Gestion des déchets à Bujumbura, respect de la zone tampon du lac Tanganyika, chevauchement institutionnel, mis en application des textes de loi…, l’ancien ministre burundais de l’Environnement, Albert Mbonerane, s’exprime. Aujourd’hui militant pour la protection de l’environnement, il fait aussi le point sur la déforestation. Rencontre.
Dernièrement, nous avons vu le président de la République se lever lui-même, prendre un balai et appeler tous les fonctionnaires à faire la propreté sur leurs lieux de travail. Votre commentaire.
Je dirais que c’est bien. Puisque la responsabilité du président de la République est énorme. Quand nous voyons que le pays est sale, tout tombe sur lui. Voir qu’il s’est levé pour dire attention, maintenant nous devons faire, c’est bon. Vous avez vu qu’avec son ordre, tout le monde s’est mis à balayer.
Mais après, il revient aux ministres, aux directeurs généraux de faire le suivi pour voir si le message du président de la République a été réellement bien suivi. Si oui, vous allez voir des changements.
De ma part, cela me réconforte puisque c’est intéressant de voir que lorsque le président dit une chose les gens obéissent. Les gens doivent savoir que nous sommes tous victimes de cette insalubrité. Si on ne change pas de mentalités, la vision restera comme un slogan.
Mais, on constate que certains déchets sont encore là, des immondices au bord des routes, des avenues…
Oui, balayer ne suffit pas. Il faut nous montrer où jeter ces déchets. C’est déplorable de constater que dans certains endroits, les déchets ont été brulés. Or, en les brulant, vous polluez l’atmosphère.
Que faire ?
Une fois que vous avez rassemblé les déchets biodégradables, agricoles par exemple, il faut les amener chez les unités qui fabriquent les briquettes pour la cuisson. Comme ça ils ont de la matière première facilement. Si ce sont des sachets, des bouteilles en plastique, il faut les mettre quelque part, et envisager leur recyclage.
Aujourd’hui, le seul dépotoir de Buterere est débordé. N’est-ce pas un sérieux problème pour la gestion de ces déchets ?
Tout est lié. Nous avons des experts, des scientifiques en la matière. Aujourd’hui, il faudra les appeler. Des professeurs d’Université écrivent beaucoup de choses sur la gestion des déchets en Mairie de Bujumbura, des étudiants aussi font des mémoires sur ça, mais malheureusement, cela ne sert à rien.
D’après Albert Einstein, « un problème sans solution est un problème mal posé ».
Qu’en est-il pour le Burundi ?
Aujourd’hui, nous disons : il y a le président de la République qui dit qu’il faut balayer, combattre l’insalubrité. Mais, il faut que les spécialistes nous disent comment gérer ces déchets.
Par exemple ?
Il faut d’abord les séparer, faire un bon triage. Car, tous les déchets ne se traitent pas de la même façon. Et puis, il faut un dépotoir, une décharge au vrai sens du terme où le tri est effectué.
Il faut savoir que tous les déchets ne sont pas recyclés de la même façon. C’est ça qui nous manque. Aujourd’hui, si je fais la propreté devant ma parcelle, je balaie, je jette les déchets dans les caniveaux, là ça ne marche pas.
Mais si on pose ou détermine clairement le problème, la deuxième étape sera de laisser travailler les experts et proposer des pistes de solutions pour en finir.
Mais qui doit initier cela ?
Evidemment, c’est le gouvernement. Ce sont les leaders qui doivent mobiliser ces experts. Sinon, les experts risquent de se décourager. Ils vont se dire : nous faisons des publications et cela ne sert à rien.
Alors, pourquoi continuer à perdre mon temps, mes moyens pour écrire des choses qui ne servent à rien. Le président de la République a donné un exemple et il revient aux institutions en charge de l’assainissement et de l’hygiène à faire le suivi.
Concrètement, qu’est-ce que vous proposez ?
Il faut d’abord que le cadre institutionnel joue son rôle. Aujourd’hui, il y a une grande structure étatique qu’on appelle OBUHA (Office burundais de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction). Il a un service chargé de la salubrité et de l’assainissement. Mais, il n’y a pas assez de moyens.
Je dirais qu’aujourd’hui, l’assainissement est oublié. Or, c’est la base du développement.
On se lève quand il y a le choléra et d’autres maladies. Avec l’appui matériel et financier de ce département de l’OBUHA, les choses changeraient.
