Mercredi 12 mars 2025

Politique

Interview exclusive avec Gaston Sindimwo : « Appartenir à un parti politique est un choix personnel »

12/03/2025 1
Interview exclusive avec Gaston Sindimwo : « Appartenir à un parti politique est un choix personnel »

Reconnu comme membre de longue date du parti de l’Unité pour le Progrès National (Uprona), Gaston Sindimwo est actuellement président du Comité d’élaboration et de coordination des stratégies électorales du parti Conseil des Patriotes (CDP). Pourquoi ce revirement politique de cet ancien vice-président de la République ? Iwacu s’est entretenu avec lui.

Actuellement, les langues se délient sur votre participation régulière aux réunions du parti CDP…

D’abord, appartenir à un parti politique est un choix personnel. Ce n’est pas une obligation. J’ai, par exemple, passé plus de 50 ans au parti Uprona. J’ai tout fait pour ce parti. Je pourrais même dire que depuis 2010, en passant par 2020 jusqu’à maintenant, j’ai toujours été au service de ce parti. Malheureusement, je n’en suis plus membre.

Pourquoi ?

Contrairement à ce qui se dit, Gaston Sindimwo n’a pas quitté volontairement le parti Uprona. La direction de ce parti m’a tout simplement injustement chassé.

J’ai porté l’affaire devant la chambre administrative de la Cour suprême du Burundi. Je ne sais pas si elle a tranché, mais le dossier avait été mis en délibéré le 26 septembre 2024. Depuis, nous attendons que le verdict soit prononcé par le juge de la Cour suprême. Malheureusement, l’affaire reste pendante devant cette chambre administrative.

Certaines sources au sein de l’Uprona parlent de dissensions au sein de la direction comme étant la cause de votre exclusion. Vous confirmez ?

Quand j’étais vice-président de la République, le président du parti de l’époque a commencé à tisser des relations avec les gens au pouvoir. Des relations aux allures de soutien politique. Il disait que le parti Uprona allait soutenir le candidat du CNDD-FDD. Tout commence par là.

Alors, je me disais que l’Uprona ne pouvait en aucun cas se rallier au parti au pouvoir, car il a son identité propre, distincte de celle du parti au pouvoir. Les choses ont ainsi évolué. Je vous dis que même le jour de l’annonce du candidat du parti Uprona, cela a été un cauchemar.

Le bureau exécutif, pour se prononcer sur ma candidature, m’a obligé à signer un acte d’engagement. Imaginez-vous un vice-président, en même temps président du Conseil supérieur du parti, contraint de signer un acte d’engagement pour être candidat à la présidentielle !

Un acte d’engagement pour quoi faire ? Alors que j’étais membre à part entière du parti Uprona. Je savais que le piège était déjà tendu. Je l’ai donc signé à contrecœur.

Deuxième chose : la direction du parti Uprona n’a même pas voté pour son propre parti ! Vous vous rendez compte d’un président de parti qui ne soutient pas son candidat à la présidentielle, alors que c’est lui-même qui l’a présenté ?

N’est-ce pas des accusations gratuites, M. Sindimwo ?

C’est encore plus grave que vous ne le pensez. Vous savez que les candidats à la présidence doivent présenter une liste de deux cents mandataires comme signe de soutien politique. J’ai alors demandé à la direction du parti Uprona de rassembler ces deux cents membres. Car, si vous n’avez pas ces soutiens répartis sur l’ensemble du territoire national et au sein de toutes les couches sociales, votre candidature est exclue.

Jusqu’à la dernière minute, c’est-à-dire mercredi à minuit, alors que nous devions déposer jeudi, la direction m’a dit qu’elle ne disposait que de 160 membres. Elle l’a fait sciemment, car elle savait qu’en présentant seulement 160 membres, la candidature du parti Uprona serait rejetée.

Comme j’étais au courant de tout ce qui se tramait, j’ai cherché officieusement et parallèlement 200 documents représentant les 200 mandataires devant soutenir le candidat de l’Uprona à la présidentielle de 2020.

