Des chiffres des malades qui vont decrescendo, le dépistage massif bientôt à sa fin, le certificat de dépistage qui est passé de 1500 BIF à 50 $… Le vice-président du comité national scientifique de lutte contre la Covid-19, en même temps directeur général de l’Institut national de santé publique, éclaire sur certaines interrogations.
Depuis certains jours, ce sont les chiffres des malades en nette diminution. Quelles sont les raisons?
Effectivement, la courbe est en phase descendante. Et cela est le résultat de l’arsenal de mesures prises par le ministère de tutelle par rapport à la prévention. Vous-mêmes, vous pouvez remarquer que le lavage des mains est devenu quasi systématique. Dorénavant, même un enfant de moins de 5 ans refuse carrément de te serrer la main. Autre chose, c’est l’amélioration de la prise en charge des cas positifs. Le protocole national élaboré par le ministre de la Santé publique, avec ses partenaires, a permis aux lignes de bouger.
Une idée novatrice ?
Absolument. Actuellement, toutes les formations sanitaires ont une vision d’ensemble dans la prise en charge des cas positifs. En plus, la décentralisation des unités de dépistage a sonné le déclic. Actuellement, 15 sur 18 provinces que compte le pays sont à mesure de dépister. Et comme en interne les cas diminuent, l’accent est mis sur les points d’entrée (Makamba, Ruyigi, Kobero et Nemba-Gasenyi), principalement les frontières. Impérativement, tout entrant doit se faire dépister.
Mais, pour tout dire, nous devons reconnaître que la campagne de dépistage de masse a servi d’électrochoc. Petit à petit, la population a compris que la covid-19 est une maladie comme tant d’autres. De leur gré, beaucoup de personnes sont venues se faire dépister. Et quand le diagnostic est précoce, le suivi des cas positifs et la surveillance des cas-contact limitent la contamination. Actuellement le taux de prévalence est de 1.57 %, l’objectif est de le réduire à zéro.
Dans l’opinion, on commence à parler de l’immunité collective. Est-ce le cas?
Bien que scientifiquement cela ne soit pas encore vérifier, c’est une hypothèse à ne pas exclure. Contrairement aux autres pays, qui dès l’apparition de la maladie, ont vite confiné leur population, au Burundi, la population a continué de vaquer à ses occupations. Vu de cet angle, il se pourrait que la maladie ait continué de circuler. Les gens se contaminant entre eux au point de développer leurs « propres vaccins ». L’autre explication, c’est le climat. Le virus ne résiste pas à la chaleur. Les habitations éparpillées dans les centres urbains est l’autre hypothèse. Vivant reclus chez eux, c’est le confinement qui continue.
Si jamais cette immunisation collective vient à se confirmer. Des espoirs qu’elle soit pérenne ?
Tant qu’il n’y a pas encore eu des études approfondies, il est difficile d’affirmer quoi que ce soit. Par contre, la grande question que l’on pourrait se poser, c’est par rapport à la cellule souche de la covid-19 présente au Burundi. Serait-elle moins virulente que celle européenne? La durée des anticorps luttant contre la maladie, est-elle de combien ? Présentement, vous saurez aussi que les observations des scientifiques se portent sur l’inoculum (la quantité du virus inhalée pour transmettre à l’autre individu le germe pathogène et voir ce dernier développé la maladie, NDLR).
Sinon, en ce qui nous concerne, l’attention se porte sur la prise en charge. Et la bonne nouvelle, d’après les expériences, le traitement à base d’hydroxychloroquine, azithromycine et sulfate de zinc répond. S’il n’y a pas de complications 5-6 jours après le debut du traitement, plus de 60% des tests effectués reviennent négatifs.
L’âge et le fait que beaucoup d’Africains prennent souvent des antipaludéens ne serait-ce pas une autre raison?
Ces derniers jours, il s’est avéré que même les plus jeunes ne sont pas épargnés. Par contre, l’autre piste à explorer concerne le fait que l’Africain soit souvent exposé ou vit dans de milieux pleins de microbes. Un mal pour un bien. Parce qu’à force d’y être exposé, il produit des anticorps. Le principe est que si son corps est souvent agressé, l’organisme va produire des « anticorps-mémoires ». C’est-à-dire que le corps va rester avec la copie du gène du microbe qui l’a antérieurement agressé. Partant, être prompt dans la production en cascade d’autres anticorps pour le contrecarrer. Et dans la plupart des cas, la réponse est effective. L’individu guérit rapidement.
