Lundi 16 décembre 2024

Politique

Interview exclusive/Ambassadeur Michael Wimmer : « Si on veut construire un Burundi émergent puis développé, il faut le soutien de la population. »

16/12/2024 0
Interview exclusive/Ambassadeur Michael Wimmer : « Si on veut construire un Burundi émergent puis développé, il faut le soutien de la population. »

Dans son programme de visite des médias, Michael Wimmer, ambassadeur du Royaume de Belgique au Burundi a rencontré, ce mercredi le 11 décembre 2024, la rédaction du journal Iwacu. Une occasion pour lui poser quelques questions

Où en sont actuellement les relations entre la Belgique et le Burundi après la levée de l’article 96 de l’Accord de Cotonou ?

Ce que je voudrais dire d’abord, c’est qu’il y a eu une période difficile entre 2015 et 2020 et même jusqu’en 2022, selon la période que l’on prend en compte. Ce qui est important, c’est que la Belgique est restée toujours présente ici au Burundi. Même dans ces périodes difficiles, elle est toujours restée présente avec ses coopérations de développement.

Mais il est vrai que la situation a été difficile vu qu’il y avait des tensions entre gouvernements, jamais entre peuples. Ces tensions-là ont pu se résoudre notamment par la levée de l’article 96, il y a quelques années. Cela a permis de renforcer les liens. Il y a eu plus d’échanges.

On a eu beaucoup de visites, notamment de notre envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, de différents directeurs généraux du ministère belge des Affaires étrangères ou de l’agence de coopération. Ces visites ont permis effectivement l’amélioration des relations bilatérales.

Concrètement, sur quoi vous mettez l’accent aujourd’hui dans vos relations avec le Burundi ?

Dans nos relations, les peuples sont toujours restés unis. Et les peuples restent notre priorité. C’est-à-dire que l’assistance directe aux populations reste notre priorité. Il s’agit d’aider en matière de santé. C’est d’ailleurs le secteur où la Belgique est un des principaux bailleurs de fonds.

Nous continuons également à aider en matière d’éducation : post-fondamentale ou de formation technique et professionnelle. On parle aussi de la création de 7000 emplois dans le cadre du nouveau programme de formation technique et professionnelle. Mais aussi, dans le domaine de l’agriculture. L’être humain est donc aujourd’hui au centre de notre priorité. Nous souhaitons contribuer à aider le Burundi à aller vers son émergence, à aller vers de meilleures conditions de vie pour la population.

Quels sont vos programmes en matière de coopération dans le secteur des médias ?

J’ai déjà donné, de manière générale, les axes de coopération. Evidemment, vous avez noté que je n’ai pas mentionné les médias là-dedans. Il y a deux choses qui sont très concrètes. La première, c’est qu’on souhaite renforcer les échanges de dialogue entre autorités et société civile. Mais non pas seulement sur des questions politiques, mais aussi sur des questions très concrètes : la santé, l’éducation, etc. Or, dans la société civile, forcément, les médias en font partie. Vous avez donc un rôle très important.

Deuxièmement, vous êtes un partenaire important pour faire savoir ce que nous faisons. C’est une chose que l’on doit faire savoir. Les populations ont le droit de savoir ce que fait la Belgique en matière de coopération dans la santé, dans l’agriculture, dans la gouvernance. Elles ont le droit de le savoir et nous, nous avons l’obligation de le communiquer.

Et puis troisièmement, il n’y a pas d’engagement là-dedans, mais de manière générale, la Belgique, l’Union européenne et plusieurs autres partenaires ont souhaité renforcer la presse ; faire en sorte que la presse puisse jouer son rôle. Mais, cela passe avant tout par des échanges, par une reconnaissance aussi que vous jouez un rôle très important.

La rédaction du Journal Iwacu

En décembre 2023, vous avez conjointement signé une Convention spécifique formalisant l’adoption d’un nouveau programme bilatéral post-sanctions. Où en êtes-vous avec ce programme ?

Vous avez raison. On l’a signée il y a exactement un an. L’année 2024 a été mise à profit pour commencer à mettre en œuvre ce programme. Faire en sorte que les engagements qu’on a signés, on puisse commencer à les réaliser. Au niveau des programmes, il y a plusieurs phases. Il y a d’abord une formulation des programmes. Ensuite on commence à les mettre en œuvre, c’est-à-dire à créer des cadres pour chaque programme. Enfin, la troisième phase c’est que les populations commencent à bénéficier des résultats ; que ce soit en éducation, en agriculture, en gouvernance, etc.

