Un mois après le congrès international tenu à Mexico sur le sida, le directeur du Programme National de lutte contre le Sida (PNLS) rappelle que la pandémie n’est pas encore vaincue.
Selon l’OMS, chaque année environ 1,9 millions de personnes sont infectées par le VIH/Sida. Qu’en est-il du Burundi?
La situation n’est plus alarmante, si du moins, on la compare avec l’année 2002, où la séroprévalence avait atteint 6%. Parce que si l’on s’en tient aux rapports de 2016-2017, la séroprévalence a chuté à 0,9% .Malgré ces avancées, des disparités existent. Les centres urbains accusent toujours une séroprévalence aiguée par rapport aux zones rurales .Un taux de 2,5% contre 0,7% en milieu rural.
L’Onu sida voudrait qu’il n’y ait plus de cas de transmissions mères-enfant…
C’est notre préoccupation. Malheureusement, la marche est encore longue. Parce qu’environ 13% des enfants sont contaminés après l’allaitement alors que l’objectif est de les réduire jusqu’ à 5%. Normalement, chaque femme doit se faire consulter dès le 1er trimestre de la grossesse. Dans les zones rurales, c’est un protocole qu’elles semblent ignorer. Seules 70% le font, le reste ne s’en soucie guère ou consultent tardivement, souvent durant le dernier mois de la grossesse. Une période délicate, car, les risques de transmissions sont énormes.
La population, a-t-elle cette propension à se faire dépister ?
Les gens ont une certaine réticence, oubliant que le dépistage est la porte des autres interventions. C’est-à-dire si la personne est dépistée positive, elle est directement mise sous traitement. Pour vaincre cette réticence, nous avons mis en place de nouvelles stratégies. Du temps où la séroprévalence était de 6%, nous faisions des dépistages de masse. Mais, avec la diminution de la séroprévalence, nous avons compris qu’il fallait changer de stratégie parce que sur 1000 personnes dépistées, nous pouvions trouver seules 2 ou 3 personnes séropositives. Et d’après les données, en termes de rendements de dépistage, les chiffres montrent que la nouvelle stratégie commence à porter ses fruits. 2 à 5% des personnes sont dépistées positives contre 0,01% du temps où nous utilisions les dépistages de masse.
En quoi consiste cette nouvelle stratégie ?
Dorénavant, le dépistage se fait sur initiative du prestataire des services de santé. Au cours, de l’interrogatoire, il évalue les risques de contamination du patient. Si dans une famille, la mère ou le père est séropositif, vous comprenez qu’il y a urgence à dépister les enfants. De même pour les travailleuses du sexe. Le prestataire cherchera à la convaincre afin qu’elle lui montre ses partenaires. L’objectif de ces stratégies, c’est d’utiliser peu de tests dans l’optique de trouver beaucoup de cas. Cela permet de réorienter les coûts .L’argent affecté à l’achat des réactifs peut servir à d’autres fins, telle l’achat des médicaments, etc.
D’après les projections de l’OMS, en 2020, chaque pays devrait avoir atteint les trois « 90% ».Qu’en est-il du Burundi?
A ce niveau, des efforts sont encore à consentir. Pour le 1er 90%, je vous dirais que nous sommes à 75%.C’est pourquoi, tout est mis en œuvre avec les nouvelles stratégies, afin que les 15% des personnes encore réticentes connaissent leur statut sérologique. Pour le 2e 90%, le taux de personnes vivant avec le VIH sous ARV est de 98%.Une satisfaction. Quant au 3ème 90%, seuls 49% des personnes sous ARV ont une charge virale supprimée.
La rupture des stocks est- elle toujours d’actualité ?
Une question que tous les intervenants dans le secteur ont prise à bras le corps. Le gouvernement et ses partenaires ont compris qu’il fallait conjuguer les efforts. Pour plus d’efficacité, nous commençons à introduire de nouveaux schémas thérapeutiques à base de nouvelles molécules, notamment, le dolutegravir. Selon, les expériences, cette molécule réduit rapidement la charge virale et est tolérable .Car, il n’y a pas d’abondons.
Propos recueillis par Hervé Mugisha