Ensuite il y a la coordination. Le service chargé de l’assainissement existe au ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de l’Environnement. Également au ministère de la Santé publique, etc. Mais, chacun veut faire les choses à sa guise.
Maintenant, il nous manque une coordination pour dire : mettons-nous ensemble, identifions les défis et avançons. Ces institutions gouvernementales devaient se mettre ensemble et faire quelque chose de durable.
Puisque l’environnement est un domaine vaste et transversal. Il y a les ressources en eau, la biodiversité … mais l’assainissement est primordial. Si cela n’est pas fait, le lac Tanganyika va par exemple continuer à se plaindre en disant : « vous me donnez des déchets, mais vous continuez à me demander des poissons, de l’eau. C’est impossible. »
Pourquoi ne pas redynamiser les Services techniques municipaux (SETEMU) ?
La plupart des experts de l’ex-SETEMU sont dans l’OBUHA. Ils ont des connaissances. Mais, tant qu’on n’a pas de moyens, il y a un problème.
Evidemment, cela fait des mois qu’on assiste à la montée des eaux du lac Tanganyika avec des conséquences énormes. Qu’en est-il du respect de sa zone tampon ?
Le lac Tanganyika est fâché. Quand le Code de l’eau est sorti en mars 2012, le lac s’est réjoui en voyant que le gouvernement tient compte du respect de ses droits et surtout de sa zone tampon.
Quand vous lisez l’article 5 du Code de l’eau, alinéa 3, il montre bien une zone tampon de 150 mètres. Mais, cela dépend aussi des endroits.
C’est-à-dire ?
C’est bien précisé qu’on peut étendre cette zone à plus de 150 mètres. Malheureusement, il y a eu une mauvaise interprétation du Code de l’eau au niveau de cet alinéa.
Comment ?
Il ne faut pas compter les 150 mètres à partir du bord du lac, mais c’est à partir du niveau où le lac a été dans ses dernières crues. Il fallait respecter là où le lac est arrivé en 1964.
Maintenant comme c’est un signal d’avertissement, il faudra voir en 2024 où sont arrivées les eaux du lac ? C’est de là qu’il faudra compter les 150 mètres. Ainsi, on n’aura plus besoin d’une étude ou des alertes précoces pour dire que le lac va monter. Car, si on respecte la zone tampon et qu’on évite d’y cultiver et d’y construire n’importe comment, ça va marcher.
Parlons un peu du domaine forestier. Quel est l’état actuel des forêts au Burundi ?
Aujourd’hui, la déforestation devient grave pour plusieurs raisons.
Lesquelles ?
Deux principales raisons sont à souligner :
D’abord, la recherche du charbon de cuisson. Et puis au niveau des infrastructures, on continue à construire. Et quand on construit, on utilise toujours le bois. Ce qui accentue la déforestation. Il y a aussi l’agriculture.
Comment ?
Aujourd’hui, elle est l’axe le plus important pour le gouvernement. Quand j’entends certaines personnes dire qu’il faut couper les arbres pour étendre les superficies agricoles, pour moi, cela devient un sérieux problème. Et là, les conséquences sont connues.
Pouvez-vous les énoncer ?
Il y a les changements climatiques qui se manifestent par la sécheresse et de fortes pluies. Or, de fortes précipitations causent généralement des inondations entrainant ainsi l’effondrement des terres, les glissements de terrain avec des pertes économiques et en vies humaines.
Rappelez-vous des morts, des maladies, des destructions des infrastructures publiques et privées, des déplacements des populations, etc.
Avec ces mouvements de terrain, rappelez-vous du cas de Gabaniro, commune Muhuta, province Rumonge où des centaines des personnes ont été obligées de se déplacer après avoir perdu les leurs, des biens matériels.
Il faut aussi souligner que cette déforestation due aux activités humaines notamment par des feux de brousse conduit à la destruction de la couche d’ozone à travers des émissions de gaz à effets de serre dans l’atmosphère.
La pression démographique en est également la cause. La situation actuelle est un avertissement. Il faut que les gens se ressaisissent afin d’inverser les tendances.
Pouvez- vous donner des détails en ce qui est de la pression démographique ?
