Etat actuel de la sécurité en Somalie, collaboration entre la mission de transition de l’Union africaine en Somalie (Atmis) et les forces de sécurité somaliennes, grands défis et réalisations, contribution des militaires burundais, … Lieutenant Général Sam Kavuma, commandant de la force Atmis s’exprime.
A quatre mois de la fin de l’Atmis, quelle est la situation sécuritaire qui prévaut en Somalie ?
La Somalie connaît une situation sécuritaire relativement calme mais instable. Le gouvernement fédéral somalien (FGS), l’Atmis et ses partenaires ont réussi à réduire les capacités et l’efficacité d’Al Shabaab à lancer et à maintenir des opérations, y compris en termes de rythme.
Cependant, l’élimination de la menace sécuritaire d’Al Shebaab nécessite un effort plus global et plus durable. Cela dit, le FGS a fait des progrès louables dans ce sens.
Comment ?
C’est notamment en matière de développement économique, de génération de forces, de réformes du secteur de la sécurité, de promotion des droits de l’Homme et de l’Etat de droit. Cela continuera à assurer la paix et la prospérité au peuple somalien et limitera très probablement les efforts de recrutement et l’acceptabilité d’Al Shabaab.
Cela fait déjà environ un an et demi que l’Atmis a été créée. Quelles sont les réalisations de la mission ?
La force a joué un rôle déterminant dans la création d’un environnement protecteur qui a permis au gouvernement fédéral somalien (FGS) et au peuple somalien de faire d’énormes progrès pour combler les fractures sociales et assurer la paix et la sécurité.
Notamment la création d’un environnement protecteur est non seulement essentielle pour protéger les civils de la violence physique mais aussi pour créer les conditions nécessaires au développement politique, à la prospérité économique, à la cohésion sociale et au développement humain. Tous ces éléments sont des facteurs déterminants pour la paix et la sécurité.
Par conséquent, des développements politiques importants ont été enregistrés en Somalie.
Qu’est-ce qui le prouve ?
Les institutions de gouvernance fonctionnent et un gouvernement démocratiquement élu est en place. L’État de droit a également émergé ; la Somalie s’efforce de mettre en place un cadre de gouvernance solide fondé sur l’État de droit.
En tant qu’indicateur de la confiance croissante de la communauté régionale et internationale dans son cadre de gouvernance, la Somalie a été admise dans la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et l’embargo sur les armes a été levé.
Quelles sont les autres importantes réalisations ?
Grâce à plusieurs opérations conjointes avec les forces de sécurité et leurs partenaires, de nombreux villes et villages ont été libérés des mains d’Al Shabaab.
C’est par exemple les villages de Jana Cabdalla, Qumbi et Barbole dans le Bas-Juba ; Adan Yabal, CeelDheer, Nuur Durgule, Harar Dhere et C’adado dans les régions de Hiran et Galmuduug, pour n’en citer que quelques-uns.
Quel est concrètement le rôle de l’Atmis dans tout cela ?
Dans tout cela, la Force a soutenu les opérations conjointes par un soutien aérien rapproché, de l’artillerie à longue portée, du génie, des évacuations médicales/évacuations sanitaires et des fournitures logistiques dans tous les secteurs.
Les forces de l’Atmis ont maintenu les gains réalisés au fil des années en ne perdant aucun territoire au profit d’Al Shabaab dans tous les secteurs. En conséquence, elles ont rempli leur mandat de protection des civils, des agences des Nations-unies et des agences humanitaires, entre autres.
Les forces de l’Atmis continuent de sauver les principales voies d’approvisionnement (MSR), y compris les zones reprises à Al Shabaab pour être utilisées par diverses parties prenantes comme les civils et les agences humanitaires.
Nous avons également débarrassé les routes d’approvisionnement principales des engins explosifs improvisés (EEI). Ce qui les a ainsi rendues praticables.
Le mentorat des Forces de sécurité somaliennes (SSF) a été maintenu et mis en œuvre grâce à la planification et à la coordination des opérations conjointes ainsi qu’à la colocalisation dans la plupart des secteurs.
Dans l’ensemble, en partie grâce à ce mentorat, les SSF ont, dans une certaine mesure, amélioré leur professionnalisme et leur capacité à planifier et à mener des opérations majeures de manière indépendante.
Cela a été démontré par les opérations offensives réussies menées par les unités de la SNA (Somali National Army) avec les forces d’opération spéciales dans la région de Hiran, le Bas-Shabelle, le Moyen-Shabelle et le Galmudug.
