Des aires protégées, une variété de richesses fauniques et végétales, des monuments historiques, etc. Le Burundi possède d’énormes potentialités touristiques. Malheureusement, ce secteur peine à décoller. Léonidas Nzigiyimpa, environnementaliste et expert en écotourisme, fait le point. Il propose aussi des voies de sortie.
Quelles sont les richesses touristiques dont dispose le Burundi ?
Le Burundi a de très beaux paysages. Nous avons une richesse faunique très variée, des parcs nationaux, comme celui de la Ruvubu, de la Kibira, les aires protégées du sud, etc. Des monuments historiques comme les tombeaux des rois, ceux des reines-mères, les monuments de l’est tels les failles de Nyakazu, les chutes de Karera, etc.
Il y a le lac Tanganyika, ses plages et ses richesses aquatiques. La source la plus méridionale du Nil se trouve au Burundi. La culture burundaise aussi avec ses danses, le célèbre tambour aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’humanité. Des sites d’eaux thermales existent. Les plus aménagés étant celui de Mugara en commune et province Rumonge et de Muyange en commune et province Bururi et le site de Mahoro au milieu de la Kibira vers Rwegura.
Qu’en est-il de la richesse faunique ?
Nous avons des hippopotames, des buffles, diverses espèces d’antilopes, des crocodiles… peuplent la savane de la Ruvubu. Une variété d’oiseaux migrateurs est présente au delta de la Rusizi, au lac aux oiseaux du nord. Beaucoup de primates, de chimpanzés, de reptiles, etc.
Malgré tous ces atouts, le tourisme peine à décoller…
Le terrain du tourisme au Burundi est encore vierge. C’est un domaine inexploité. Il faut beaucoup d’efforts pour valoriser ces richesses. Nous recevons très peu de visiteurs étrangers. Le cadre légal mérite d’être amélioré. Les entrées restent faibles.
La diversité des produits touristiques attire les visiteurs. Et le Burundi est un petit pays avec une diversité culturelle, naturelle et biologique. Sans oublier une diversité des écosystèmes.
Que faire ?
D’abord, il faut un certain aménagement des abris, des sites de réception, de l’eau, des toilettes, sur les sites. Qu’il y ait des sentiers touristiques bien faits, où l’on trouve des garde-fous, des reposoirs, etc. Après une longue marche, il est important que les touristes trouvent où se reposer. Notons que 60% des touristes étrangers sont constitués par des séniors. Ils ont de l’argent, mais ils sont âgés. Il est donc nécessaire que les aménagements sur les sites puissent satisfaire leurs exigences. Les aires protégées sont visitées aussi par des gens très cultivés. Plus ils sont instruits, plus ils sont exigeants. Il faut aussi une documentation, des informations suffisantes. Malheureusement, il y a très peu de sites touristiques connectés à Internet.
A cet égard, quelle est votre évaluation de la communication sur le tourisme au Burundi?
Les informations sur le Net en rapport avec les sites touristiques sont lacunaires. Elles ne valorisent pas convenablement nos richesses sur le plan naturel, biologique et culturel. Ce n’est pas suffisamment documenté. Et quand l’information n’est pas suffisante, elle est moins attirante. Donc, il faut miser sur la communication. Les services chargés du tourisme devraient vanter nos richesses touristiques.
Comment concrètement?
Il faut ce qu’on appelle une communication ‘’agressive’’. Dans d’autres pays, ils organisent régulièrement des festivals à l’image d’Expo 2000 qui est en cours à Dubaï. Cela demande beaucoup d’argent, mais il est récupéré en très peu de temps. On peut organiser des expositions pour vendre la beauté, les merveilles du pays. Après, le monde va affluer vers là pour découvrir ce ‘’ paradis’’ terrestre.
Les postes frontières, les aéroports, les grands ronds-points dans les centres urbains constituent des vitrines du pays. On devrait y trouver des panneaux publicitaires des sites touristiques.
Les écrans géants installés au centre-ville de Bujumbura, à Gitega, et à l’Aéroport de Melchior Ndadaye devraient, toutes les cinq ou dix minutes, montrer ces beaux paysages du pays, leurs richesses fauniques et végétales.
Au Burundi, nous avons de bons hôtels à Bujumbura, de surcroît moins chers que ceux de la sous-région, mais les étrangers ne le savent pas.
Peut-être faciliter aussi l’entrée au Burundi ?
Oui notamment le fait de faciliter les demandeurs de visas d’entrée au Burundi. S’il y a une demande de visas d’entrée, il faut que la réponse soit donnée le plus rapidement possible. Il faut adopter ce qu’on appelle un visa touristique préférentiel. Dans beaucoup de pays, le visa d’entrée est à 10 dollars, 20 dollars. Je pense que celui d’entrée au Burundi est l’un des plus chers. Et les touristes préféreraient aller où le visa est moins cher.
Dans le budget général de l’Etat, l’enveloppe destinée à la mise en œuvre de la stratégie nationale du développement durable du tourisme tourne autour de 279 millions BIF. Est-ce suffisant ? Sentez-vous une implication du gouvernement pour booster ce secteur ?
Je peux saluer quand même cette avancée. Mais le gouvernement seul ne peut pas promouvoir ce secteur. Généralement, le secteur du tourisme et de l’écotourisme, c’est celui qui attire le plus d’investisseurs privés.
Qu’est-ce que vous proposez ?
