Le Burundi a été retiré de l’agenda politique du Conseil de sécurité des Nations Unies. Quelles sont les attentes de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme? Quid de la situation des droits de l’Homme durant la période post-électorale ? Entretien avec Sixte Vigny Nimuraba, président de la Cnidh.
Le Burundi a été retiré de l’agenda politique du Conseil de sécurité des NU. Qu’est-ce que la Cnidh va gagner ?
La Cnidh va gagner cette confiance que la communauté internationale vient de témoigner envers le Burundi. La communauté internationale commence à faire une analyse objective de la situation qui prévaut au Burundi, que ce soit au niveau sécuritaire ou respect des droits de l’Homme. S’il n’y a pas une analyse et une observation objectives de la situation, il y aura toujours des problèmes même pour la commission.
Nous avons donc espoir que s’il y a une évaluation, la communauté internationale va reconnaître et accepter les progrès et les efforts que la commission a déjà réalisés en rapport avec la promotion et la protection des droits de l’Homme au Burundi. En substance, la commission va profiter de cette confiance.
Et cela va contribuer à ce qu’on améliore la situation des droits de l’Homme. Nous allons multiplier les efforts et cela va rehausser l’image du pays et de la commission vis-à-vis de la communauté internationale.
Espérez-vous donc que la commission va encore être réaccréditée au statut A ?
J’ai toujours dit que la commission va être reconnue et évaluée sur base de ses réalisations. Personne n’a voulu me croire. Maintenant, à travers ses actions et réalisations, vous voyez que la commission est tellement engagée dans la promotion et la protection des droits de l’Homme.
Si la population reconnaît que le travail accompli par la commission est un travail louable et qui est indépendant, il n’y aura aucun frein pour que la commission recouvre son statut A. Et je dois vous tenir informé qu’on a déjà soumis notre demande pour la réaccréditation.
Je pense que d’ici peu on va enclencher le processus. J’ose espérer que si on voit le travail déjà abattu par la commission, je ne doute point que l’on puisse recouvrer notre statut qui a été perdu en 2018.
Peut-on dire que c’est fini aussi avec les ennuis financiers ?
Actuellement, je n’ai aucun souci de financement. Même avant le retrait du Burundi de l’agenda politique du Conseil de sécurité des NU. Nous avons eu des financements de la part de la Confédération suisse, du gouvernement britannique, de l’ambassade d’Egypte, des NU à travers le Centre des NU pour les droits de l’Homme en Afrique central. Nous avons un financement du gouvernement du Burundi qui a été revu à la hausse à raison de 50%. Le bilan des réalisations est éloquent. Nous n’avons pas de problèmes financiers. Nous continuons notre lobbying, notre plaidoyer et nous espérons que d’autres appuis, tant financiers que matériels, vont tomber.
Quelle appréciation faites-vous de la situation des droits de l’Homme après les élections ?
Il y a une nette amélioration. Il y a très peu d’arrestations arbitraires et de détentions illégales. Nous devons tout de même reconnaître une bonne collaboration entre la Cnidh et les instances judiciaires. Quand la Cnidh alerte ces dernières sur l’une ou l’autre irrégularité, elles interviennent vite et corrigent ces manquements.
Des cas d’assassinats ici et là. La police dit chaque fois diligenter des enquêtes, mais la population ne voit pas les résultats. Qu’en dites-vous ?
La population a besoin d’être informée. Il faut que la population puisse savoir le résultat chaque fois qu’il y a une enquête en cours. La plupart des cas, c’est difficile. Mais pour nous qui effectuons des visites dans les cachots et dans les prisons, nous constatons justement qu’il y a des personnes incarcérées pour l’une ou l’autre infraction. Pour dire que les enquêtes aboutissent. Mais il faut aussi savoir qu’il y a des enquêtes qui revêtent un caractère secret pour ne pas fausser les pistes.
Des violences conjugales dégénérant en assassinats entre conjoints prennent une allure inquiétante. Qu’est-ce que la commission compte faire pour juguler ce phénomène ?
Certains phénomènes tirent leurs origines dans les conditions de vie de la population. Pour le cas d’espèce, beaucoup de facteurs entrent en jeu. Il n’est pas aisé de déceler les vraies causes de ces meurtres ou assassinats. Nous observons des conflits fonciers, de la pauvreté dans les familles. Le pays a connu des crises cycliques. Des plaies qui ne sont pas encore pansées. Des traumatismes qui ne sont pas encore guéris. Tout cela peut conduire à des mésententes dans les familles ou à des comportements d’animosité. Mais ce qui est intéressant, c’est que la population dénonce ces assassinats et alerte les organes répressifs.
Quant aux solutions, la commission entend entamer des sensibilisations et des formations à l’endroit de la population. Il faut que l’administration locale, elle aussi, s’implique pour résoudre certains différends qui surgissent dans les familles, sinon ce phénomène risque de dégénérer.
Certains détenus bénéficiaires de la grâce présidentielle croupissent encore en prison. Qu’est-ce qui bloque sa mise en application ?
Je ne suis pas bien placer pour le dire. Il faut chercher du côté du ministère de la Justice. Mais il semble qu’il n’y ait pas eu un texte de loi qui a accompagné cette annonce. Mais nous plaidons toujours pour le désengorgement des prisons notamment l’application systématique du travail d’intérêt général.
Des détenus sont acquittés mais restent écroués. A qui la faute ? Et comment y remédier ?
Il faut se tourner du côté des intervenants en matière de détention. Chaque fois qu’un détenu est acquitté, il doit bénéficier d’un billet d’élargissement. Nous interpellons les intervenants en la matière de rétablir ces personnes dans leurs droits.
Votre appréciation du rôle des médias avant, pendant et après les élections.
Les média ont fait un travail louable. Nous n’avons pas entendu de message de haine véhiculé à travers les média. La collaboration entre les média et la Cnidh a aussi été excellente.
Propos recueillis par Félix Haburiyakira