L’Atmis et les SSF continuent de sécuriser conjointement les installations clés comme l’AAIA (Aden Adde International airport), les ports de Mogadiscio et de Kismayo et bien d’autres localités. Ce qui a créé un environnement propice à la conduite normale des affaires.
Côté élections et éducation, l’Atmis, grâce à la fourniture des services de sécurité et de logistique, a permis le bon déroulement des élections présidentielles nationales dans les États membres fédéraux (FMS). Nous avons également fourni des services de sécurité et de logistique pour soutenir la conduite des examens scolaires dans plusieurs FMS.
En offrant un environnement sûr et sécurisé, nous avons permis l’extension de l’autorité de l’État à des zones qui étaient jusque-là non gouvernées.
Quel est l’état d’avancement du processus de transition en Somalie ?
L’Atmis doit quitter la Somalie d’ici le 31 décembre 2024. En conséquence, nous avons par le passé procédé à un retrait des troupes en trois phases.
Les retraits ont été effectués progressivement et conformément aux besoins stratégiques de la Somalie, y compris les progrès réalisés dans la génération de forces ainsi que la prise en compte de la situation sécuritaire et de l’importance du maintien de la sécurité et de la stabilité.
Une nouvelle mission donc en vue ?
Oui. En janvier 2025, une nouvelle mission appelée Mission de soutien et de stabilisation de l’Union africaine en Somalie (Aussom) succédera à l’Atmis.
À cet égard, le gouvernement fédéral somalien, en consultation avec l’Union africaine, l’Atmis et les partenaires internationaux, a finalisé le concept stratégique d’opérations (Conops) de la nouvelle mission.
À ce titre, nous entamerons la phase zéro de la nouvelle mission du 1er septembre au 31 décembre 2024.
Au cours de cette phase, nous serons engagés dans l’analyse, la planification et la préparation en soutien à l’Aussom.
L’Atmis fournit un soutien au combat à la SNA lors des opérations conjointes. Quelle est votre évaluation de sa préparation à mener des actions pendant et après la transition ?
Les forces de sécurité somaliennes ont été encadrées avec succès dans des opérations de combat. Elles peuvent désormais mener des opérations indépendantes. En outre, l’armée nationale somalienne (SNA) a démontré une capacité renforcée en détenant les Bases des opérations avancées (FOB) qui lui ont été remises lors des phases 1, 2 et 3 du retrait.
Cependant, une capacité renforcée est impérative si l’objectif envisagé de prendre en charge l’entière responsabilité de la sécurité doit être atteint.
Actuellement, plus de 15 000 forces de sécurité locales ont été générées, formées et équipées.
Sont-elles vraiment suffisantes ?
Davantage de forces doivent être générées pour être prêtes à prendre éventuellement le relais de l’Atmis et de son successeur Aussom.
En outre, l’accent doit être mis sur l’intégration des forces existantes, la formation des troupes et l’acquisition d’équipements pour assurer une transition réussie.
Cela dit, la décision historique du Conseil de sécurité de l’ONU de lever l’embargo sur les armes contre la Somalie (résolution 2714) le 1er décembre 2023 marque une étape cruciale dans le renforcement de la sécurité de la Somalie et dans la facilitation de la transition vers une sécurité dirigée par la Somalie.
Quels sont les principaux défis de l’Atmis ?
L’efficacité de la Force a été entravée par l’insuffisance des moyens de renforcement des capacités et des multiplicateurs de force. Dans le contexte des niveaux d’effectifs réduits, les multiplicateurs de force jouent un rôle crucial en fournissant les capacités nécessaires pour réussir dans un environnement de sécurité dynamique et difficile.
Ils améliorent l’efficacité au combat, la flexibilité opérationnelle et le succès global de la mission. Mais, je suis heureux que cette question soit sérieusement prise en considération au plus haut niveau de prise de décision.
Les limitations de financement et l’imprévisibilité des ressources entravent notre capacité à gérer efficacement les tâches complexes des opérations de paix. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine est également saisi de cette question. Nous avons également des défis : le nombre de forces par exemple.
C’est-à-dire ?
Lorsque nous parlons de réduction, cela réduit la capacité des forces. Et donc, si vous réduisez les niveaux de forces, c’est-à-dire les effectifs, vous devez alors compléter ce qui reste. Exploiter le petit effectif qui reste pour pouvoir continuer à assurer toutes les tâches.
Le mauvais état des infrastructures routières au moment des fortes pluies qui ont eu lieu sur le terrain a été un autre énorme défi. Ces infrastructures ont également souffert des effets des engins explosifs improvisés (EEI). L’impact d’une mauvaise infrastructure sur les opérations militaires est multiforme.