Pour l’instant, on est dans la deuxième phase. On a globalement commencé à mettre en œuvre ces programmes.
On commence à voir les premières actions qu’elles ont mises en place. Il s’agit d’actions concrètes, dans les domaines que j’ai cités. Les premières actions ont déjà été mises en place en matière, par exemple, de chaînes de production agricole, et commencent à produire leurs fruits. Je dirais que la pluie d’aujourd’hui nous permet peut-être de renforcer encore plus les fruits de nos actions.
Et donc ce programme-là témoigne vraiment de la volonté commune d’inscrire la coopération dans une dynamique durable qui bénéficie aux populations burundaises.

Le Burundi vient de tenir une Table ronde sur l’investissement. Est-ce que les investisseurs belges sont prêts à venir opérer au Burundi ?

La réponse brève est oui. Nous avons eu plusieurs investisseurs qui ont participé à la Table ronde qui a eu lieu la semaine dernière, mobilisés par l’ambassade du Burundi à Bruxelles. Les investisseurs d’abord étaient très impressionnés par l’organisation de cette Table ronde. Ils ont trouvé cela très intéressant. Ils ont trouvé qu’il y avait un bon échange.
Deuxième message, ils sont tout à fait intéressés à investir au Burundi. Là on en a eu quelques-uns, mais il y en a d’autres qui sont intéressés.

Troisième chose, pour pouvoir investir ici, il faut travailler à des conditions qui permettent les investissements. Et je pense qu’il y a deux conditions essentielles qui sont importantes. Il y a, premièrement, la condition de la politique macroéconomique, mais en particulier du taux de change.

Si on veut qu’un investisseur le fasse au Burundi, il faut lui permettre aussi, de générer des bénéfices, de pouvoir les renvoyer dans son pays. Pour faire cela, il faut un cadre macroéconomique stable et donc une politique de change prévisible. Je pense que c’est la première chose à faire.

Deuxième chose très importante, c’est l’État de droit. C’est faire en sorte que lorsqu’un investisseur vient dans le pays, signe des contrats. Ces derniers doivent être respectés et lorsqu’il y a des différends, qu’ils soient réglés de manière acceptée par tous. C’est-à-dire que c’est le travail de la justice.

Ces deux questions sont vraiment essentielles pour permettre non seulement à des investisseurs d’investir ici, mais aussi de convaincre d’autres de venir après. Parce que si un investisseur ne parvient pas à faire aboutir son projet, c’est évidemment très mauvais pour les autres investisseurs qui veulent venir. Si on veut convaincre de nouveaux investisseurs de venir, les meilleurs avocats de cela sont les investisseurs qui sont déjà présents dans le pays.

Donc il faut travailler sur ces deux questions-là. État de droit dans le sens large, respect des contrats, fonctionnement indépendant de la justice, comme l’évoque le président de la République dans ses discours. Et puis par ailleurs, un cadre macroéconomique stable et prévisible.

Alors que le 10 décembre de chaque année le monde célèbre la journée des droits de l’Homme. Vous avez salué, à l’occasion de la célébration de la Fête du Roi des Belges, « les engagements répétés du Président en faveur des droits humains ». Votre constat aujourd’hui ?

Le premier message, c’est d’abord que les droits humains, je pense, sont très importants. Les droits humains, c’est la vie quotidienne. C’est faire en sorte qu’on ait le droit à l’éducation, à l’alimentation, à la santé et à la liberté d’expression.

Ce sont les meilleurs indicateurs de la qualité de vie d’une population. C’est évident que quand nous, on agit ici au Burundi, on le fait en fonction de ces droits humains. Pour vous donner un exemple, le programme de coopération qu’on a évoqué ci-haut a été formulé en fonction de ces droits.

Cette question de droit est vraiment essentielle. Alors, j’ai salué effectivement le fait que le Président de la République, dans ses allocutions, ait mentionné l’importance de ces droits fondamentaux. C’est très important, d’abord, de reconnaître que ces droits sont, comme le dit le terme, fondamentaux.

Deuxièmement, il y a eu évidemment des actions qui ont été prises. Je salue par exemple, puisqu’on est dans un média ici, la libération de Floriane Irangabiye. C’est aussi une des choses très importantes. Après, vous me demandez une évaluation de la situation. Vous me permettrez de garder cela pour mes interactions avec les autorités.

Mais, d’emblée, lorsqu’il y a des sujets de préoccupation, mon rôle en tant qu’ambassadeur, c’est de faire passer ces sujets de préoccupation, d’avoir des échanges avec les autorités, et de faire passer des messages, et de recueillir les messages des autres. Je pense que mon rôle, puisque je suis à Bujumbura et pas à des milliers de kilomètres d’ici, c’est de faire passer directement ces messages aux autorités, que ce soit des choses positives ou négatives. C’est de les écouter aussi, de recueillir les messages positifs ou négatifs des autorités. C’est cela vraiment l’essentiel du rôle d’un ambassadeur.

