Dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre le diabète célébrée le 14 novembre de chaque année, la Rédaction d’Iwacu a approché Dr Anthony Nsabiyumva, médecin diabétologue consultant au Centre de lutte contre le Diabète au Burundi (Celucodia). Il fait le point sur la maladie et sur sa situation au Burundi.
Qu’est-ce que le diabète ?
Le diabète est une maladie chronique non transmissible caractérisée par un taux de sucre dans le sang (glycémie) qui reste constamment élevé, ce que nous appelons communément une hyperglycémie chronique.
Cette augmentation de la glycémie survient du fait du manque absolu d’insuline ou de son manque relatif voire une inefficacité de l’insuline présente. L’insuline est une hormone produite par le pancréas chargée de réguler le taux de glucose dans le sang.
Comment se fait-il remarquer ?
Le diabète est avéré lorsque la glycémie mesurée le matin à jeun est supérieure ou égale à 7 mmol/l à deux occasions différentes ou supérieure ou égale à 11,1 mmol/l à tout moment de la journée.
Quel est l’état des lieux au Burundi ?
Selon les statistiques de la Fédération internationale du diabète, FID, en 2021, le nombre de personnes vivant avec le diabète au Burundi était estimé à 223 100 par extrapolation.
Au Centre de lutte contre le Diabète (Celucodia), structure pionnière dans la prise en charge intégrée du diabète au Burundi, nous constatons une progression rapide de la maladie en comparaison aux années antérieures.
Sur les deux dernières années, une centaine de patients nouvellement diagnostiqués sont enregistrés chaque mois, soit 1 200 nouveaux cas vus en consultation par an en moyenne. Un effectif de 394 diabétiques de type 1 (type de diabète se manifestant principalement chez les enfants et jeunes adultes de moins de 25 ans) est suivi au Celucodia depuis 2017 jusqu’à ce jour. Le diabète va donc en grandissant au Burundi.
Et par rapport à la lutte ?
Sur les deux dernières décennies, plusieurs avancées ont été réalisées en vue d’améliorer la prise en charge du diabète au Burundi. Nous citerons notamment la mise en place d’un Programme de lutte contre les maladies chroniques au niveau du ministère de la Santé publique ; l’équipement des structures de soins primaires en appareils de dépistage à travers tout le pays ; la gratuité des insulines pour les jeunes enfants vivant avec le diabète au niveau de différents hôpitaux de district.
Une assistance initialement réservée aux habitants de la mairie de Bujumbura mais qui est en train d’être étendue à plusieurs provinces grâce à l’appui du ministère de la Santé publique.
Quels sont les défis liés à la lutte ?
De multiples obstacles se dressent au Burundi pour une prise en charge optimale du diabète. Cela inclut principalement la prévention et l’éducation qui ne sont pas assez favorisées. Ce qui entraîne une méconnaissance générale de la part de la population par rapport à la maladie.
Dans la majeure partie du temps, les malades ont recours à la médecine traditionnelle qui occupe toujours une place prépondérante dans notre société mais qui n’est souvent pas gage de résultats dans le cas du diabète.
Les médecins spécialistes sont peu nombreux et se retrouvent concentrés dans la ville urbaine de Bujumbura et partant ne répondent pas aux besoins des régions rurales. Les patients sont ainsi contraints à de longs et coûteux déplacements vers des centres de consultation auprès des médecins surchargés et pas assez outillés.
Il y a aussi le manque de moyens financiers qui entrave l’accessibilité aux médicaments et aux contrôles biologiques pour bon nombre de patients. Cela favorise un déséquilibre chronique de la glycémie et, à long terme, le développement des complications relatives au diabète.
Quel est le régime alimentaire des personnes atteintes de diabète ?
Les recommandations alimentaires pour les personnes vivant avec le diabète sont semblables à celles de la population en général. On ne parle plus à l’heure actuelle de régime strict ou exclusivement réservé aux diabétiques.
Que recommandez-vous ?
Nous recommandons l’éviction des sucres rapides, c’est-à-dire le sucre de table, les limonades, les jus de fruit, le miel, les pâtisseries, etc. Il convient également de favoriser une alimentation avec une faible teneur en sel et en graisses.
Il est aussi conseillé de consommer trois repas par jour entrecoupés, si possible, des collations pour prévenir l’hypoglycémie qui est une chute brutale du taux de sucre dans le sang.
