Dimanche 05 janvier 2025

Société

Célestin Nsavyimana : « Pour améliorer la production, le travailleur doit être bien traité »

02/01/2025 0
Célestin Nsavyimana : « Pour améliorer la production, le travailleur doit être bien traité  »

Difficiles conditions de travail ; cherté de la vie ; montée des prix des produits ; rareté de certains produits de première nécessité, … Voici le reflet de ce que vivent actuellement les travailleurs/eusses selon les confédérations syndicales Cosybu et CSB tel que contenu dans leur déclaration du 20 décembre 2024. Iwacu a rencontré Célestin Nsavyimana, président de la Confédération syndicale du Burundi (Cosybu) pour donner plus de lumière sur le contenu de la déclaration.

Le 20 décembre, vous avez sorti une déclaration sur la détérioration des conditions de vie des travailleurs. De façon globale, quelle est la situation ?

C’est une situation socio-économique trop difficile vu d’abord les conditions de vie des travailleurs et d’autres Burundais puisque la vie est très chère.

Qu’est qui le montre ?

Il y a d’abord la montée vertigineuse des prix alors que le pouvoir d’achat s’amenuise au jour le jour. En plus de cela, il y a des pénuries récurrentes des carburants, du sucre et actuellement celle des produits Brarudi. Les revenus des gens, y compris les travailleurs, ne sont plus suffisants pour survivre. Ce n’est même plus possible au vu de la montée exponentielle des prix. Il y a aussi la rareté des produits de première nécessité. Ce qui renvoie à la spéculation. Les salaires des travailleurs et des fonctionnaires ne leur permettent plus de joindre les deux bouts du mois. Or, pour vivre, il y a un minimum de besoins qu’on doit satisfaire. Il y a le logement, la nourriture, etc. Un travailleur moyen a besoin au moins de plus de 2 millions de BIF pour ces besoins fondamentaux par mois. Or, peu de fonctionnaires et de travailleurs touchent ce montant.

Comment se débrouillent-ils ?

Vous imaginez déjà ce qui se passe. On ne peut pas se faire bien soigner, on ne peut pas bien manger, etc. Comme solution : on s’endette de gauche à droite, à la banque sans pouvoir rembourser. Vous devenez malhonnête involontairement puisque vous êtes dans l’incapacité de rembourser.

Quelles sont les conséquences d’une telle situation sur leur vie quotidienne ?

C’est l’angoisse permanente. On n’est pas sûr du lendemain. Cela a des effets négatifs sur les résultats du travail. Généralement, vous travaillez pour améliorer la production. Pour que la production s’améliore, il faut que le travailleur soit bien traité et payé. Et quand il n’y a pas de moyens de déplacement, vous ne pouvez pas être à l’heure au travail. Les travailleurs se retrouvent aussi en conflits avec les propriétaires des maisons. Parce que, eux-aussi, ils ont revu à la hausse les prix de loyers surtout ici en ville de Bujumbura. Ils avancent que la vie coûte chère.

Mais, nous entendons souvent des dialogues entre vos syndicats et la partie gouvernementale. Les conclusions sont-elles mises en application ?

Il y a des dialogues et des cadres de dialogue. Il y a le Comité national de dialogue social présidé par l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya qui fonctionne correctement. Le dialogue est là. Mais, je pense que comme on l’a demandé, il faut l’élargir aux grands décideurs. C’est pourquoi nous faisons des séances de dialogue sur les principales revendications qu’on avait adressées au président de la République. On les a analysées au niveau du comité national. Mais, il faut que des décideurs viennent là-dedans.

C’est-à-dire ?

Il faut que les ministres soient là. On avait demandé que le ministre des Finances, celui de la Santé publique, celui ayant la solidarité nationale dans ses attributions et celui de l’Education nationale viennent pour qu’on dialogue sur des questions qui se trouvent actuellement au niveau du Comité national de dialogue social. Malheureusement, ils n’ont pas pu venir.

Quel est le risque si cela perdure ?

Le grand risque c’est la pauvreté généralisée et la production qui va chuter. Lorsqu’on travaille, c’est pour produire. Même pour ceux qui sont dans l’administration. Il faut que cette administration soit performante et au service du citoyen, des opérateurs économiques, etc. Bref, si la situation perdure, le risque est qu’il n’y aura pas de production à cause de ces problèmes de survie.

