La réserve des observateurs non-gouvernementaux face aux tueries que connaît le Burundi depuis quelques temps vient d’être brisée. Deux organisations internationales influentes, International Crisis Group et Human Rights Watch réagissent au massacre de Gatumba…
ICG :« La reprise du dialogue est une urgence ! »
L’International Crisis Group (ICG) pense que la tuerie de Gatumba est à la fois un message, une étape et une leçon. Selon Thierry Vircoulon, directeur Afrique centrale de l’ICG, c’est un message car les auteurs veulent montrer au gouvernement qu’ils peuvent nuire. C’est également une étape, poursuit-il, car la lutte clandestine que se livrent les forces de sécurité et les groupes armes depuis quelques temps ne pouvait que dégénérer.
ICG estime que l’affrontement en cours ne va plus être discret, mais devenir au contraire de plus en plus visible et brutal et les dénégations gouvernementales n’y pourront rien.
Enfin, toujours selon M. Vircoulon, c’est une leçon parce qu’elle démontre que le Burundi est sorti trop tôt du système de partage de pouvoir défini par l’accord d’Arusha et la constitution : « Les stratégies électorales des acteurs politiques en 2010 ont de facto mis fin au partage de pouvoir entre grandes forces politiques et ont consacre le monopole politique et la marginalisation de l’opposition. C’est l’origine du problème actuel du Burundi. »
C’est la raison pour laquelle, pour l’ICG, il n’y a maintenant qu’une seule urgence : la reprise du dialogue entre l’opposition et le gouvernement : « Il n’est plus possible de mettre en avant des prétextes de forme pour refuser le dialogue alors que la démocratie recule et que l’ombre de la guerre civile plane sur le Burundi.
HRW : « Le massacre de Gatumba ne devrait pas servir de prétexte »
Dans un communiqué sorti mardi dernier, Human Rights Watch exhorte les autorités burundaises à user de la force minimale nécessaire pour trouver et traduire en justice les auteurs du massacre de Gatumba, en évitant les exécutions extrajudiciaires. Cette organisation demande aux autorités de mener une enquête minutieuse et à prévenir toutes représailles au lendemain du carnage. « Ce massacre brutal d’hommes et de femmes non armés à Gatumba dimanche soir est le pire incident de violence qu’a connu le Burundi depuis plusieurs années », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch.
Pour lui « Le massacre choquant de Gatumba ne devrait pas servir de prétexte pour viser d’anciens rebelles qui ont déposé les armes ou des membres de partis d’opposition qui n’ont pas été impliqués dans des activités criminelles. » Sans confirmer l’identité des auteurs de ce crime, l’organisation parle de groupes d’opposition burundaise armés qui agissant près de la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC).
HRW souligne que cet incident s’est produit sur toile de fond de violences à caractère politique au Burundi, qui ont fait des dizaines de victimes en 2010 et 2011, dans les rangs des membres et anciens membres du FNL, ainsi que des membres du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Cet organisme indique que la violence politique au Burundi s’est caractérisée par des cycles de représailles, avec des meurtres vengés d’un côté et d’un autre, dans une totale impunité.