Mise en place d’une plateforme des opposants en Afrique, suspension des activités du parti CNL, analyse de la situation économique du pays, préparation des prochaines élections, etc., le président du parti Congrès national pour la liberté (CNL) fait le point sur l’actualité politique.
Agathon Rwasa, vous rentrez d’une réunion d’autres leaders de partis d’opposition en Afrique. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Là vraiment, je crois qu’il y a une certaine confusion. Je suis parti effectivement pour Arusha où se tenait la 77e session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Et à l’occasion, on avait invité les chefs des partis d’opposition. Et en marge des activités liées à cette session, on s’est rencontré, on s’est concerté. C’est comme ça que nous avons pu nous entendre sur certaines choses. Et après les activités d’Arusha, on s’est rendu à Nairobi où on a fait une déclaration. Sinon, ce n’était pas une réunion en bonne et due forme des partis de l’opposition.
Lors de la déclaration de Nairobi, vous avez parlé de l’état de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau africain. Pourquoi une telle déclaration n’a pas été tenue par les partis politiques de l’opposition au Burundi, étant donné que le constat est le même ?
(Rires). Je pense que ça a été spontané. C’était à une occasion qu’on s’était rencontré avec les autres en échangeant et en trouvant que la situation est presque similaire en peu partout. On s’est dit qu’on devrait imprimer une nouvelle dynamique à la politique africaine surtout à l’opposition. Ce n’est que ça. Mais je pense qu’ici au Burundi, ça serait difficile.
Pourquoi ?
Vous avez plus de 30 partis politiques enregistrés. Même une situation combien malheureuse dans laquelle le parti CNL se trouve, combien de partis se sont exprimés ? Ils n’oseraient pas parce qu’ils ont signé une alliance avec le parti au pouvoir. Maintenant, est ce qu’ils pourraient oser franchir le Rubicon ? Je ne pense pas. Mais c’est peut-être aussi un signal fort envers tous ces gens-là.
Comment ?
Pour que les gens comprennent quand même que si jamais on s’engage dans la politique, il ne faut pas y aller juste pour l’intérêt sectaire, il faut y aller pour l’intérêt public. Je comprends mal comment on anime un multipartisme avec des partis qui n’osent pas présenter leurs candidats, ne fût-ce qu’aux communales. A chaque fois, ils disent qu’ils sont derrière le parti au pouvoir. C’est quelque chose que je trouve bizarre.
Donc, ce qui a été fait à Nairobi, c’est tout à fait normal, c’était une occasion qui nous était offerte. Une occasion qui se présente soudainement, il faut la saisir.
Cette plateforme est-elle ouverte à tous ?
A tous les partis de l’opposition qui comprennent qu’il y a nécessité de lancer la nouvelle dynamique démocratique.
Cela fait plusieurs mois que les activités de votre parti sont suspendues. Votre réaction ?
C’est déplorable. Les décisions du ministre de l’intérieur ne riment nullement avec la loi burundaise. Parce que l’article 64 de la loi sur les partis politiques est plus clair. Il dit que « la chambre administrative de la cour suprême peut, à la demande du ministre de l’Intérieur, proclamer la nullification de tout acte pris par un organe du parti si cet acte est en contradiction avec cette loi ou est de nature à perturber l’ordre public ou est de nature à aller contre la sureté de l’Etat ». Est-ce qu’en la matière, le parti CNL siégeant en Congrès ordinaire le 12 mars, et décidant de s’aligner sur la nouvelle loi sur le découpage administratif, les provinces qui passent de 18 à 5, les communes qui passent de 119 à 42, comment est-ce que cela est contre la loi burundaise ? Par ailleurs, l’article 62 de cette même loi stipule que « le ministre de l’intérieur peut prendre une mesure directement exécutoire si un parti politique est responsable de troubles à l’ordre public ou d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Est-ce que y a-t-il un seul jour où le parti CNL a enfreint une quelconque loi et causer des troubles à l’ordre public ?
Donc la situation dans laquelle le parti se trouve, on ne peut plus clair, est de nature à démontrer que c’est le pouvoir, agissant sous les injonctions du parti au pouvoir pour limiter l’espace politique au profit du seul parti au pouvoir. Ce n’est que ça. Donc, au sein du parti, nous n’avons pas de problème, nous avons de problèmes avec le pouvoir. C’est clair. On ne peut pas y aller par quatre chemins.
Mais le ministre de l’Intérieur vous renvoie la balle et vous demande de vous réconcilier au sein du parti. Qu’en dites-vous ?
