Cohabitation politique, développement socio-économique avec la contribution des natifs et de la diaspora … Iwacu est allé à la rencontre de Michel Mpitabakana, administrateur communal de Nyabiraba, province Bujumbura. Il s’exprime aussi sur la situation des droits de la femme.
En 2020, des cas d’intolérance politique ont été signalés dans votre commune. Quelle est la situation prévalant aujourd’hui ?
D’habitude, les membres des partis politiques présents à Nyabiraba collaborent positivement sauf ces malentendus qui se sont produits en 2020. Mais, c’est surtout durant la période électorale que les esprits sont surchauffés. De notre côté, nous essayons de donner des conseils pour que cette bonne cohabitation perdure. Bref, actuellement, la cohabitation politique est bonne dans notre commune.
Combien de partis politiques présents à Nyabiraba ?
Me référant aux résultats des élections de 2020, je dirais qu’il y a seulement deux partis politiques : le CNDD-FDD et le CNL.
Ce sont les membres de ces deux partis qui se chamaillaient ?
[Rires] : Ah oui.
Qu’est-ce qui fait vivre la population de Nyabiraba ?
Nyabiraba est une des neuf communes qui composent la province Bujumbura. La population vit essentiellement de l’agriculture et du petit commerce ici tout près du chef-lieu communal. Ces activités commerciales se font essentiellement sur le long de la RN7 (route Bujumbura-Ijenda) et à un endroit communément appelé « Kwiturangure ».
Pourriez-vous être précis ? Quelles sont les genres de cultures qu’on trouve ici ?
Il y a d’abord des cultures vivrières. Et là, nous pouvons citer des patates douces, le manioc, la banane, le haricot, les colocases qui sont malheureusement en disparition, etc. Nous avons aussi les cultures maraîchères comme des choux, des oignons, des aubergines, etc.
Quelles sont les causes de la disparition de la colocase dans les champs de Nyabiraba ?
Oui, cette culture connaît des problèmes dans notre commune. Et c’est même le cas pour le reste du pays. Il y a en fait une maladie non encore identifiée qui attaque cette culture. Ce qui fait que sa production a sensiblement diminué.
Y aurait-il des projets pour redynamiser cette culture ?
Je dirais qu’aujourd’hui, il y a un léger mieux. Parce que je me souviens qu’il fut un moment où les colocases étaient presqu’invisibles. Pour le moment, nous sommes en train d’essayer des semences améliorées octroyées par le FAO. Il y a espoir de revoir cette culture dans nos champs. Elle est très prisée par la population et la production était écoulée même à Bujumbura-mairie.
Qu’en est-il des cultures industrielles ?
Là, nous avons principalement deux cultures industrielles à savoir le café et le thé.
Dans d’autres provinces du pays, nous constatons un certain relâchement pour cette culture. Quelle est la situation ici à Nyabiraba ?
Oui, c’est vrai comparativement aux années dernières, les cultivateurs ne sont pas très fascinés par le café. Mais, je pense que c’est lié à l’ignorance. Parce que c’est la principale culture industrielle qui apporte des devises au pays et de l’argent aux familles. Ici, à Nyabiraba, des efforts de redynamisation de cette culture sont là.
Par exemple ?
Nous avons une grande plantation modèle. Il y a des cultivateurs qui ont formé une association agricole dans la zone Nyabibondo. Ils ont même installé une petite usine pour la transformation (usine de déparchage).
Il y a aussi un autre privé qui a installé une usine ici à Nyabiraba. C’est sur la frontière entre Mutambu et Nyabiraba sur la colline Kinama. Et les cultivateurs retrouvent petit à petit l’engouement pour cette plante. Parce qu’avant ces unités de transformations, c’était très difficile pour eux d’arriver là où se trouvaient ces usines, en transportant ce café sur la tête.
Quid de l’élevage ?
A Nyabiraba, on élève du gros bétail et du petit bétail : les vaches, les moutons, les chèvres, les porcs. Des volailles aussi. Et actuellement, les lapins sont beaucoup dans les ménages comme le recommande le président de la République.
Nous sommes dans la période de seize jours d’activité contre les violences basées sur le genre. Qu’en est-il du concubinage à Nyabiraba, surtout durant les périodes de récolte ?
Ce comportement n’existe pas ici à Nyabiraba même si des cas isolés ne peuvent pas manquer. Mais, là aussi, nous essayons de protéger surtout les femmes légales et nous recommandons à ce que tous les couples soient enregistrés à l’état-civil. Et nous continuons la sensibilisation pour le respect des droits des uns et des autres et la bonne collaboration, entente dans les couples, les ménages.
Quels sont les projets déjà réalisés dans votre commune ?
Il y a eu constructions des écoles, des centres de santé et traçage des voies de communication. Dans les conditions normales, sur 17 collines de recensement, 15 sont atteignables. Les routes sont praticables sauf en cas des fortes pluies qui font qu’elles soient glissantes. Parce que nous sommes dans une région montagneuse. Nous avons fait aussi des adductions d’eau potable. Il y a aussi un projet du genre qui est encore en cours de réalisation.
