Le 5 février 1991, par voie référendaire, les Burundais se sont prononcés en faveur de la Charte de l’Unité nationale. Quel était son esprit ? Est-ce que les initiateurs de cette politique de l’unité y croyaient réellement ? Qu’est devenue cette charte 33 ans après son adoption ? Iwacu a rencontré Adrien Sibomana, ancien Premier ministre sous Buyoya I pour faire le point.
Le Burundi vient de célébrer le 33e anniversaire de l’adoption de la Charte de l’Unité nationale. En quoi consiste cette charte ?
Je pense qu’il faudrait d’abord faire une petite remarque historique. Depuis les années 60, le Burundi a connu énormément de problèmes ethniques, des affrontements et des tueries.
Jusqu’en 1988, la question de l’unité nationale est restée pendante. Alors, quand il y a eu, au mois d’août 1988, ce qu’on a appelé les évènements de Ntega-Marangara, le gouvernement et le président de l’époque ont décidé de mettre en place une commission nationale chargée d’étudier la question de l’unité nationale.
Cette commission a travaillé et déposé un rapport et des suggestions y relatifs. Parmi ces dernières, la commission proposait que les Burundais débattent sur cette question au niveau national et pas seulement au niveau d’une commission. Alors, un débat a été ouvert depuis 1988 et c’est en 1990 qu’il y a eu un projet de charte qui a été adopté par référendum le 5 février 1991.
Quel est son esprit ?
Cette charte contient un engagement des Burundais à vivre ensemble dans leur pays. D’ailleurs, l’esprit de cette charte est largement contenu dans l’hymne de l’unité : vivre ensemble dans notre mère-patrie ; partager équitablement ce qu’on a ; gérer ensemble les problèmes du pays.
Premier ministre burundais d’octobre 1988 à juillet 1993. Selon une certaine opinion, votre nomination a été vue comme une tentative infructueuse d’apaiser le courroux qui régnait au sein de la majorité hutue. Quel est votre commentaire ?
Je ne sais pas (rires). Car ce n’est pas moi-même qui me suis nommé. Il faudrait peut-être poser la question à quelqu’un d’autre. Mais, la nomination d’un Premier ministre est toujours un fait politique, c’est-à-dire qui a des orientations politiques. Si ma nomination a permis d’apaiser certains esprits, cela serait une bonne chose. Mais, elle pourrait aussi être une inquiétude pour certains autres. Globalement, je pense que ce n’était pas une mauvaise chose non pas parce que c’était moi qui ai été nommé mais le fait en soi.
Y-aurait-il eu d’autres mesures d’accompagnement en vue de bien mettre en œuvre cette politique de l’unité ?
Je tiens à préciser que l’unité nationale n’était pas seulement la nomination d’un Premier ministre. Mais il y a eu d’autres nominations dans les administrations et dans les sociétés paraétatiques pour essayer d’y mettre des personnes compétentes sans devoir nécessairement regarder l’ethnie. Mais, naturellement et démographiquement, s’il y a une ethnie qui domine cela veut dire qu’elle doit avoir un grand nombre de compétences.
Deux ans après l’adoption de la Charte de l’Unité nationale, il y a eu un coup dur, à savoir le coup d’Etat de 1993 et la crise socio-politique qui s’en est suivie. Est-ce que les initiateurs de cette politique de l’unité y croyaient réellement ?
Je crois que tout homme politique doit croire en l’unité dans son pays. S’il n’y croit pas, il ne mérite pas d’être là. Personnellement, je pense qu’ils y croyaient. Même avant ma nomination, c’est un thème qui était souvent évoqué par certaines autorités politiques. C’est important qu’il y ait la cohésion sociale dans n’importe quel pays et l’unité nationale, sinon ce pays devient ingouvernable.
Et la population ?
Que ça soit aujourd’hui ou dans le passé, la population dans son ensemble a toujours cru en l’unité. Si vous allez dans le Burundi profond, les gens cohabitent, partagent ce qu’ils ont. Ils n’ont pas de conflits. Ces derniers naissent souvent autour des élites qui se disputent certains intérêts liés notamment aux postes politiques et aux biens matériels. Il faut d’ailleurs l’avouer, certaines élites peuvent mettre en avant les aspects ethniques pour gagner la compétition politique.
Au sein de l’élite au pouvoir, voyiez-vous de la même manière l’avènement de cette politique de l’unité ?