Comme quoi ?
Cela affecte la logistique, la communication, la protection des forces, la mobilité stratégique, le soutien médical et l’efficacité opérationnelle globale. J’appelle donc la communauté des donateurs à aider la Somalie à construire ses infrastructures sociales.
Nous avons reçu le soutien des agences des Nations-unies, de l’UNSSOS (Bureau d’appui des Nations-unies en Somalie) par l’intermédiaire de l’UA et de l’ONU. Mais, parfois, ce type de soutien n’est pas toujours disponible dans le temps. Ce qui a un impact sur notre travail. Pour les petits défis, nous pouvons gérer.
Nous entendons souvent des lamentations sur le retard des soldes. Qu’est-ce qui explique cette perturbation au niveau des paiements ?
Si vous ne vous soutenez pas vous-mêmes et que vous dépendez des autres, alors, vous pouvez comprendre que les choses ne se passent pas comme vous le souhaitez. Donc, je pense que c’est ce qui explique les retards dans le paiement. Nous devons attendre que les partenaires qui soutiennent cette mission aient les ressources nécessaires.
Est-ce que cela n’affecte pas le moral des troupes ?
Je ne le pense pas moi-même. Parce que nous ne sommes pas venus ici pour l’argent.
Pouvez-vous bien expliciter cela ?
Si vous regardez les pays contributeurs à cette mission, ils ne sont pas très loin d’ici. L’un d’eux est l’Éthiopie. Ce sont des voisins. L’autre est Djibouti. Vous ne pouvez pas faire la différence entre les Djiboutiens et les Somaliens.
Le Kenya est également voisin. Vous avez des Somaliens au Kenya comme vous avez des Kenyans en Somalie. L’Ouganda n’est pas très loin d’ici. Moi, je viens de l’Ouganda et il vous sera difficile de dire que je suis Ougandais ou Somalien. Ensuite, nous avons le Burundi qui n’est pas très loin d’ici.
Que voulez-vous dire concrètement ?
Ce que j’essaie de faire ici, c’est que nous sommes guidés par le panafricanisme et non pas par l’argent. Nous savons que nous sommes tous le même peuple. Lorsque les Somaliens ont des problèmes, ils doivent nous affecter.
Quand la maison d’un voisin brûle, est-ce que tu peux dormir tranquillement et dire à ton épouse de t’embrasser parce que ce n’est pas ta maison ? Non. Car, ta maison peut subir aussi le même sort si tu n’apportes pas ton aide pour atteindre ce feu. Donc, nous sommes ici en Somalie pour cette idéologie. Qu’on soit payé ou pas, les Somaliens sont nos frères et sœurs. Ce qui les affecte nous touche aussi. Et comme Africains, nous devons nous entraider.
S’il y a un retard dans le paiement, cela n’affecte en aucune façon notre morale. Parce que cette dernière ne dépend pas de l’argent mais du panafricanisme. Si l’argent vient, c’est OK. Il va nous retrouver ici. Tant que nous avons nos armes, les minutions, de la nourriture pour manger, nous continuons à faire notre travail.
Comment appréciez-vous le travail des militaires burundais dans cette mission ?
Il faut d’abord noter que le Burundi est venu en 2e lieu après l’Ouganda. Et je ne doute pas que c’est après l’arrivée des troupes burundaises que cette mission est devenue une mission de l’Union africaine.
Le Burundi y a joué et joue un très important rôle. Les Burundais sont là depuis 2007. Ils ont beaucoup contribué.
Avec les Ougandais, ils ont libéré Mogadishu et beaucoup d’autres villes. Ils ont libéré Jowhar, etc. Du fond de mon cœur, nous apprécions, saluons et applaudissons les efforts des Burundais, du gouvernement burundais et de sa population dans la réussite de cette mission.
Ils ont payé un lourd sacrifice. Un haut gradé de l’armée burundaise a été tué dans ce pays dans les premières années de cette mission. Il n’est pas mort pour l’argent mais pour le panafricanisme. Et beaucoup de sang des Burundais même d’autres contingents des autres pays ont été versés ici.
Pour tous ces étrangers la Somalie est juste une bonne affaire pour des eux individuellement.Le panafricanisme alimentaite existe bel et bien.La paix est encore loin comme la lune.Les somaliens c’est à eux de pacifier leur pays.Le reste c’est du business au prix du sang des somalien versé malheureusement pour rien.