Agathon Rwasa, président de la coalition Amizero y’Abarundi, livre ses impressions sur l’avenir de sa coalition, le jour de la promulgation de la nouvelle Constitution.
Comment avez-vous accueilli l’arrêt de la Cour constitutionnelle qualifiant vos plaintes de non fondées ?
On s’attendait à ce que cette Cour se prononce en faveur de ceux qui l’ont mandatée. Elle n’a pas lu le droit. Dire que nos plaintes n’étaient pas fondées ne suffit pas. Il fallait qu’elle nous explique le pourquoi. Le dire laconiquement et tout simplement, c’est se faciliter la tâche. C’est une façon de se tirer d’affaire. Nous estimons qu’il y a une crise en matière de justice dans notre pays.
La nouvelle Constitution interdit les coalitions des indépendants, quid de l’avenir d’Amizero Y’Abarundi ?
Ce n’est pas l’avenir de la coalition Amizero y’Abarundi qui est en jeu. C’est plutôt l’avenir de tous les Burundais qui est en danger. On a une Constitution qui vient davantage isoler le pays. Elle viole systématiquement tous les traités et instruments internationaux que le Burundi a ratifiés. Elle piétine le traité de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est. Elle s’inscrit en faux contre le Pacte international des droits civils et politiques etc. Cette loi mère ne va apporter aucune valeur ajoutée en matière de démocratie et de gouvernance politique et socioéconomique. On s’adapte face à n’importe quelle situation. Nous saurons comment agir et faire notre politique.
Vous gardez donc le moral…
Nous sommes porteurs de quelque chose d’important pour l’avenir du pays. Nous n’allons pas baisser les bras, notre lutte continue. Certainement que la situation socio-politique changera. Et cet évènement se fera avec nous. Par contre, si on peut aller jusqu’à tailler sur mesure une Constitution pour chasser Amizero y’Abarundi, c’est que nous représentons une force politique redoutée par le Cndd-Fdd. Il devrait peut-être prendre son courage à deux mains et oser dire au monde qu’il impose un monopartisme de fait au Burundi. Ou alors embrasser à cœur ouvert la couardise et continuer à simuler une démocratie à laquelle on ne croit pas.
Allez-vous intégrer un parti politique ou en créer un nouveau ?
Quel parti politique pourrions-nous intégrer ? Dans ce pays il n’y a plus de parti. Même le Cndd-Fdd ne fonctionne pas comme un parti. Les règles de la démocratie lui échappent. Nous n’allons donc pas intégrer un autre parti politique. Tout ce que je peux dire, c’est que le moment venu, nous nous adapterons à la situation.
La décision de rejoindre le gouvernement en 2015 a été perçue par une partie de l’opinion comme une légitimation du pouvoir issu des élections de 2015.Qu’en pensez-vous ?
Ils se trompent d’analyse. Nous avons opté pour intégrer les institutions du fait de notre situation du moment. Ce n’était pas pour accompagner le parti au pouvoir. Par ce geste, nous avons contribué à beaucoup de choses en termes d’évolution de la politique burundaise. On aura fait comprendre aux Burundais et à la communauté internationale que les politiciens ne se retrouvent pas seulement dans les partis politiques.
Votre commentaire sur le référendum du 17 mai ?
Quels que soient les résultats publiés par la Ceni, ce référendum a démontré que le peuple a soif du changement. Les Burundais veulent en finir avec un pouvoir qui fait fi des lois pour cheminer vers un Etat de droit. Je tiens à féliciter ceux qui ont participé à nos campagnes. Ils ont su braver la ligne rouge qu’avaient tracée les promoteurs de cette fameuse Constitution. Avec une Ceni toujours sous la botte du pouvoir, on ne pouvait pas s’attendre à grand-chose. Nous allons continuer la lutte. On arrive pas à destination avant l’heure. Peut-être que le moment n’était pas encore arrivé. La fin va un jour justifier les moyens. Et notre lutte va triompher.
Que proposez-vous pour mettre sur les rails le dialogue inter-burundais ?
Le dialogue a été victime de l’attitude du pouvoir de Bujumbura. Il a toujours fait croire qu’il avait sa propre manière de résoudre les problèmes. Ce n’est pas le dialogue de la CNDI, ni le café politique, encore moins la retraite de Kayanza de l’Ombudsman qui auront contribué à trouver une solution. La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est devrait convoquer un sommet extraordinaire sur le Burundi. Ce sommet se tiendrait à Bujumbura pour que le président Nkurunziza puisse y prendre part. Avec sa participation, il serait personnellement responsable de la décision ou du consensus adopté par le sommet. Comme agenda, la question des tenants et des aboutissants de la nouvelle Constitution s’impose. Mais aussi l’établissement de la feuille de route des prochaines élections dont on ignore d’ailleurs quand elles se dérouleront. Les Burundais, nous devenons de plus en plus des champions dans l’improvisation.