Une assiette équilibrée devra être composée pour moitié de légumes et l’autre moitié sera divisée avec un quart de féculents comme le riz, la pomme de terre, les pâtes, etc. et un quart de protéines comme la viande, le poisson, les œufs, les légumineuses, etc.
Les produits laitiers et les fruits peuvent être associés au régime alimentaire en qualité de dessert ou de collation mais ils seront consommés avec modération.
Le régime alimentaire sera, bien sûr, adapté par le médecin traitant en fonction du profil de chaque patient par rapport à son poids, à la présence ou non d’autres maladies, etc.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour une lutte efficace ?
Pour endiguer la progression de plus en plus alarmante du diabète au Burundi, cela passera principalement par la vulgarisation des connaissances relatives au diabète au sein de la population, généralement à travers des campagnes de sensibilisation et de dépistage à grande échelle ; l’accompagnement et le suivi des patients par un personnel soignant (médecins et agents paramédicaux) bien formé et suffisamment outillé ; l’accessibilité à des prix réduits aux médicaments et aux examens de suivi pour une meilleure gestion de la maladie et la prévention de ses complications ; le soutien moral et matériel des associations de diabétiques qui peuvent jouer, en étroite collaboration avec le personnel de santé, un rôle très bénéfique par leur proximité avec les patients.
Que suggérez-vous ?
« Mieux vaut prévenir que guérir » comme le dit un adage. Il faut donc une hygiène de vie saine c’est-à-dire une alimentation équilibrée ; une activité physique régulière ; ne pas fumer et une consommation modérée d’alcool, est à adopter pour toute personne afin de prévenir la survenue du diabète.
Le dépistage précoce est également de mise et plus particulièrement chez les personnes disposant des facteurs de risque comme l’âge, les prédispositions familiales, l’obésité, etc.
Qu’en est-il des personnes déjà atteintes ?
En ce qui concerne les personnes déjà atteintes, vivre avec le diabète n’est pas une fatalité car en étant bien traité, le patient dispose d’une espérance de vie équivalente à celle de tout autre individu.
Il faut, toutefois, l’auto-surveillance continue de la maladie ; l’accompagnement par un médecin traitant et la prise régulière du traitement.
Témoignage : De la prudence quand on annonce la maladie aux patients
Dans la localité de la ville de Ngozi, Olivia Marie Blessia Girayezu est insulino-dépendante depuis 4 ans. C’est à partir de l’âge de 13 ans qu’elle est porteuse du diabète insulino-dépendant.
Mlle Girayezu trouve que le manque de dépistage à la maladie est un grand inconvénient. Elle fait savoir qu’elle a fini par comprendre que ceux qui pensent que le diabète est une maladie qui est réservée aux personnes âgées se font des illusions non fondées : « C’est une maladie très répandue de nos jours et qui n’épargne pas les enfants surtout dans les pays à régime méditerranéen. Une grande sensibilisation devrait se faire dans tout le pays », plaide-t-elle.
C’est en 2021, pendant les vacances de Noël, qu’une perte de poids non justifiée chez la jeune fille a attiré l’attention de ses parents. Sa mère Jocelyne raconte que sa fille mangeait normalement comme les autres enfants et qu’aucune anomalie n’était physiquement visible. « C’est son regard faible qui m’a inquiétée. Sinon, elle me disait qu’elle se sentait normale et qu’elle ne ressentait aucune douleur physique. Mais, sa perte de poids était anormale », souligne-t-elle.
Mlle Girayezu précise qu’à l’époque, elle se sentait normal comme les autres enfants : « Je ne consommait pas beaucoup de sucre, je mangeais normalement et d’ailleurs j’étais dynamique, mon régime de vie était on ne peut plus normal ».
« Un dépistage immédiat a sauvé la vie de ma fille »
Mme Jocelyne raconte que les inquiétudes ont fini par atteindre un sommet où amener la fille à l’hôpital restait le seul recours pouvant expliquer la chute vertigineuse de son poids. Admise en hospitalisation pour des examens, les résultats sont tombés comme un couperet. Olivia devait immédiatement être hospitalisée et mise sous insuline.
