Au moment où en deçà et au-delà de la Kanyaru, de la forêt de Nyungwe et de la Kibira, résonne le bruit des bottes, j’élève ma voix jusqu’aux cimes de nos collines. Je la joins aux murmures, aux jérémiades, aux sanglots étouffés pour prier – comme s’il ne nous restait que cela – et implorer : «Que cette coupe s’éloigne de moi».
Il se multiplie dans la région des veillées d’armes qui ne disent pas leur nom. De mauvaises prémonitions ponctuées de cauchemars rappellent le crépitement d’armes automatiques, le sifflement des bombes, la déflagration des mines et des grenades, les explosions assourdissantes, des cris, des pleurs, des morts, des cadavres, la ronde des vautours, les destructions, les déplacés, les regroupés, des images d’orphelins faméliques…Qu’est-ce que nos chères patries n’ont pas vu ou connu ? Que nous soyons préservés de ces maux.
Tout commence par la surenchère verbale. Relayée par les réseaux sociaux, la rumeur (encouragée par notre civilisation orale) est en passe de devenir un sport national. Si l’on n’y prend pas garde, cette escalade, qui sent déjà le roussi, risque de dégénérer.
Il suffit d’une petite étincelle, d’un petit dérapage, d’une erreur d’appréciation, d’un droit de riposte ou de poursuite mal mené ou interprété pour franchir le Rubicon. Et la question légitime à se poser est de savoir à qui profiterait un tel embrasement. C’est vrai que des pêcheurs en eau trouble pullulent tant dans la région…
La région, qui a tant souffert par le passé, n’a aucun intérêt à retomber dans les affres de la guerre…