Vendredi 22 novembre 2024

Politique

Interview exclusive avec le gouverneur de Rumonge : « Que les jeunes refusent d’être instrumentalisés ! »

03/07/2024 et Commentaires fermés sur Interview exclusive avec le gouverneur de Rumonge : « Que les jeunes refusent d’être instrumentalisés ! »
Interview exclusive avec le gouverneur de Rumonge : « Que les jeunes refusent d’être instrumentalisés ! »

Avec la destitution des quatre administrateurs en 2023, des administratifs accusés de corruption, la RN3, la méfiance entre les partis politiques, … la province de Rumonge a fait parler d’elle il y a quelques temps. Aujourd’hui, quelle est la situation ? Rencontre avec son gouverneur, Léonard Niyonsaba.

Le pays est entré dans le processus électoral. Dans le passé, durant les périodes électorales, des cas de conflits ont été signalés à Rumonge. Quelle est la cohabitation politique actuellement ?

A Rumonge, la cohabitation entre les partis politiques est très bonne. Il n’y a pas de conflits entre eux.

Votre message aux politiciens, à la jeunesse

Nous leur demandons de continuer à répondre présents aux travaux de développement communautaire. Normalement, le scrutin prend un jour ou deux. Après, les gens retournent dans leurs occupations habituelles.

Le constat est que c’est souvent la jeunesse qui est instrumentalisée. Mais après, quand vient le temps de partage des postes, ils ne sont pas très représentés.
Que les jeunes refusent d’être instrumentalisés et exploités politiquement! Qu’ils se concentrent sur leurs études! Qu’ils mettent en avant les métiers, le commerce! Qu’ils participent pacifiquement aux élections, sans méfiance et sans intimidation mutuelles.

Accusés d’avoir « volé » du matériel de construction, quatre administrateurs ont été destitués. Aujourd’hui, on dit que la population est méfiante. Quel est l’état de collaboration entre la population et l’administration dans les communes concernées ?

Vraiment ça se passe bien dans ces communes. La population n’a aucun problème avec les nouveaux administrateurs. Quand ils tiennent des réunions, la population est présente et contribue. La gestion est transparente.

Qu’en est-il des travaux de développement ?

La province de Rumonge est en train de se conformer à la vision 2040-2060 côté infrastructures, agriculture et élevage, éducation, tourisme, etc. Nous travaillons avec les directeurs provinciaux de chaque secteur pour arrêter des stratégies afin de booster tel ou tel autre secteur. Nous associons aussi les administratifs comme les chefs de zone et les chefs collinaires.

Concrètement ?

Par exemple, au mois de janvier 2024, nous avons visité toutes les zones. Nous étions accompagnés par les directeurs provinciaux de chaque secteur pour aider la population à comprendre cette vision 2040-2060. Les résultats sont déjà là.

C’est-à-dire ?

Dans le passé, les gens avaient l’habitude de venir s’attrouper devant le bureau du gouverneur pour se plaindre. Mais, actuellement, nous leur avons montré les voies et moyens pour résoudre certains dossiers avant qu’ils n’atteignent le niveau communal ou provincial. Seuls les grands dossiers arrivent aujourd’hui chez l’administrateur, le gouverneur ou le procureur.

Avec les Abahuza (médiateurs collinaires), les administratifs à la base, nous leur avons montré qu’il est possible de trouver des solutions pacifiques à certains différends.

Côté construction, qu’est-ce qui a été fait ou est en train d’être fait concrètement ?

Il y a ce nouveau bureau provincial d’abord. Dans nos prévisions, on projetait son inauguration le 1er juillet 2024. Nous pensons que dans les quinze jours, tout sera déjà réalisé. Nous sommes en train de faire des travaux de finissage.

Pour le moment, nous pensons déjà mettre en place un comité chargé d’organiser les cérémonies de son inauguration. C’est une belle infrastructure qui a été construite avec la contribution des natifs, de la diaspora, etc.

Quel est le coût des travaux ?