Est-ce que c’est lui qui dicte comment les partis fonctionnent ? Ou les partis sont libres de gérer leurs affaires comme ils l’entendent ? Et je ne pense pas qu’en interdisant le parti d’agir, qu’en privant le parti de ses droits, je crois qu’il n’aide en rien en cette fameuse réconciliation qu’il prétend chercher. Et je pense que ce qu’on a vécu dans ce pays depuis que ce parti au pouvoir est là, c’est clair : C’est chaque fois chercher les scissions au sein des partis politiques, museler l’opposition pour qu’il soit seul dans la gestion de cette République. Ce qui est malheureux, ils disent que les partis politiques ne savent pas s’organiser, ont peur des élections et autres. Mais, ce que le Cndd-Fdd est en train de faire avec l’entremise du ministre de l’intérieur, c’est une peur morbide d’avoir des concurrents lors des prochaines législatives et autres.
Dernièrement, vous dénonciez des arrestations de vos membres. Est-ce que cela existe encore ?
On voit que les soi-disant dissidents ou juste des mercenaires du pouvoir font tout pour faire arrêter celui-là ou celui-ci qu’ils jugent être une entrave à leur projet néfaste. Mais je pense que le pouvoir devrait quand même se ressaisir et savoir que ce n’est pas en engorgeant les prisons du Burundi qu’on arrive à développer ce pays. Ce n’est pas cela. Puis, je crois que même la justice ne devrait pas être inféodée à l’exécutif ou au parti, plutôt être libre, lire le droit tel qu’il est et ne pas juste agir sur le coup des sentiments, ou du militantisme.
Parce que ce pays survivra à toutes les forces politiques qui existeront comme il a survécu aux différents régimes que l’on a connu ? Le Burundi restera le Burundi peu importe celui qui dirigera ce pays.
Pourquoi alors on ne devrait pas apprendre par rapport à ce qui s’est passé ?
A un moment donné quand l’heure arrive, c’est normal de quitter le pouvoir. Et on devrait aussi se remémorer et savoir que la mission du pouvoir, ce n’est pas à mettre à mal les uns et les autres mais plutôt de promouvoir la société sur tous les plans. Maintenant qu’en est-il ? On exclut tout le monde mais malheureusement le service rendu, je ne trouverai même pas le qualificatif, c’est dommage, on devrait quand même se ressaisir.
Est-ce que vous avez des chiffres pour illustrer votre affirmation ?
Dès lors qu’ils sont arrêtés au quotidien, ça serait difficile de donner un chiffre exact mais sachez que ce sont des centaines qui sont écroués sans qu’il y ait une raison. Certains même après avoir comparu devant les tribunaux et les cours, et ayant gain de cause n’arrivent même pas être libérés uniquement parce qu’ils sont du CNL. Ça c’est quand même ridicule pour un pouvoir qui se dit démocratique. Lorsque l’exécutif ne peut pas respecter l’indépendance de la justice, c’est quand même très grave.
Vous parlez qu’il y en a même certains de vos militants qui ont bénéficié de la grâce présidentielle mais qui ne sont pas encore libres. Est-ce vrai ?
C’est une autre situation que je dirai inédite. Dans ce pays, on ne sait pas où se prennent les décisions. Le SNR arrête des gens. Si vous êtes arrêtés par le SNR, c’est comme si vous êtes condamnés à l’éternité en prison.
Vous gagnez votre procès mais puisque c’est le SNR qui vous a arrêté, on dit il n’est pas question. Vous y restez. Même les mesures de grâce du président ne sont pas exécutoires. C’est vraiment quelque chose de particulier. Je crois que ça n’arrive nulle part sous le soleil qu’ici au Burundi.
Quelles sont les conséquences des activités de votre parti ?
C’est un handicap majeur pas seulement pour le parti CNL mais pour tous les Burundais. Lorsque les Burundais vont aux urnes, ils ne votent pas seulement pour leur parti. Tous les burundais n’appartiennent pas aux partis politiques, il y a ceux qui vont voter pour remplir sa mission de citoyenneté.
Qu’est-ce que vous en train de faire pour que la situation se décante ?
Nous avons adressé une lettre au chef de l’Etat avec des copies à qui de droit. La région connaît tout, même la communauté internationale. Il faut que le président de la République du Burundi soit au-dessus de la mêlée. Ce n’est pas parce que le ministre de l’intérieur s’entête à bafouer nos droits que le président de la République doit rester silencieux. On risque de croire qu’il est complice.
