’opposition expriment leurs opinions en toute liberté et quiétude. Tout cela nous pousse à dire que le scrutin sera transparent. Nous fondons aussi notre espoir sur la neutralité de la Ceni.
Des enfants sont enrôlés dans les meetings. Quel conseil aux parents et aux partis politiques ?
Nous avons toujours dénoncé et déploré cette situation où les enfants sont impliqués dans les meetings. La loi interdit aux enfants de moins de dix-huit ans d’exercer les activités politiques. Il faut que le Burundi respecte les textes légaux nationaux et internationaux auxquels il a souscrit. Nous avions interpellé les leaders politiques de ne pas impliquer ces enfants. C’est dommage que les enfants entonnent des chansons ou lancent des slogans dont ils ne comprennent pas le sens.
Pas ou presque pas de femmes qui sont têtes de liste au niveau des listes des parlementaires. Qu’en dites-vous ?
Il faut qu’on lise la loi. Il n’est pas question d’être tête de liste. Il est plutôt question d’être parmi les organes dirigeants. Tous les partis politiques ont essayé, autant que faire se peut, de respecter l’équilibre de genre.
Votre message aux leaders des partis politiques et aux jeunes affiliés à ces derniers ?
Que les partis politiques en compétition ne trempent pas dans la violence et se désolidarisent avec les fauteurs de trouble. Nous les invitons à annoncer publiquement qu’ils vont accepter le résultat des urnes. Certains commencent à douter du processus. D’autres crient haut et fort qu’ils vont à tout prix gagner alors qu’ils n’ont pas de preuves. Si les choses tournent autrement, leurs militants vont dire qu’il y a eu fraude. Nous exhortons tous les jeunes à éviter la violence avant, pendant et après les scrutins.
Propos recueillis par Félix Haburiyakira