C’est difficile de préciser tout de suite le coût de cette infrastructure. Il faut d’abord que je vérifie l’historique parce qu’il y a des contributions venant d’ici et là. Sûrement que le montant qui était prévu par ceux qui ont débuté les travaux a beaucoup changé à la suite de la fluctuation des prix du matériel de construction.

Nous constatons que les travaux sur la RN3 avancent à pas de tortue. Qu’est-ce qui se passe ?

Cette route est en train d’être construite par deux entreprises. Il y a Sogea qui s’occupe du tronçon Rumonge- Magara et l’entreprise chinoise Chico qui travaille sur le tronçon Rumonge jusqu’à Nyanza-lac. Dernièrement, le ministre en charge des infrastructures a effectué une descente sur le terrain et les a réveillées.

Chico est à l’œuvre. Sur le tronçon qui revient à Sogea, le ministre est aussi arrivé-là. Nous avons constaté qu’il y a des problèmes financiers. Ceux qui exécutent les travaux ont dit que le coût des activités a été sous-estimé. Alors, ils sont partis échanger avec le gouvernement. Aujourd’hui, nous constatons que les travaux sont en train de reprendre. Sinon, les travaux étaient à l’arrêt.

Quid du tronçon Magara-Gitaza ?

Le tronçon nous complique beaucoup la tâche. Car, dans les accords avec Sogea, ce tronçon n’est pas concerné. Le gouvernement est en train de rassembler les moyens et de faire des études pour que cette partie ne soit pas délaissée. Dans les prévisions, le tronçon devrait être construit par Sogea mais ils ont constaté que la qualité de la route ne serait pas celle escomptée après que les inondations et les glissements de terrain soient intervenus.

Ils ont alors opté d’opérer sur un tronçon réduit pour que la route soit bien faite. C’est pourquoi, pour le tronçon Magara-Gitaza, on doit chercher d’autres fonds. Nous espérons que l’Etat est à l’œuvre. Nous tranquillisons la population.

Mais, certains habitants se lamentent en ce qui est des indemnisations.

Pour le tronçon Rumonge-Magara, on n’entend plus des lamentations en rapport avec les indemnisations octroyées. Il en est de même pour la partie Rumonge-Nyanza lac. Même ceux qui avaient été sautés lors de l’octroi de ces indemnisations ont été récemment régularisés. Honnêtement parlant, il n’y a plus de lamentations. Jusqu’à ce jour, nous pensons que tout le monde a été régularisé.

Pourquoi votre province occupe souvent les dernières positions dans les tests nationaux ?

C’est vrai et c’est un constat amer. Après des réunions avec les parties prenantes dans ce secteur, nous avons constaté que la responsabilité est partagée. Nous tous, nous avons une part de responsabilité. Les parents, les administratifs, etc.

Comment ?

Quand le directeur provincial de l’Education convoque une réunion des parents, ils ne répondent pas présents. C’est un sérieux handicap. Parce que c’est dans ces réunions qu’ils sont normalement informés des problèmes sur telle ou telle autre école, qu’ils donnent leurs avis pour le développement du secteur, etc. Nous avions même demandé que les directeurs participent dans ces réunions. Mais, malheureusement, leur taux de participation n’est pas satisfaisant.

Qu’avez-vous décidé alors ?

Il doit y avoir une collaboration entre les responsables des établissements scolaires et les parents. S’ils veulent réhabiliter une école ou en cas de demande d’une contribution financière, la décision doit être prise en commun accord. Ces réunions sont désormais convoquées via les églises et d’autres canaux de communication. Toute absence doit être notifiée et le parent concerné est appelé à se justifier. Nous pensons que cela va changer la tendance. Car, les élèves ne vont plus se méconduire et les parents vont suivre quotidiennement la situation de leurs enfants.

Nous avons aussi décidé d’effectuer des descentes sur le terrain et de tenir des réunions générales avec les parents deux fois par an. La deuxième descente sur le terrain est prévue en juillet prochain.

La population se lamente que le cimetière de Rumonge est saturé. A quand sa délocalisation ?