Mais espérons qu’en tant que garant de la justice, le minimum c’est de rappeler à l’ordre au ministre de l’Intérieur pour ne fût-ce que respecter ce qui est dans la loi. Mais pour lui, parce que le parti CNL est un challenger, c’est un danger. Il faut respect le verdict des urnes.
Ce n’est pas pour la première qu’une formation politique que vous dirigez connaît ce genre de situation, des ailes. Et si la situation perdure, quel est votre plan B ou C ?
Moi je n’aime pas ces histoires de plans X, Y etc. Il faut que la justice soit à la hauteur de ses missions. Il ne faut pas que l’on assiste au tripatouillage de ceci et cela et espérer à une démocratie. Il faut que les burundais osent dire à ce régime que les agissements contre-nature ne sont de nature à promouvoir notre société et laisser les burundais dans toutes ces diversités jouir de leurs droits.
Au niveau des partis, on a vu ce qu’a subi l’UPRONA, le FRODEBU, etc. Est-ce avec ce bilan, la gouvernance est améliorée ? Au lieu de penser à faire cette guerre intestine au sein des partis politiques, il faut continuer ce combat économique dont parle le président de la République. Le Burundi a connu tant de problèmes. Le slogan du CNDD-FDD disant que le CNL a peur des élections ne tient pas. C’est plutôt maintenant qu’il prouve que c’est eux qui ont peur de la compétition.
Qu’est-ce que cela présage pour les prochaines élections ?
Cela ne présage rien de bon. Parce que je m’imagine, aujourd’hui, on a un exécutif 100% Cndd-Fdd, allez-y voir le bilan. C’est désastreux. Alors, l’exécutif offre l’image qu’il offre, et que bientôt le Parlement devrait être une copie conforme de l’exécutif, où ira alors ce pays ? Je pense que nos amis qui dirigent le pays devraient quand même savoir que les générations viennent et passent. Ils sont aux affaires, c’est très bien. Mais, ils n’existeront pas éternellement. Il faut qu’ils sachent que ce Burundi est un Burundi pour tous les Burundais. C’est un Burundi pour les gens de l’opposition, de la majorité, et des Burundais qui sont en exil.
Qu’est-ce que vous proposez ?
Il faut plutôt en tant que gestionnaires de l’Etat Burundais s’asseoir ensemble, regarder le passé, analyser le présent et voir qu’est-ce qu’il faudrait faire pour améliorer la situation en général. Je me dis que même s’ils ne devraient que se référer à la Constitution taillée sur mesure en 2018, le respect de quelques principes de cette constitution en l’occurrence les articles 13, 16, 140 pour ne citer que ceux-là, devrait les ramener à la raison et savoir que ce Burundi est un Burundi pour tous.
Que disent ces différents articles ?
L’article 13 dit que les Burundais sont égaux en droits et en mérite. Est-ce que c’est ça qui se vit au quotidien ? C’est une question qu’on pourrait se poser. L’article 16 dit que dans la formation du gouvernement tous les Burundais doivent s’y retrouver. Est-ce que le gouvernement 100% est le refrain de la composition combien hétérogène aux plans politiques et autres du Burundi ? L’article 140 précise que dans la nomination aux postes et autres responsabilités administratives, au niveau des ministères et au niveau de la diplomatie, on doit tenir compte des équilibres politiques, régionaux, ethniques, genres, etc. Est-ce le cas ? Donc, si on ne faisait que respecter tout au moins la constitution qu’ils prétendent elle est l’assentiment de tous les Burundais, au moins ils sauraient où corriger pour espérer des rendements meilleurs.
Maintenant, est ce que chercher à ce que tout soit monocolore, est ce ça trouver la solution à la problématique burundaise ? Le Burundi a connu une histoire tragique. Est-ce qu’on résout ce problème de discrimination du passé sur fonds ethnique, en faisant une discrimination sur fonds politique ou partisane ? Est-ce que c’est ça la solution à cette problématique ? Je ne pense pas. Et chercher à ce qu’on soit seul aux élections législatives, s’ils avaient le courage, ils décideraient plutôt de bannir le multipartisme dans la loi, la constitution modifiée, le Burundi avec un régime monopartite. En ce moment-là, les Burundais seraient tranquilles. Mais, est-ce que l’abolition du multipartisme en 66 a produit les meilleurs effets ? Je ne pense pas. Maintenant, on musèle l’opinion.
Avez-vous des preuves ?