C’est difficile de lire ce qu’il y a dans les cœurs des gens. Mais, je pense qu’il n’y a eu personne qui a remis en cause cette politique de l’unité nationale et sa nécessité dans l’intérêt de tout le monde.
Feu président Pierre Buyoya se définissait comme champion de l’unité nationale, est-ce qu’il ne portait pas en lui-même les germes de l’échec de cette unité au regard de son image dans les milieux de la majorité démographique ?
Non. Pour les gens qui connaissent ou qui connaissaient le président Buyoya, il n’est vraiment pas quelqu’un qui pouvait faire de divisons. Personnellement, je l’ai vu avant qu’il ne soit président. On ne se connaissait pas. Mais quand j’étudiais, je le voyais et il était un officier qui était vraiment très respecté. Même les étudiants ne le chahutaient pas.
Je me souviens d’ailleurs qu’un jour, nous étions un groupe d’étudiants et nous l’avons vu passé au campus. Certains ont proposé de le chahuter et quelqu’un parmi nous nous a dit non. Celui-là est un officier intelligent et respecté. Nous ne savions pas d’ailleurs qu’un jour il allait devenir président de la République.
Quand j’ai terminé mes études, je l’ai rencontré à Gitega. C’était au moment du parti unique. Et quand il a fallu mettre en place le comité provincial du parti, la population elle-même a proposé qu’il soit là-dedans. Cela a été la même chose lors de la mise en place du comité national du parti.
Donc, j’estime que c’est quelqu’un qui était raisonnable et qui croyait en tout ce qu’il faisait.
Trente-trois ans après l’adoption de la Charte de l’Unité nationale, qu’est-ce qu’il en reste par rapport à son objectif ?
Bien que certaines opinions disent que la Charte de l’Unité nationale n’est que de la poudre aux yeux, cette charte ne peut en aucun cas être remise en cause. Car elle contient des éléments nécessaires et importants pour l’édification du Burundi. L’unité nationale, c’est quelque chose de fondamentale. C’est un texte qui a été certes dicté par les circonstances du moment, c’est-à-dire les divisions basées sur les ethnies.
Mais on peut avoir des divisions basées sur autres choses. Il faut donc une mémoire vigilante pour que l’unité nationale reste là, indépendamment des ethnies, des classes sociales et de toute autre chose qui peut diviser les Burundais.
Selon vous, si la Charte de l’Unité nationale était à revisiter, qu’est-ce qu’il faudrait ajouter ou retrancher pour l’adapter au contexte du moment ?
La Charte contient des principes et des valeurs universels qui résistent au temps. C’est-à-dire que dans le temps et dans l’espace, ces principes ont toujours existé et demeureront importants. Personnellement, je ne vois pas quelque chose qu’on changerait. C’est une Charte qui a été longuement préparée.
Pourriez-vous faire une brève comparaison entre la Charte de l’Unité nationale et l’Accord d’Arusha ?
La Charte de l’Unité nationale est le résultat d’un référendum alors que l’Accord d’Arusha a été une conclusion entre quelques partis politiques. L’Accord d’Arusha propose une distribution mathématique des postes au sein de l’Etat ou de l’administration. Il est à mon avis venu concrétiser la mise en application de la Charte de l’Unité nationale. Les deux textes se complètent.
@Bitera
Tu dis:
« Est-ce que les DD sont capables yo kuduha abantu nkabo??? »
D’où tires-tu tes idées suprématiste s d’un autre âge ?
[…] Alors, un débat a été ouvert depuis 1988 et c’est en 1990 qu’il y a eu un projet de charte qui a été adopté par référendum le 5 février 1991 […].
Une débat entre qui et qui? Entre l’UPRONA et… l’UPRONA!
@Gacece
Un débat entre l’élite hutue et l’élite tutsie de l’époque.
@Jean
Il n’y a jamais eu de débat! Il y avait seulement des tournées de Buyoya dans quelques écoles secondaires du pays pour expliquer le texte (déjà rédigé) de la charte de l’unité et … répondre à quelques questions d’élèves tutsis triés sur le volet. Seuls les élèves des cycles supérieurs (11e année et plus*) avaient le droit d’assister aux « explications ».
Les populations rurales ont eu droit à des discours de propagandes (meetings obligatoires sous menaces d’amendes ou d’emprisonnement) pour les inciter à aller voter.
