Dimanche 24 novembre 2024

Société

Interview exclusive avec Gilbert Niyongabire : « On ne peut pas écrire sans avoir lu »

20/03/2023 2
Interview exclusive avec Gilbert Niyongabire : « On ne peut pas écrire sans avoir lu »

Sous le thème : « 321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels », la Journée Internationale de la Francophonie est célébrée, ce lundi, 20 mars 2023. Au Burundi, le niveau du français chute. Gilbert Niyongabire, président de l’association CLUB RFI/Bujumbura et enseignent à temps partiel à l’U.B revient sur cette situation. Rencontre.

Quel est l’état des lieux du français dans les écoles ?

Au Burundi, le français c’est la langue enseignée et d’enseignement. Mais à présent on remarque qu’il y a une baisse du niveau de français dans les écoles fondamentales et post fondamentales. C’est une question qui est liée à beaucoup de facteur.

Lesquels ?

Il y a d’abord des facteurs liés à l’état du pays. La pauvreté. C’est le premier facteur. Deuxièmement, il y a le problème lié aux heures affectées à la langue française dans les écoles. On a diminué sensiblement les heures du cours de français.

Ce qui est un handicap majeur. Au niveau de l’enseignement aussi, les élèves qui font les Lettres Modernes, maintenant, ils ne sont plus dans le système d’internat. Ils étudient et ils rentrent. Ils n’ont pas le temps de lire et de très bien réviser la matière en langues.

Vous parlez de la diminution de nombre d’heures affecté au cours de français. Pouvez-vous être précis ?

En fait, actuellement, au niveau de l’enseignement, on a révisé les horaires. Et puis les langues n’ont plus beaucoup d’heures. C’est un problème très dangereux au niveau de l’apprentissage des langues. Il faut accorder le temps suffisant aux langues.

La langue française est la langue d’enseignement. On apprend les mathématiques, la chimie, la physique en français. Alors, comment on peut diminuer les heures d’une langue alors qu’elle est utilisée pour enseigner d’autres matières ?

Il faut une révision de cette décision. Quelqu’un qui a eu deux heures par semaines et quelqu’un qui a eu 20 heures par semaine, ils ne peuvent pas avoir le même bagage à la fin du cycle.

Mais, on dit aussi que les élèves, les écoliers sont surchargés en langues. Votre commentaire.

En fait, apprendre beaucoup de langues n’est pas un problème. Par ailleurs, les recherches ont démontré que c’est une importance. Plutôt, il faut savoir comment agencer l’apprentissage de toutes ces langues.

L’enfant est capable d’apprendre plus de 100 langues. Et c’est possible. Cela dépend de comment on a préparé l’enfant, de comment on est en train de l’entraîner à l’apprentissage de toutes ces langues

Des lacunes linguistiques aussi côté enseignants….

Justement, il y a un problème. Les enseignants d’aujourd’hui, je ne suis pas en train de les injurier mais c’est une critique scientifique, ils n’ont pas un background suffisant pour pouvoir enseigner les langues. Et c’est connu que la plus belle fille du monde ne donne que ce qu’elle a.

Qu’est-ce qu’il faut faire ?

En tant que chercheur, je propose qu’il y ait chaque fois des séances, des ateliers, des conférences liées au renforcement des capacités en langues. Et il faut partir du français. Parce que jusqu’à présent, c’est la langue la plus utilisée à l’école.

Quel est votre message à l’endroit des décideurs ?

Pour les preneurs de décision, il faut encore s’asseoir et voir ce qui est nécessaire pour asseoir très bien la langue française au niveau des écoles. Si on diminue les heures du cours de français à l’école fondamentale et post fondamentale, nous sommes en train de préparer de mauvais résultats à la fin.

Quels sont les autres acteurs qui doivent intervenir pour relever le niveau ?