Dernièrement, le recteur de l’Université du Burundi a signalé que plus de cent enseignants sont partis. Est-ce que vous ne craignez pas que d’autres fonctionnaires risquent d’abandonner le travail pour s’orienter ailleurs ?

(Rires). Il ne faut même pas le craindre. Cela se fait depuis longtemps. Vous voyez les gens qui quittent la Fonction publique lorsqu’ils trouvent mieux. Il y a d’autres qui partent en Europe, au Canada, etc. Moi, j’en connais beaucoup. Pensez-vous qu’ils sont partis parce qu’ils aiment le Canada ? C’est à cause des dures conditions de vie actuelles. Ils croient qu’étant au Canada ou en Europe, leur situation de vie sera meilleure. Il y en a même qui vont dans les pays voisins où ils pensent que les conditions de travail salariales seront meilleures. Maintenant, les départs s’amplifient à cause de la cherté de la vie.

Ces départs ne  risquent  pas d’affecter la mise en œuvre de la Vision Burundi 2040-2060 ?

Bien sûr. Ce n’est pas seulement les médecins ou les enseignants de l’Université qui partent. Il y a beaucoup d’ingénieurs qui partent aussi. Or, chacun a une pierre à amener à l’édification de la Nation et même pour la réussite de la Vision que prône le président de la République. Bref, c’est une grande perte pour le pays. Puisque tout ce que vous devez mettre en œuvre, comme des politiques économiques, il faut des ressources humaines compétentes. Si vous n’en avez pas, vous ne pouvez rien entreprendre même si vous avez des ressources financières.

Les années passées, on observait beaucoup de mouvements d’arrêt de travail, de grève sous l’égide des syndicats. Pourrions-nous espérer que cela ne reprendra plus ?

L’arrêt de travail ou la grève, c’est un droit constitutionnel et qui est dans la législation internationale du travail. Mais, à présent, nous n’y avons pas encore pensé. Nous pensons d’abord aux vertus du dialogue social qui est un pilier important dans le monde du travail. Mais, attendons voir comment ce dialogue va se faire.

Et si cela ne réussit pas, quel est votre plan B ?

Il ne faut pas présager que ça ne réussira pas. Si on croyait que ça ne va pas réussir, on n’allait pas écrire cette déclaration. Moi, je crois que ça va réussir. Au moins, même s’il y a des problèmes économiques, ce n’est pas seulement au Burundi. La montée des prix est signalée même dans d’autres pays. Mais, il faut s’asseoir ensemble pour voir quoi faire. Comment atténuer l’impact négatif de cette flambée des prix qui est devenue incontrôlable ? C’est cela même le but du dialogue. Que doivent faire les pouvoirs publics ? Est-ce qu’il faut abandonner certains taxes ou impôts ? Qu’est-ce qu’on demande aux travailleurs ? Aux autres Burundais ? Chacun doit fournir l’effort nécessaire pour qu’il n’y ait personne qui se retrouve dans l’incapacité de vivre.

Concrètement, qu’est-ce que vous demandez au gouvernement ?

Nous, nous demandons un dialogue très ouvert au président de la République. Puisque c’est lui l’architecte principal de la politique nationale que ça soit économique, sociale, etc. C’est lui qui donne les directives. Nous demandons de rencontrer des ministres sectoriels.

Honnêtement, la situation est grave. Même là où nos confédérations syndicales travaillent, on a revu à la hausse le prix de loyer à plus de 50%. Qu’allons-nous faire ? Allez-y voir au marché : 1 kg de viande est à 35 000 BIF. Le petit-pois, 1 kg est à 20 000 BIF. Prenons que c’est un luxe. Qui va manger cela ?

En attendant le résultat du dialogue, quel est votre message à vos affiliés ?

C’est de ne pas se décourager, de continuer à travailler, de ne pas désespérer. Parce que tout se fait par l’augmentation de la production qui va, à son tour, générer des revenus.

Dans votre déclaration, vous avez dressé un tableau montrant le panier de la ménagère d’un Burundais moyen. Qu’en est-il de ceux qui n’ont pas atteint ce niveau ?

Ils sont très malheureux. Ce qui arrive aux travailleurs touche aussi les autres Burundais, et gravement sûrement. Ces derniers n’ont pas pu fêter Noël même sobrement. Beaucoup n’ont pas pu se déplacer pour aller fêter en famille. En fait, la crise touche tout le monde mais à des degrés différents.

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