J’imagine qu’il y a eu débat(s) au(x) conseil(s) des ministres pendant la correction et l’adoption du texte déjà prêt… Tous les ministres (hutus et tutsis) étaient des upronistes.
Entre l’UPRONA et l’URONA!
*Et/ou 3e et plus si vous voulez.
Y avait-il d’autres partis politiques agréés en 1990 à part l’Uprona avant le fameux sommet de la Baule, France pour participer aux débats sur l’unité nationale?
@Karenzo
À part l’UPRONA, les premiers partis ont été agréés en 1992.
La charte de l’unité a été adoptée le 5 février 1991.
C’est pour cette raison qu’on ne peut pas dire qu’il y a eu de débats.
Si la charte avait été élaborée après l’adhésion d’autres partis et que ces derniers y avaient participé, on pourrait parler de débats.
La charte de l’unité était un projet de l’UPRONA (pour l’UPRONA) qui a servi à bâillonner à l’avance les autres partis avant même leur adhésion.
Même si personne ne peut s’opposer à l’idée d’une unité nationale, le contenu de la charte n’aurait pas été exactement le même que ce qu’il est, ni exprimé de la même façon.
@Gacece.
vous dites que….Seuls les élèves des cycles supérieurs (11e année et plus*) avaient le droit d’assister aux « explications ».
J’étais en 7è au Lycée de Rohero (ancien Athénée Secondaire de Bujumbura) et nous avions tous (de la 7è à la Terminale) assister aux explications. Si je me rapelle bien, c’était un certain Simenya Siméon qui dirigeait les séances. Juste une information pour vous (FYI).
@Louis
Je parlais des tournées de Buyoya… dans « quelques » écoles secondaires. Ce n’était pas de la discrimination, mais il y avait des élèves du cycle inférieur qui avaient l’âge de voter qu’on a mis de côté. On aurait dû leur accorder l’accès.
Si vous étiez en 7e, vous n’aviez probablement pas l’âge de voter et donc, inutile d’assister aux explications. Mais tant mieux pour vous.
Adrien Sibomana est un véritable « Mushingantahe »
Ceux qui ont étudié à Gitega le connaissent qd il était professeur au Collège Notre-Dame de Mushasha
Le Major Buyoya ne s’était pas trompé en le nommant Premier Ministre n’en déplaise à ceux qui le critiquait ( surtout ceux de son camp)
Nabandi benshi yarabaronka kandi ils étaient intelligents, patriotes et intègres abarundi benshi twemera tutaravye ivyamoko nintara,aha ntawobiharira
Est-ce que les DD sont capables yo kuduha abantu nkabo???
Pauvre Burundi! Le Burundi est le seul pays au monde qui considère un génocide comme une routine journalière, et pas assez grave pour s’en inquiéter.
Du point de vue du droit international applicable au génocide, la Charte de l’unité nationale n’était ni moins ni plus qu’un acte de génocide par soumission à des conditions d’existence devant entraîner une destruction physique (…) Méthode de destruction qui ne tue pas immédiatement les membres du groupe, mais qui, au bout du compte, cherche à les détruire physiquement.
33 ans après depuis la date du 5 février 19991. Deux ans après la déclaration du parlement du 21 décembre 2021. Comment est-ce possible que des politiciens de l’époque. Osent parler de la Charte de l’unité nationale comme une bonne chose. Sans mentionner nulle part le mot Génocide. Génocide des Bahutu! Par la dynastie des Bahima !
Le fait de concevoir le génocide au Burundi comme un crime commis principalement par l’entremise de tueries structurées minimise la complexité de la violence génocidaire et réduit la portée de sa véritable définition, qui comprend à la fois les méthodes de destruction mortelles et non mortelles.
Genocide unique au monde:
“A holocaust-Style systematic murder combined with a South-Africa’s apartheid-Style, both with the Canadian colonial cultural genocide against Indigenous Peoples with its destruction of identity.”
Le seul genocide condamnable chez toi c’est le genocide contre les Hutus et jamais le genocide premier contre les Tutsis de 1965 et 1972. C’est pour cela que Bagaza parlait d’une nation avec deux peuples. A chacun ses morts. C’est comme accuser Israel de genocide sans denoncer les massacres premiers des innocents par le Hamas.
Suprématiste vas!
Uti de « surtout ceux de son camp » De quel camp s’agit-il? Uproniste?