Les parents doivent être les premiers pour conduire nos enfants à la réussite. Qu’ils sachent leur rôle et l’assument. Il y a aussi des organisations nationales et internationales qui doivent apporter leur coup de main pour renforcer les acquis au niveau de la langue française. Et des actions dans ce sens sont déjà en cours.

Vous êtes aussi de la Coordination générale des Maisons TV5 du Burundi, qu’est-ce que vous êtes en train de faire pour relever ce niveau du français ?

Les Maisons TV5 contribuent au renforcement des capacités en langue française. Pour les élèves du fondamental et post fondamental, pour les étudiants à travers un arsenal d’activités francophones.

Concrètement

Par exemple, comme nous sommes dans la semaine dédiée à la langue française et à la francophonie 2023, quatre activités sont en cours : ciné concours qui appelle aux étudiants à s’exprimer à propos d’un film. Là, on est en train de développer l’audition et la capacité de pouvoir synthétiser ce que tu as regardé.

Nous leur demandons aussi de nous envoyer un texte écrit de ce qu’ils ont observé. Aussi, ils doivent apparaître devant le public pour s’exprimer à propos de ce qu’ils ont produit. Il y a aussi ce que nous appelons Quiz.

C’est-à-dire ?

C’est une activité intellectuelle pour les enfants. C’est comme génie en herbe. On parle de la géographie, de l’histoire de la francophonie, des grands évènements, des grands hommes, etc.

Nous sommes en train de préparer les jeux mémo. Là, nous allons nous borner sur l’entrepreneuriat des jeunes. Les élèves vont s’exprimer sur ce qu’ils vont devenir d’ici 20 ans, 30 ans, etc. Et ils vont nous expliquer comment il est en train de s’y préparer. Il y a les joutes oratoires. Et des prix sont prévus pour pouvoir les intéresser.

Est-ce qu’au niveau de l’Université, les étudiants sont ils capables de s’exprimer aisément en français ?

Là, prenons le cas de l’Université du Burundi, il ne faut jamais généraliser. Il y a des étudiants capables de se défendre en français, il y a d’autres qui n’en sont pas aptes. Tu poses une question à un étudiant ou une étudiante, il commence à rigoler, à rire. C’est un sérieux problème.

D’où viennent ces difficultés-là ?

Nous avons constaté qu’il faut que les étudiants reviennent à la pratique de la lecture. Et là, nous avons développé un projet Soma-Wige, pour les aider à revenir sur la pratique de la lecture. Aussi pour lire, il faut évoluer avec le temps.

Mais, ils ne savent pas ce qu’il faut lire avec l’internet. Ils sont sur facebook pour voir des photos, des commentaires sur des sujets, … Il faut plutôt lire les livres, s’exercer à produire, écrire des textes, des romans, des articles,… Mais, on ne peut pas écrire sans avoir lu. L’écriture c’est la matérialisation de l’oral, de la parole.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Kanda

    La guerre des langues. Quelques rappels:
    L’EAC, la grande partie des pays appelés à y adhérer, c’est essentiellement l’anglais. Il faut donc promouvoir notre intégration régionale. La recherche scientifique, les bases de nouvelles technologies, c’est essentiellement en anglais. Même les français font leur production scientifique en anglais. Emmanuel Macron lui-même et Louise Mushikiwabo à la Francophonie parlent anglais. Le Canada et son Québec francophone considéré comme 2e pilier de la Francophonie prônent le bilinguisme. Il est important d’apprendre plusieurs langues pour pouvoir communiquer avec le maximum possible de personnes de tous les pays du monde. Se cramponner au français n’est pas utile. Si l’on veut aller plus loin dans l’instruction, l’enseignement, la recherche scientifique, communiquer avec beaucoup, c’est plutôt l’anglais qu’on devrait enseigner le plus et apprendre ces autres langues comme secondaires, elles ont leur importance.

  2. arsène

    « L’enfant est capable d’apprendre plus de 100 langues. »

    Est-ce vraiment le chercheur qui parle ou c’est juste une plaisanterie?

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