Quel regard portez-vous alors sur les mécanismes onusiens des droits humains au Burundi ?

La Belgique s’inscrit dans le soutien des droits humains et au multilatéralisme. Le multilatéralisme, c’est le fait de dire que finalement, seul on va vite, mais ensemble on va plus loin. C’est-à-dire qu’ensemble, on arrive à faire des choses plus solides.

Ce qui est très important, c’est la bonne collaboration avec les mécanismes internationaux, que ce soit au Burundi ou ailleurs, pour la Belgique aussi. Parfois, les mécanismes internationaux viennent avec des critiques. Mais quand ils prouvent par exemple qu’il y a surpopulation dans les prisons belges, c’est un point qui n’est peut-être pas agréable à lire pour la Belgique, mais qui nous permet d’améliorer les choses.

C’est important en Belgique, mais c’est évidemment aussi important au Burundi., Parce que c’est une boussole internationale qui nous permet d’agir en tant que gouvernements.
Par ailleurs, le Burundi a fait le choix de se présenter au Conseil des droits de l’Homme. Nous y siégeons avec le Burundi. Et forcément, c’est parce qu’on s’inscrit dans un cadre multilatéral

Justement, quelles sont vos appréhensions sur cette collaboration du Burundi avec le Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains au Burundi ?

Je dis toujours que les mécanismes internationaux sont importants.
Je vois les rapporteurs thématiques. Il en existe plusieurs par exemple pour la liberté d’expression, pour l’alimentation. Mais aussi d’autres mécanismes comme le Rapporteur spécial de l’ONU pour le Burundi. Alors, mon message est le même. C’est-à-dire que c’est important de soutenir le multilatéralisme dans son ensemble.

Je comprends la volonté du Burundi de ne pas se faire singulariser. Mais, le message de manière générale, c’est que c’est important d’avoir ces mécanismes internationaux parce que cela nous permet de nous guider.

En tant que pays, cela donne un soutien à la société civile aussi pour agir. De manière générale, c’est important de collaborer avec les mécanismes internationaux comme le Rapporteur spécial. C’est aussi en travaillant avec ces mécanismes internationaux qu’on peut avancer et montrer qu’il y a eu des avancées concrètes et éventuellement aussi passer à une autre phase.

Diplomatiquement et concrètement, à quoi doit-on s’attendre de votre mission par rapport aux élections en vue au Burundi ?

Les élections au Burundi, c’est l’affaire des Burundais. Comme les élections en Belgique, c’est l’affaire des Belges.
Notre souci en tant que partenaires internationaux, c’est que ces élections aient lieu de manière libre, transparente, équitable et inclusive. Faire en sorte que la voix des Burundais soit entendue comme en Belgique.

Lorsque le président de la Commission électorale nationale indépendante vient en Belgique pour observer les élections, c’est justement dans ce contexte-là. C’est pour voir si tout se passe bien de manière libre, équitable et apaisée.

De l’autre côté, nous sommes ici, notre espoir, c’est de voir ces élections refléter la volonté populaire. Parce que nous sommes convaincus que ce sont les élections qui respectent tous ces principes-là, qui ensuite mènent à la stabilité du pays. Or, on a déjà vu que toutes les crises du pays, je parle du Burundi, mais même dans d’autres pays aussi, ont été finalement le fruit d’élections qui n’ont pas respecté ces principes.

Et donc c’est important d’avoir cet apaisement, d’avoir des élections qui soient dans les normes. Parce que justement, si on veut construire un Burundi émergent puis développé, il faut avoir toute la population avec soi.

Est-ce que dans le cadre de la collaboration diplomatique, la Belgique est prête pour mobiliser au moins une observation électorale ?

À ma connaissance, il n’y a pas d’observation électorale qui aura lieu. Ce sont aussi des élections législatives, il y a encore la présidentielle dans un peu plus de deux ans. Donc il n’y a pas d’observation électorale belge qui en tout cas aura lieu. En revanche, on suivra les choses en tant qu’analyste. Vous savez qu’un diplomate, c’est avant tout un observateur (rires).

Et donc on espère, on observera. Par ailleurs, on sera à l’écoute de ce que dit la société civile sur ces élections. Puisque vous êtes tous, en tant que presse, mais aussi en tant que société civile, au plus près des réalités. On sera évidemment à l’écoute et à votre disposition.

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