Samedi 19 avril 2025

Environnement

Interview avec Emmanuel Ndorimana : « Détruire l’environnement c’est couper la branche sur laquelle on est assis »

17/04/2025 0
Interview avec Emmanuel Ndorimana : « Détruire l’environnement c’est couper la branche sur laquelle on est assis »

Dans plusieurs régions du Burundi, des plantations d’arbres sont défrichées et dessouchées au profit de la culture de la pomme de terre. Des arbres sont coupés avant d’atteindre la maturité pour en faire du charbon. Emmanuel Ndorimana, secrétaire permanent chargé de l’Environnement au ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage revient sur toutes ces questions et des solutions à apporter.

Des plantations d’arbres détruites au profit de la culture de la pomme de terre et d’autres cultures. Quel est votre commentaire ?

En général, il y a disparition des arbres pour plusieurs raisons. La croissance démographique rapide crée une pression énorme sur les ressources naturelles. L’augmentation de la population signifie une demande plus importante de terres agricoles pour satisfaire les besoins alimentaires.

Cela conduit à l’abattage des arbres et à l’expansion des terres cultivées, y compris pour des cultures comme la pomme de terre. Dans des zones densément peuplées, les terres deviennent de plus en plus rares. Ce qui oblige les gens à défricher des zones boisées pour pouvoir cultiver.

Sans production pour satisfaire les besoins alimentaires, la vie s’arrête. En premier lieu, il faut manger. La population cherche des terrains de culture pour satisfaire ces besoins vitaux. Des arbres sont abattus, défrichés et dessouchés. Ils ne sont jamais remplacés. C’est un problème sérieux.

A part produire pour manger, existe-t-il d’autres causes plus graves de la dégradation de l’environnement ? Lesquelles ?

La population a besoin du bois de chauffage. La demande en charbon de bois fait disparaître beaucoup de plantations d’arbres. Donc, la déforestation causée par la recherche du bois de chauffage est plus importante que celle occasionnée par la recherche des terrains de culture.

Cela se remarque dans toutes les villes, et surtout en mairie de Bujumbura. C’est un besoin quotidien pour la cuisson des aliments, surtout dans les zones urbaines. Le commerce du charbon de bois est devenu une activité florissante, mais cela contribue à une déforestation rapide. Cette pratique prive les forêts de leurs arbres et perturbe l’équilibre écologique local. Chaque jour, des camions remplis de sacs de charbon de bois descendent sur Bujumbura.

Et dans les autres provinces du pays ?

Dans plusieurs provinces du Burundi, des plantations d’arbres sont vendues avant d’atteindre la maturité (umugwazo). Le fait que des plantations d’arbres soient vendues avant d’atteindre leur maturité est également préoccupant. En vendant des arbres avant qu’ils aient atteint leur pleine croissance, on court-circuite le cycle naturel de renouvellement des forêts, et on ne permet pas aux jeunes arbres de se régénérer.

Cela ralentit la reconstitution des ressources forestières et limite les bénéfices à long terme qu’une forêt peut apporter, notamment en termes de biodiversité (filtration de l’air, stockage du carbone, etc.). Actuellement, il est difficile d’avoir un arbre à partir duquel on peut avoir des planches. C’est catastrophique.

S’agit-il seulement du bois de chauffage ?

La déforestation liée à l’industrie de la construction est également un facteur significatif. La demande pour le bois de construction, pour les échafaudages, et pour d’autres matériaux liés à l’urbanisation conduit à l’abattage massif d’arbres.

Cela entraîne non seulement une perte de biodiversité, mais aussi des problèmes de stabilité des sols, d’érosion et d’autres conséquences environnementales à long terme.

Que faut-il craindre alors ?

Une plantation déjà coupée sur la route menant vers Mayuyu

La déforestation a des conséquences néfastes qui touchent l’Homme. Le l’Homme détruit l’environnement et les conséquences reviennent sur lui. Il y a besoin que chacun doit veiller à remplacer tous les arbres abattus. Il y a déjà la cherté du charbon de bois car des arbres sont devenus rares.

Il y a le changement climatique et l’irrégularité des précipitations. Les arbres jouent un rôle crucial dans la régulation du climat. Ils absorbent le dioxyde de carbone (CO₂) de l’atmosphère et stockent du carbone dans leur biomasse. Lorsqu’ils sont abattus, cette capacité de séquestration du carbone est réduite. Le carbone stocké dans les arbres est souvent libéré dans l’atmosphère et aggrave l’effet de serre. Bien plus, la déforestation perturbe les cycles de l’eau et les régimes météorologiques.

Il y a des éboulements de terrain, des effondrements, la turbidité d’eau. L’érosion des sols devient fréquente. Les racines des arbres aident à maintenir le sol en place. Ce qui empêche l’érosion. Lorsque les forêts sont détruites, les sols deviennent vulnérables. Cela peut entraîner la perte des terres arables, la dégradation des sols et l’ensablement des rivières et des lacs.

Comment alors remédier à ce problème de déforestation ?

La solution durable principale est la gestion de la démographie par la limitation des naissances. C’est la solution durable pour préserver l’environnement. S’il y a une démographie galopante, tous les secteurs sont touchés. Si les Burundais continuent à mettre au monde comme ils le font aujourd’hui, la situation sera hors contrôle.

Une autre solution est de promouvoir des pratiques agricoles durables. Cela pourrait inclure des méthodes agricoles comme l’agroforesterie où les arbres et les cultures sont cultivés ensemble de manière complémentaire, afin de réduire la pression sur les forêts. Il faut également des arbres fruitiers comme les avocatiers, les manguiers, les orangers et d’autres. Ici, j’insiste. C’est une solution durable incontournable.

Au sein du ministère, ce projet nous tient à cœur. Dans nos prévisions pour la prochaine saison culturale des arbres, on a mis le focus sur cette alternative. Tous les intervenants dans le secteur de l’environnement ont été informés. Les ONG et les projets doivent préparer des pépinières pour avoir des plants suffisants d’arbres agroforestiers.

En plus, la population doit les planter. Tous ces arbres ont une importance capitale.

Une autre solution durable est l’utilisation du gaz pour le chauffage en remplacement du charbon de bois surtout dans les grandes villes, dans les écoles, dans les camps militaires et dans les prisons. D’autres catégories sociales peuvent utiliser des foyers améliorés pour réduire drastiquement la quantité du charbon de bois nécessaire.

Il est évident que l’élévation des échafaudages pour la construction des bâtiments en étage nécessite beaucoup d’arbres. Il est alors indispensable d’utiliser des échafaudages métalliques.
Il faut un changement de mentalités afin de préserver l’environnement. Détruire l’environnement c’est couper la branche sur laquelle on est assis.

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