Tant que le partenariat public-privé n’est pas promu, on n’ira pas loin. Il faut attirer plus d’investisseurs parce que ce sont les privés qui gèrent les hôtels. Ce n’est pas seulement le gouvernement qui va faire la pub. Ce sont les concessionnaires privés qui doivent être très actifs. Tous ces festivals doivent être organisés par le gouvernement en collaboration avec les privés.
Des gens font des efforts pour construire des restaurants, des hôtels, Et pareillement, ils devraient faire des efforts pour arrêter des stratégies d’attraction du plus grand nombre.
Qu’entendez-vous par là ?
Il faut améliorer la qualité des produits que vous proposez aux touristes. Les mets y compris la nourriture traditionnelle. Il faut qu’on soit rapide. C’est incompréhensible qu’on passe une heure à attendre un repas, une commande. Ce qui arrive souvent au Burundi. Il faut soigner la qualité, l’hygiène. Si nous arrêtons des stratégies conséquentes, il y a moyen que le monde entier vienne au Burundi.
Comment contourner ce manque de grands faunes et attirer les touristes ?
C’est possible. Il faut exploiter nos spécificités. Au moment où la Tanzanie et le Kenya misent sur la grande faune, concentrons-nous sur l’amélioration des plages du lac Tanganyika, augmentons sa publicité, améliorons la qualité de nos services. Et là, tout le monde doit travailler en synergie. La qualité renvoie aussi à la sécurité.
C’est-à-dire ?
Les pickpockets, les bandits qui volent les sacs des femmes… doivent être combattus et neutralisés. Cela peut sembler banal, mais cela peut détruire tout un secteur. Et le tourisme est un secteur très sensible et fragile. Il suffit qu’un touriste dise que son passeport ou sa valise a été volé pour décourager les autres touristes potentiels.
Au niveau des restaurants, des hôtels, le personnel doit être suffisamment formé pour bien accueillir les visiteurs. C’est déplorable de voir dans un hôtel un réceptionniste les bras croisés en présence d’un visiteur. Ailleurs, ils se précipitent sur les véhicules pour l’accueil, prennent leurs bagages, etc. Ici, ce sont de vrais fonctionnaires. Certains attendent que les visiteurs viennent leur poser des questions.
Que pensez-vous de la réclamation des éco-gardes d’avoir des fusils pour être efficaces ?
Vous pouvez armer les garde-forestiers mais si la communauté riveraine n’est pas impliquée dans la protection de cet écosystème, tous les efforts sont voués à l’échec.
Par exemple, à Ruvubu, le nombre d’éco-gardes se situe autour de 50 individus. Ce n’est pas suffisant, mais il est considérable. Il faut les doter de plus de moyens, de budget pour leur permettre de travailler jour et nuit. Il faut des moyens logistiques, qu’ils aient à manger, des tentes, des couvertures, qu’ils soient suffisamment protégés.
Jusqu’à présent, ils travaillent comme d’autres fonctionnaires. Ils se présentent à 8h pour rentrer à 15h. Quand ils rentrent, les braconniers prennent la relève.
Votre avis sur la situation du Musée vivant de Bujumbura où des animaux meurent de faim et ne se reproduisent pas ?
Il n’est pas un endroit idéal pour la reproduction qui suppose un milieu naturel. Le Musée vivant fait un travail louable de retirer ces animaux des mains illégales.
Mais le Musée vivant est en piteux état ?
C’est le manque d’expérience dans la gestion de ces endroits. Malheureusement, il n’y a pas suffisamment de moyens pour bien traiter ces chimpanzés, ces crocodiles, ce léopard, etc. On constate des manquements au niveau des guides touristiques. Le personnel n’exécute pas convenablement sa tâche. Ils ne savent pas comment guider et protéger convenablement les touristes. Des touristes sont parfois blessés par les chimpanzés parce qu’ils n’ont pas été suffisamment protégés par les guides. Le service vétérinaire est inexistant.
Quel est le rôle d’un guide ?
C’est d’interpréter, d’expliquer l’histoire naturelle de ces animaux mais également d’assurer la sécurité des visiteurs. Pour y arriver, il doit être suffisamment formé.
Le Burundi n’est vraiement pas attractif au point de vue touristique.
1) Il faut aménager ces sites touristiques
2) Notre réseau routier est dans un état incroyable
3) Les immondices jonchent les rues.
Comparons nous par exemple à notre voisin du Nord où les touristes se déversent et osons nous poser les questions qui fâchent.
Quand on parle du tourisme au Burundi, on obtient des informations contradictoires. Récemment, un responsable dans cette branche parlait de millions de touristes par an, et là cet expert en écotourisme minimise en disant que le tourisme n’est pas développé, que le chemin est encore assez long pour atteindre la satisfaction et la rentabilité. Il a raison. Récemment, j’ai fait quelques longs circuits, notamment Bujumbura – Amashuha de Magara et Bujumbura – les chutes de Karera. J’en garde un très bon souvenir, car ce sont des endroits magiques. Mais mon corps en garde un mauvais souvenir, car les routes sont mauvaises et vous cassent les reins. Un effort doit être fait dans l’aménagement des routes qui mènent vers ces lieux.
« Dans beaucoup de pays, le visa d’entrée est à 10 dollars, 20 dollars. Je pense que celui d’entrée au Burundi est l’un des plus chers. Et les touristes préféreraient aller où le visa est moins cher. »
Je ne pense pas qu’un touriste peut être dissuadé par le prix du visa. Celui-ci est souvent aussi cher que celui du visa d’entrée au Burundi dans beaucoup de destinations touristiques. Je peux citer Madagascar, Turquie, France, Canada, USA. Le grand problème se situe au niveau de la sécurité et l’état des sites.