Souvenez-vous de l’emprisonnement du président du CODEBU pour avoir osé de délier sa langue et décrire les choses tel qu’il les conçoit, peut-être vrai ou pas, mais l’emprisonnement n’était pas ça la solution. C’était plutôt de voir : est ce qu’il y avait un minimum de vérité dans ce qu’il a dit ? Que faire pour que ce genre de critiques ne survienne plus ? En démocratie, on peut dire ce que l’on voit, ce que l’on pense, constate.
Agathon Rwasa, comment trouvez-vous la situation économique du pays ?
Elle est alarmante. Une inflation de plus de 36% c’est vraiment catastrophique. Un pays qui doit tout importer mais qui en réalité n’a rien à exporter. C’est vraiment une situation malheureuse. Ce n’est pas une damnation mais une situation qui est créée par les gens mais aussi qui peut être changées par les gens.
Aujourd’hui, on parle des médecins qui quittent le pays pour l’étranger. N’est-ce pas inquiétant ?
Ce n’est pas la première fois que les Burundais quittent le pays pour des raisons économiques. L’homme a toujours envie de chercher une vie meilleure. Ce qui est inquiétant c’est que ce sont les intellectuels qui partent. Mais là aussi, même les paysans partent en Tanzanie et en Ouganda pour trouver ce meilleur. Pourquoi ne pas chercher à amener ce mieux ici et limiter ces mouvements ? Ce sont ces défis de la gouvernance économique, politique et sociale même qu’il faut relever. Le président de la République et son système devraient se rendre compte qu’ils ont failli aux attentes de la population. Il est temps de se mettre autour d’une table pour chercher de solutions qui nous amèneraient à un Burundi meilleur.
Actuellement, la Ceni a déjà terminé son mandat. Comment se prépare aujourd’hui le processus électoral en vue ?
A ce qui concerne le paysage politique à la veille des élections de 2025, il se remarque qu’il y a un manque de volonté politique à ce que le processus électoral soit bien préparé. Le mandat de la CENI est déjà terminé, on devrait avoir une nouvelle équipe. Mais ce qui est étonnant c’est la CENI qui a terminé son mandat mais qui continue de conduire le bateau des élections. C’est vraiment inquiétant. Je pense que de toute façon, les élections étant une affaire nationale, ça ne devrait même pas être une affaire des partis politiques, mais une affaire de tout le monde. Un débat vraiment ouvert parce que lorsque les élections sont mal préparées, sont mal conduites, les conséquences sont subies par tout le monde. Les apports des uns et des autres dans l’élaboration d’un code électoral digne de son nom devraient être priorisé. Maintenant est ce que le pouvoir, l’exécutif qui semblent plutôt vouloir que tous soient dans sa simple vision va-t-il ouvrir cette porte ? Je ne sais pas.
Selon la loi sur les partis politiques au Burundi, une décision qui a été prise par le ministre de l’intérieur ne doit pas dépasser une période de six mois. Qu’est-ce que vous lui demandez aujourd’hui ?
On ne lui demande de ne pas attendre que cette période se termine parce que d’abord c’est injuste, insensé et c’est contre nature. Il devrait plutôt lever cette mesure. Cela ne ferait que rehausser son honneur. Sinon s’entêter dans des décisions qu’il a prises juste pour satisfaire les intérêts secteurs des uns et des autres, cela ne peut nullement l’honorer, en faire un champion de la gouvernance. L’erreur est humaine mais persévérer dans l’erreur c’est diabolique. Faudrait-il persévérer dans l’erreur ou se ressaisir ?
Aujourd’hui, il y a le procès Bunyoni qui est en cours. Votre commentaire ?
Quand bien même ça fait la une, je ne me préoccupe pas de ce dossier-là. Je connais la nature de la justice burundaise. Mais tout ce que je souhaite c’est qu’il y ait un procès équitable, que la justice soit rendue en bonne et due forme. C’est cela qui pourra redorer l’image de notre justice, de notre Burundi. Que ça soit pour Bunyoni ou que ça soit pour tout autre citoyen.
Propos recueillis par Pascal Ntakirutimana & Rénovat Ndabashinze
En tout cas, lorsquil parle il est au dessous des tenors du parti de l’Aigle.
Il semble être d’un niveau intellectuel supérieur.
Nb: Je suis de nationalité Zairoise
Il est vrai que sur plusieurs plans le burundi est A genou, en temoigne l’etat des infrastructures routieres qui servent les quartiers de la capitale, pour ne citer qu’un exemple parmi une multitude. Le probleme qui me hante c’est que Rwasa en soi n’est pas ou ne pourra pas etre une alternative fiable au pouvoir en place. Uburundi buzokizwa n’imana yo mw’ijuru. Komeza gusenga
Imana ifasha uwifashije…