Nous avons déjà identifié un site de délocalisation. Il ne reste que l’accord du côté ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage. L’administrateur et le chargé de l’environnement au niveau provincial et le ministère de tutelle sont en train d’effectuer les dernières démarches. Si on regarde le plan directeur d’aménagement de la ville de Rumonge désignée comme ville touristique, ils ont déjà montré que le cimetière sera à Mutambara.

La population dénonce des délestages intempestifs du courant électrique et de l’eau potable dans la ville de Rumonge. Quelle est votre demande ?

Il s’agit d’une triste réalité. Nous constatons que même l’alimentation en eau potable et l’électricité n’est pas régulière ces derniers jours. Nous demandons à ceux qui sont chargés de ce secteur d’y mettre tout le paquet afin que la population ait de l’électricité et de l’eau potable régulièrement.

Parler de Rumonge, c’est aussi parler du palmier à huile. Comment est cette plante actuellement ?

La situation du palmier à huile est bonne. Nous sommes en train de voir comment rassembler les producteurs dans des coopératives. Nous pensons que cela permettra à ce que plusieurs unités traditionnelles de production de l’huile se mettent ensemble et créent une seule unité de production moderne.

Cela va minimiser les pertes de la production, protéger l’environnement et produire de l’huile en quantité et en qualité suffisantes. Ce qui va aussi valoriser l’huile de palme.

En réalité, nous avons constaté que même si le palmier à huile est beaucoup cultivé, le petit cultivateur n’en profite pas pleinement. C’est un petit groupe de gens qui y tire beaucoup de profit en louant les palmiers à huile durant deux ou trois ans.
Avec ces coopératives, l’huile de palme pourra même être exportée. Nous sommes aussi en train de penser comment les gens peuvent espacer les palmiers à huile pour qu’on y mette aussi d’autres cultures.

Etes-vous déjà informés sur la restructuration des taxes sur l’huile de palme ?

Honnêtement, nous n’avons pas encore eu beaucoup de précisions pour mettre en application cette mesure.

Cette culture a été touchée par la montée des eaux du lac Tanganyika. Qu’est-ce qui est en train d’être fait pour prévenir pareille situation ?

C’est triste. L’eau du lac a envahi les plantations de palmiers à huile. Même des maisons ont été touchées. On n’y peut rien. En collaboration avec les experts, nous sommes en train de voir comment protéger dans l’avenir nos plantations. Nous ne pouvons pas stopper le lac. Mais, il y a aussi ce projet d’extension de cette culture dans d’autres provinces. Au niveau national, les Burundais ne vont pas manquer de l’huile de palme. Nous les tranquillisons.

Nous sommes déjà en saison sèche. Et durant cette période, des feux de brousse sont souvent signalés dans votre province. Votre mise en garde.

Les gens doivent comprendre que la protection des aires protégées et des forêts incombe à tous. Elles sont très importantes pour l’Homme. Et leurs richesses comme les animaux attirent les touristes. Ce qui fait entrer des devises au pays. Que les administratifs, les forces de l’ordre et de sécurité se coalisent pour que les pyromanes soient sérieusement punis. Ils doivent être jugés en procès de flagrance. Provoquer des feux de brousse, c’est perturber l’économie du pays. Ceux qui cherchent des espaces de pâturage doivent se rappeler que la transhumance n’est plus autorisée et que l’élevage se fait désormais en stabulation.

Les producteurs des fruits comme les mandarines se lamentent qu’ils n’ont plus de clients. Certains menacent même de déraciner ces fruits. Votre commentaire.

Tout cela est lié au manque de vision. Mais, je ne pense pas qu’ils peuvent aller jusqu’à les déraciner. Ils n’ont pas dit cela. Ces fruits sont beaucoup cultivés à Kizuka. Nous les conseillons eux aussi de créer une coopérative. Nous allons les appuyer. Nous pouvons par exemple créer une usine de production des jus. Je pense que ce serait très bénéfique pour eux. Car, le grand problème est que la vente se fait dans l’anarchie. Les gens ne gagnent pas beaucoup.

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