Tout cela a contribué à créer une atmosphère de méfiance entre moi et la direction du parti Uprona. Finalement, la direction a contraint les membres à signer mon exclusion. Et comme je ne pouvais pas me battre contre les jeunes que j’avais encadrés, j’ai pris acte.

C’est donc cela la cause de votre revirement politique ?

Oui. Après ce constat, je me suis dit qu’il ne fallait surtout pas que je sois étouffé politiquement alors que je suis capable d’agir.C’est à ce moment-là que j’ai rejoint le parti CDP.

Alors que vous défendiez jusque-là l’identité de l’Uprona, ce choix du CDP ne risque-t-il pas d’être vu comme une contradiction ?

D’abord, je ne pouvais pas entrer dans d’autres partis politiques. Et d’ailleurs, au parti CDP, je suis considéré comme un expert. Jusqu’à présent, je siège toujours à l’Assemblée nationale au nom du parti Uprona.

Gaston Sindimwo lors d’une réunion du CDP à Makamba

Par ailleurs, c’est pour cela que j’ai été retiré des listes de candidats députés du CDP. J’ai choisi de soutenir le CDP parce que j’ai adhéré aux idéaux de ce parti et je me suis dit que c’était là que je pouvais apporter mon soutien. Contrairement à ceux qui disent que je suis un opportuniste, si cela était vrai, je ne serais pas allé au CDP mais plutôt au CNDD-FDD. C’est là qu’il y a ‘’quelque chose’’ (rires).

Mais la loi dit qu’un parlementaire chassé de son parti ou qui le quitte volontairement perd immédiatement son siège…

C’est une très bonne question qu’il faudrait poser à la Cour suprême ou aux organes de gestion électorale. Pourquoi, lorsque le CDP a présenté mon nom sur la liste des députés de la circonscription de Bujumbura, a-t-on dit non ? Cela signifie que sur le plan judiciaire, le parti avait raison de me placer sur ses listes électorales.

Toutefois, j’ai accepté de me retirer de ces listes car je n’avais pas encore pris ma carte de membre du CDP. Je voulais simplement aider le parti à se renforcer, en attendant que la justice rende son jugement, toujours en délibéré depuis le 26 septembre 2024.

Mais j’estime que contraindre le CDP à retirer mon nom de sa liste de candidats députés ou refuser la liste de la coalition Burundi Bwa Bose sous prétexte que le nom de Rwasa y figurait est purement injuste.

On risque de dire que vous n’assumez pas le statut de membre du CDP…

Le président du CDP m’a approché pour solliciter ma contribution, car je n’avais plus de parti avec lequel travailler. Donc, je suis un expert et sympathisant du parti CDP.

Pourquoi votre changement de parti n’a-t-il pas fait l’objet d’une conférence publique ?

Je n’ai pas organisé de conférence pour annoncer à mon électorat de 2020 mon changement de parti. D’abord, la majorité de ces électeurs se trouvent au sein du parti Uprona. Ensuite, je ne voulais pas non plus perturber ce parti, qui connaissait déjà de nombreuses querelles internes.

Vos appréhensions par rapport au processus électoral en cours ?

Je préfère ne pas trop commenter ce processus. Mais d’emblée, quand je vois les partis en compétition et les préparatifs, il s’agit simplement d’un acte de citoyenneté que de participer au vote. Sinon, au regard des forces en présence, je n’ai pas trop d’enthousiasme. Le processus est biaisé dès le départ.

Comment ?

Une élection transparente et juste supposerait une compétition libre et équitable, où chaque candidat pourrait se présenter sans entrave. Or, lorsqu’on empêche certaines personnes de concourir, le processus est faussé dès le début.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. hakizimana jean capistran

    Mumbarinze nanje utu tubanzo.
    Au vu du prescrit de l’article 197 de la constitution du burundi de 2018, Quel regard portez-vous sur l’exercice du droit d’initiative legislative au Burundi ? comment est ce que vous l’avez mis en mouvement pendant cette legislature pour pretendre logiquement A un second mandat? In fine, quelles sont les causes de l’inexistance des propositions de lois d’initiative parlementaire?

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