Sa mère n’en revenait pas. Sa fille avait un taux de sucre hyper élevé et on devait lui prescrire une insuline qu’on devrait lui administrer sur le champ. « C’est à partir de ce moment qu’elle a commencé le traitement sans interruption. Des piqûres de tout le temps n’est pas chose facile à accepter dans un premier temps », témoigne-t-elle.
Jocelyne avoue qu’elle a eu de la chance parce que son service lui facilitait le paiement des soins, une chance qui n’est pas donnée à tout le monde. « Les soins coûtent extrêmement chers. Ce qui n’est pas accessible à un grand nombre de Burundais ».
Une vie qui change de sens et de goût
Olivia a mis beaucoup de temps pour réaliser le monde dans lequel elle venait d’entrer. « Quand j’ai été hospitalisée, je ne comprenais rien du diabète. Comment j’ai attrapé cette maladie ? Comment je vais être traitée d’une maladie qui est venue comme ça ? Des questions se bousculaient dans ma petite tête d’enfant », témoigne-t-elle.
Tout le monde lui disait que cela allait passer, que c’est une maladie qui n’attaque que les vieilles personnes. « Je ne pouvais pas imaginer que ça pouvait être une maladie chronique », raconte-t-elle.
Toutes ses amies lui disaient que la maladie ne pouvait pas rester chez un enfant de 13 ans et elle en était convaincue. C’est en grandissant qu’elle a pu réaliser que la maladie était sa compagne pour toute la vie.
Elle raconte comment sa vie a commencé à prendre une autre forme, à commencer par le changement radical de son régime alimentaire. « On m’a indiqué de ne plus toucher aux sucreries. Empêcher des sucreries à un enfant de 13 ans, ce n’est pas rien dans sa tête », témoigne-t-elle amèrement.
A table, ses aliments les plus préférés ont été suspendus sur son menu. « Plus de bananes ! Oui des bananes. C’était insupportable. Le riz aussi a été suspendu brutalement comme ça sans essayer de m’y préparer ».
Elle raconte aussi comment supporter seulement les légumes, la salade, l’eau et le lait à table a été un enfer avec son jeune âge. « Je pense que, avant de changer le mode de vie d’un enfant, il devrait y avoir une certaine préparation psychologique parce que moi, ça m’a bouleversée. Même si notre culture nous conseille de cacher nos émotions, je reste déçue », déplore-t-elle.
Ne pouvant pas supporter le changement de régime alimentaire, sa famille a décidé de la transférer vers Bujumbura. Mais, là non plus, ça n’a pas marché et elle a été obligée d’être transférée vers le Rwanda où elle a pu avoir un autre traitement.
« Les piqûres nous font déprimer »
Les seringues pour les injections aussi devraient, selon cette jeune fille, être revues parce qu’elles ne sont pas pratiques. Elle explique que les seringues diffèrent les unes des autres. Elle estime que sur le marché local, celles mises à la disposition des diabétiques ne sont pas pratiques.
Olivia demande au gouvernement de s’impliquer davantage dans la prise en charge des personnes insulino-dépendantes. Elle reconnaît avoir rencontré des enfants avec une vie plus compliquée que la sienne et qui ne peuvent pas avoir accès aux médicaments. « Je suis parmi les plus privilégiés mais, je crois qu’on a besoin tous des médicaments plus efficaces », plaide-t-elle.
La jeune fille maintenant âgée de 17 ans ne cache pas ce qu’elle ressent avec les piqûres de tout le temps et de tous les jours. Elle demande si cela peut être amélioré avec des stylos pour les injections qu’elle juge plus pratiques et rapides par rapport aux aiguilles qui font trop mal. « Ce n’est pas quelque chose qu’on a choisie, mais de petites choses pourraient améliorer notre manière de vivre ».
Le diabète n’est pas un tabou selon la jeune fille. Parler de cette maladie changerait la donne et serait une autre forme de prévention. Elle ajoute que les nutritionnistes sont aussi nécessaires.
@Stanislas Kaburungu
Moi aussi j’ai eu le diabète par le passé. Je m’en suis débarrassé. Je pourrais donner quelques conseils à Olivia Marie Blessia Girayezu pour qu’elle retrouve une santé sans diabète assez rapidement. Comment la contacterpuisque je vis à l’extérieur du pays?
D’avance merci pour votre diligence.
Bonjour …
Vous pourrez me joindre sur le 61997255
la viande servie au diabete devra être une viande maigre et des huiles insaturés (huile d’olive)