Il y a un document de l’Etat qui a été validé en 2021. C’est ce qu’on appelle la Contribution Déterminée au niveau National (CDN). Il résulte des Accords de Paris de 2015. Là, on disait que chaque pays doit s’engager, montrer ce qu’il doit faire pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Selon ce document, en 2021, au Burundi, la densité était de 480 habitants par km2. C’est vraiment énorme. Mais je me dis que politiquement, on devrait pouvoir conjuguer des efforts pour réduire la démographique galopante et la situation du moment.
Je me souviens que vers les années 2009, on avait élaboré une politique foncière où on montrait que pour parier à ce problème de croissance démographique, il faut un bon aménagement du territoire, et puis savoir où on peut construire, cultiver, etc.
On avait commencé à le faire avec les appuis de certains partenaires techniques et financiers, mais après je ne sais pas si on a eu des schémas directeurs d’aménagement du territoire sur tout le pays.
Aujourd’hui, quand je regarde comment les villes s’étalent et les gens se multiplient, des questionnements me taraudent. Actuellement, on nous dit que nous sommes plus de 13 millions de Burundais, en 2050 on sera à combien ? Où va-t-on vivre ? Mais, je reste convaincu que si on s’organisait correctement, il y a moyen de parier à cela.
Ce que nous disons : il y a une situation, il y a l’atténuation, il y a aussi l’adaptation.
Que faire alors ?
Le président de la République a annoncé la Vision 2040-2060. C’est une bonne vision. Mais, il faudrait qu’actuellement, en 2024, on se dise : nous faisons face à quelle situation au niveau de l’environnement ? Parce que si on ne protège pas l’environnement, tous nos projets, toutes nos visions tomberont à l’eau.
Donc, les scientifiques devaient s’asseoir ensemble et analyser la situation actuelle de l’environnement, de l’eau, des forêts, des terres. Et en dégager des conclusions visant à atteindre la vision du Burundi, pays émergent en 2040. Ces derniers devaient proposer des actions concrètes à mener. Sinon, tout est lié.
Avez-vous sur vous des données chiffrées pour démontrer que cette déforestation est à un rythme inquiétant ?
Là, ça serait en peu difficile. Mais je me réfère au document CDN, parce qu’aujourd’hui, c’est une référence. On dit que si on veut diminuer les émissions de gaz à effet de serre, la déforestation, il faut la reforestation. Et là on précise que la superficie attendue pour la foresterie doit être 15% du territoire national.
Pour y arriver, en 2025, on disait qu’il faut au moins avoir planté 160 mille hectares au niveau de tout le pays. Maintenant, il faudrait vérifier avec le projet Ewe Burundi Urambaye, combien d’hectares déjà reboisés ? Comme ça on peut mesurer où en sommes-nous. Mais, je n’ai pas des chiffres exacts aujourd’hui.
Que conseillez-vous pour diminuer la déforestation ?
Il faut d’abord développer le charbon vert fabriqué à partir des déchets agricoles, biodégradables. A mon avis, les jeunes devaient se lever aujourd’hui.
Mais, pourquoi les jeunes ?
Là je reviens sur la vision 2040-2060. En 2060, ou 2040, qui vont diriger ce pays ? Ce sont les jeunes. Il faut les préparer aujourd’hui. Et ils devraient se lever pour dire : « chers parents, attention ! La manière dont nous sommes en train de traiter l’environnement compromet notre avenir.
Institutionnellement, que faire concrètement pour que la protection de l’environnement soit réelle ?
Là, ça va être difficile à dire, mais il faut oser. Il y a ce scientifique Albert Einstein, qui disait que « le monde que nous vivons aujourd’hui est dangereux ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »
Aujourd’hui, je ne peux pas vraiment me taire. Parce que la situation que nous vivons est catastrophique.
Depuis le 19 avril 2018, on a détruit, moi j’utilise le verbe détruire, le ministère de l’Environnement et de l’eau. On a combiné deux ministères qui sont incompatibles : le ministère de l’Environnement et celui de l’agriculture.
Même dans le livre CDN, il est dit : problèmes de déforestation au profit de l’agriculture. Quand on dit couper ces arbres pour étendre l’espace arable, cela signifie qu’il nous manque un ministère régulateur pour dire : attention, il ne faut pas couper ces arbres et montrer les conséquences. Mais, aujourd’hui, quand un ministre a deux casquettes : environnement et agriculture, il risque de dire que l’agriculture est une priorité au niveau national. Il faut séparer complétement les deux ministères.