A Nyabiraba, existent-ils des marchés modernes ?
Un marché moderne est en cours de construction. En fait, il serait déjà opérationnel mais le projet a connu de nombreuses difficultés. Mais, nous espérons que cette fois-ci, il va être achevé. Le chantier se trouve sur la colline Kinyami. Et nous apprécions beaucoup la contribution des natifs, de la diaspora et la population dans la réalisation de ces projets de développement.
Quel est le coût de ce marché ?
En fait, les premières études ont été mal faites. C’est même pour cette raison qu’il n’est pas encore terminé. Ils ont sous-estimé le coût. A voir sa grandeur et son plan, ils avaient calculé peu d’argent. Nous avons même décidé d’y orienter l’enveloppe que l’Etat donne aux communes pour le développement. Et là, seulement une seule partie sera construite. Mais, je ne pense pas que ce montant sera suffisant.
Je l’ai même expliqué au directeur du FONIC que ce fonds est insuffisant pour achever la construction de ce marché moderne. Et il nous a conseillé de construire par étapes.
D’où tirez-vous les recettes ?
Les recettes communales viennent essentiellement des taxes, les taxes sur les camions transportant du charbon ou des perches vers Bujumbura. C’est très difficile de dire que ces recettes sont suffisantes à voir nos besoins. C’est visible que nous ne collectons pas beaucoup d’argent.
Mais, nous essayons de faire un bon dispatching du peu de recettes collectées. Vous n’entendrez jamais un fonctionnaire de la commune qui se lamente comme quoi il n’a pas été payé. Ils sont prioritaires. Et le reste est affecté dans d’autres dépenses courantes pour le bon fonctionnement de la commune.
Quelle est la situation du secteur éducatif ?
Nous avons sept lycées communaux, 33 écoles post-fondamentales et 21 écoles fondamentales. Nous avons aussi une école privée. Seulement, les enseignants ne sont pas suffisants. C’est un problème qui concerne tout le pays. Mais, là, les parents font des cotisations pour les vacataires.
Et nous avons bien organisé ce travail des vacataires. Parce que sur des centres, nous constatons que les enseignants sont suffisants alors que dans d’autres coins reculés, il en manque cruellement. Et là, tous les parents se partagent la charge. Ils donnent de l’argent et on fait le dispatching entre ces vacataires afin qu’au moins, ils aient du savon pour laver leurs habits.
Concrètement, quelle est la part qui revient à chaque parent ?
[Hésitations]. Là, ils ne donnent pas le même montant. C’est selon le niveau des écoles. Par exemple, ceux des Lycées communaux, ce sont eux qui donnent plus.
Quid du domaine sanitaire ?
Nous avons six centres de santé publics, un CDS privé et nous avons aussi un hôpital communal. Mais, là aussi, comme dans le domaine de l’éducation, nous avons aussi des problèmes.
Lesquels ?
Il y a un manque criant du personnel. A cet hôpital, nous avons un seul docteur. Et les infirmiers sont aussi peu nombreux. Pour quelques CDS, on y trouve un seul infirmier. Et là, pour essayer de servir les patients, on a développé le système des soignants bénévoles.
Vous êtes nouveau à la tête de cette commune, quel est votre rêve pour Nyabiraba ?
Là, c’est très important. Ma première préoccupation pour cette commune est de trouver une solution à la question des vulnérables, des indigents (bantahonikora) et des enfants malnutris. Le deuxième rêve est de voir Nyabiraba accessible sur toutes les collines, surtout pendant la saison pluvieuse.
Vous venez de parler des vulnérables, de la malnutrition. Quel est l’état des lieux ?
Honnêtement, il y a beaucoup d’enfants souffrant des maladies liées à la malnutrition. Par exemple, il y a quelques jours, le PAM est venu assister les vulnérables. On nous avait donné une liste de 1500 personnes. Mais, j’ai constaté que même si on nous avait donné 3000 personnes, ça ne serait pas suffisant.
Ce qui montre qu’ils sont nombreux. Seulement, ce qui m’a réjoui, c’est qu’il y a eu une bonne sélection en se basant sur l’état de vulnérabilité. Et tout a été fait dans la transparence.
Le président de la République dénonce des cas de fraude et appelle les administratifs et la population à aider dans le combat contre ce fléau. Comment faites-vous à Nyabiraba ?
A Nyabiraba, il n’y a pas de fraude qui passe par là. Il n’y a pas de fraudeurs dans la population. C’est d’ailleurs la question à laquelle j’ai répondu dans le sondage d’opinion organisé par le gouverneur dernièrement. Je me dis que quand un homme vole un régime de banane, ce n’est pas de la fraude.
Commune Nyabiraba a une superficie de 122 km2. Et sa population est de 65.280 habitants. Sa densité est de 560 hab/km2.
Elle est frontalière de 5 communes, toutes de la province Bujumbura. Il s’agit d’Isare au Nord, Mutambu au sud ; Kanyosha à l’Ouest ; Mugongo-Manga à l’Est et Mukike au sud-ouest.