La gestion politique de l’indépendance du Burundi a beaucoup perdu avec la mort de Rwagasore. Elle a obéi depuis à une logique de division et de favoritisme qui continue à faire reculer le pays.
A la veille du 49ème anniversaire de l’accession du Burundi à l’indépendance, plusieurs acteurs politiques s’accordent pour dire que le bilan de la gestion politique laisse à désirer. Les upronistes, toutes tendances confondues, sont unanimes : la mort du Prince Louis Rwagasore a semé le chaos au sein du parti. Comme le souligne Bonaventure Niyoyankana, Rwagasore est mort avant de mettre en application son programme et le parti n’a jamais pu s’organiser réellement, après l’assassinat de son fondateur et rassembleur. C’est également l’avis de Zénon Nicayenzi pour qui la mort du fondateur du parti de l’indépendance a laissé un vide qui a été difficile à combler jusqu’aujourd’hui. La gestion de la période post-indépendance a été marquée par une nette division basée sur les ethnies. Des violences cycliques ont engendré une gouvernance qui répondait à une logique propre au pouvoir, selon les périodes.
La gestion du pays n’a plus été centrée sur l’unité nationale, mais sur des individualismes qui ont transformé l’Uprona en un parti-Etat, entraînant la confusion avec le pouvoir. Les régimes militaires ont utilisé le parti comme instrument ou écran pour asseoir le pouvoir du chef, ce qui a rendu le parti, aux yeux des victimes, comme complice des malheurs que le pays a connus. L’Uprona a ainsi favorisé le clientélisme, en devenant un parti, non pas du peuple, mais élitiste, qui partageait les dividendes entre certains membres, souvent originaires d’une même région.
« Il faut laisser les héros à la nation ! »
« Malgré les bouleversements qui s’opéraient dans le monde, le parti n’a pas su préparer ses membres au changement, alors qu’il était logiquement prévisible que les Hutus seraient finalement au pouvoir », souligne Willy Madirisha. Avec l’avènement du multipartisme, certains membres ont ainsi préféré rejoindre d’autres formations politiques pour avoir une plus grande visibilité politique. Et les choses iront de mal en pis : « L’assassinat du Président Ndadaye a fait reculer le pays et, si l’on continue sur cette trajectoire, l’indépendance sera totalement perdue », remarque Léonce Ngendakumana. Les nouveaux dirigeants, produits d’un phénomène de guerre encouragé par des partis politiques qui caractérisent le favoritisme, cherchent une récompense des efforts qu’ils ont fournis. Pour Bonaventure Niyoyankana, il faut donc briser le cycle en sachant s’opposer politiquement ; car le désordre ne fait que maintenir les incompétents au pouvoir.
A ce 49ème anniversaire de l’indépendance, l’Uprona peut-il continuer de se réclamer de Rwagasore ? « Oui », pense son président, parce que « le parti est indissociable de son fondateur. » Mais, pour Léonce Ngendakumana, « les héros doivent être laissés à la nation, puisque les partis politiques qu’ils ont fondés n’existent plus réellement tels quels ».