Un exemple pour vous faire mieux comprendre
Si le ministre de l’aAgriculture veut monter un barrage d’irrigation sur la rivière Kajeke. Normalement, il faut d’abord qu’il y ait des études d’impact environnemental. Et puis le ministère de l’Agriculture et de l’élevage doit adresser une lettre au ministre en charge de l’eau et de l’environnement pour lui dire voilà : je voudrais faire un tel projet. Il lui demande donc l’autorisation.
Alors, s’il combine tout, environnement, agriculture et élevage, il va tout simplement s’écrire une lettre jeudi et vendredi, il marque son accord pour dire que c’est un très bon projet.
Quid de la mise en application du cadre légal ?
Le jour où on aura un ministère en charge de l’environnement, sûrement que la loi sera appliquée scrupuleusement. Vraiment, nous avons de bons textes de loi, ce n’est pas la Bible, mais c’est suffisamment bien meublé, élaboré.
Quels sont ces textes qui dorment dans les tiroirs ?
Le Code de l’eau de 2012, le Code foncier qui a été révisé en 2011, le Code forestier de 2016, etc.
Si vous allez au niveau des changements climatiques, si ces textes étaient vulgarisés, traduits en Kirundi pour que les Burundais eux-mêmes sachent que la protection de l’environnement n’est pas seulement un devoir, une obligation du ministre en charge de l’environnement, mais que ça concerne tout le monde, le Burundi serait en avance en ce qui est de la protection de l’environnement.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze
Parmi les priorites absolument existentielles devrait figurer la protection du lac Tanganyika par tous les moyens.
Les gens ne savent pas que le lac Tchad qui etait aussi grand que le lac Tanganyika a completement disparu du fait de l’erosion qui a rempli le lac de sable. Le meme sort attend le lac Tanganyika car chaque jour de pluie torrentielles deverse des millions de tonnes de terre venues des montagnes alentours denudees.
Le remboisement des montagnes qui entourent le lac Tanganyika dans les quatre pays riverains du lac (Burundi, Congo, Tanzanie et Zambie) ferait d’une pierre deux coups: sauver le lac et lutter contre le changement climatique. Mais cela c’est trop demander a un regime non elu qui n’a de compte a rendre a personne meme quand il ruine entierement le pays.
Merçi pour l’information. Je ne savais pas que le Lac Tchad était plus grand que le Lac Tanganyika. Et maintenant il a complètement disparu.
La quasi disparution du lac Tchad est alarmant. J ai eu l occasion de le parcourrir en pirogue motorisee en 2013 et pu constater les degats. causes par l,homme a ce » joyau »de la nature. qui inconsciemment s est tire une balle dans le pied avec: la disparition de la peche, possibilites d irrigation compromises. ,l,elevage en declin( la vache locale de race Kourie( robe blanche et bosse preeminente) en voie de disparution… Les iles nees de l,ensablement sont des reperes de bandits et de djhadistes ,la pauvrete pousse les populations locales demunies a la deliquence et prostitution… Bref, la disparution du lac Tchad est une vraie catastrophe pour l,environnement et a eu des impacts negatifs incalculable sur les populations locales. Nous devrions faire ce qui est possible individuellement et collectivement( dans le cadre national et regional) pour proteger non seuleument le lac Tanganyika mais aussi d,autres lacs du graben est africain( Malawi, Tanganyika, Kivu Albert eduard, Victoria ,Tana). Pour notre bien a tous.
Bonjour,
La tendance de remplacer tous les arbres et beaux gazons des Mirwa, Mugamba et Bututsi par des champs de pommes de terre, patates douces,
manioc,…est une balle dans nos pieds.
Non seulement ça détruit l’environnement et nous expose aux effets du changement climatique, mais aussi enlève le charme à ces beaux plateaux qui pourraient nous ramener d’autres ressources via le tourisme.
Il est urgent de ne pas attendre pour agir.
Réduire les naissances burundaises doit être une priorité.Ce pays part en ruine à cause de la surpopulation qui entraine la défôrestation.Parler de protection de l’environnement sans résoudre le grand problème démographique ne sert à rien.Le gouvernement du Burundi doit mettre en place des politiques de réduction de naissances.Que font les Nations Unies avec le FNUAP?La population burundaise est le problème numéro 1.Et ça commence dans les familles burundaises qui sont déjà extremêment pauvres et fragilisées.Un enfant maximum par famille est la solution pour freiner la folie reproductive sur ces terres minuscules.Sinon la guerre civile n’est pas loin.Ventre affamé n’a point d’oreilles.