A deux semaines de la fin du dépistage de masse, plus de 30 mille personnes ont été déjà dépistées. Allez-vous vous en arrêtez là?
Loin de là. On va continuer. Seulement, le modus operandi changera. L’accent sera accordé au diagnostic communautaire. En 1e ligne, ce sont les agents communautaires qui seront mobilisés, formés quitte à être à mesure de faire un diagnostic clinique. Tout comme, ils prennent en charge la tuberculose, désormais, on intègrera la covid-19 dans leurs cahiers de charge. Bien sûr, la prévention et le diagnostic précoce resteront notre cheval de bataille. L’objectif est de ne pas perdre de vue les autres pathologies.
Dans certaines provinces, la population se plaint de l’éloignement des sites de dépistage. Votre commentaire.
L’important, c’est d’avoir un site le plus proche pour le prélèvement des échantillons. C’est dans cette optique que nous continuons de former des techniciens de laboratoires, des microscopistes. En plus de 116 déjà formés, l’objectif est d’avoir 2 techniciens de laboratoire en mesure de prélever et de transporter les échantillons dans chaque structure sanitaire du pays. Tant dans les hôpitaux publics que privés.
Dans le Burundi profond, l’absence de sensibilisation est une réalité. Que comptez-vous faire ?
Le train est déjà en marche. En plus des spots publicitaires de la cellule du ministère de tutelle en charge de l’information et de l’éducation en matière de santé (IES), des partenaires, telle que la troupe Ninde, sont à l’œuvre. L’objectif est de faire comprendre à la population que la maladie est une maladie comme tant d’autres. Quand bien même on l’a contractée, on guérit. Mais bien plus, l’accent sera mis sur l’observation des gestes barrière et la non-stigmatisation des malades.
A ce propos, il s’observe un relâchement de la population dans le respect des gestes barrière. Votre conseil ?
Le message est clair et net : il ne faut pas baisser la garde, parce que la maladie est très contagieuse. Si vous voulez rester à l’abri, observez ces mesures. Sinon, à l’instar des autres pays, les risques de l’effet rebond sont là. Cerise sur le gâteau, le lavage des mains ne protège pas seulement contre la covid-19. Il y a aussi les maladies des mains sales. En 5 ans durant la saison sèche, c’est la 1ère fois que des cas de choléra n’ont pas encore été signalés dans la plaine.
Le prix du certificat de dépistage vient de passer de 1500 BIF à 50$. Pourquoi cette hausse ?
Les gens doivent savoir une chose : les 1500 BIF étaient le prix du papier et non celui du test. Et si l’on s’en tient à l’ordonnance ministérielle, elle sera de 50 $ pour les personnes en partance pour les voyages ou de retour de leurs voyages. En fait, la philosophie est d’intégrer le test covid-19 dans les tests de routine. Quand le médecin te demande de faire un examen médical, tu t’arranges pour le faire. L’objectif est de nous préparer à l’avance pour voler de nos propres ailes. Parce que les partenaires ne seront pas éternels. Mais, la Covid-19 pourrait le rester.
Mais le prix n’est pas vraiment abordable …
L’ordonnance est claire. Pour tout Burundais qui est sur place, le test est gratuit. Toute personne qui entre ou quitte le territoire burundais devra s’acquitter de 50$. Je vois mal quelqu’un qui est en mesure de payer un billet d’avion 3 millions de BIF, manquer 50$. Encore une fois, le but est la pérennisation et l’appropriation du test en cas de départ des bailleurs.
Certains professionnels de santé estiment que le Burundi n’est pas suffisamment équipé en cas d’apparition de formes graves de la maladie…
Les gens doivent comprendre qu’il n’ ya plus grand remède que la prévention et le diagnostic précoce. La lutte n’est pas l’apanage des respirateurs. D’ailleurs, les statistiques sont formelles : seuls 5% sont susceptibles de développer des formes graves. Toutefois, qu’ils soient rassurés. Dorénavant, chaque hôpital national est au moins équipé de 2 respirateurs.
Propos recueillis par Hervé Mugisha