Samedi 23 novembre 2024

Politique

Exécutions extrajudiciaires : des noms et des visages

Lors de son discours, lundi le 22 juillet, devant le Conseil de sécurité, Parfait Onanga Anyanga, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies au Burundi, a évoqué 20 cas d’exécutions extrajudiciaires commis au Burundi depuis le début de 2013. A plusieurs occasions, d’autres associations de défense des droits de l’Homme ont dénoncé des « exécutions extrajudiciaires ». Iwacu a voulu mettre des noms et des visages sur quelques cas « documentés ». Enquête.

Deus NdayizeyeDeus Ndayizeye, le commerçant choriste |
Age : 38 ans | Obédience politique : inconnue

C’était aux environs de 19 heures, ce 27 janvier 2013. Deus Ndayizeye est en train de charger dans un véhicule les marchandises qu’il vient d’acheter au marché de Rugaragara, colline Mwegereza, zone Nyabitare en commune Gisuru. Il est abordé par un policier de la position de Mwegereza du nom de Bosco Ndikumana. Le policier veut lui soutirer de l’argent. Deus Ndayizeye refuse. «Le policier l’a menacé qu’il n’arrivera pas à Ruyigi vivant», indique C.M, un témoin oculaire. Pris de panique, poursuit le témoin, le commerçant entre dans la voiture pour téléphoner au commissaire provincial de la police à Ruyigi. Ce coup de fil met en colère le policier. Il sort Deus Ndayizeye de la voiture et lui tire dessus, à bout portant, quatre balles dans le dos. Le commerçant succombera quelques heures après à l’hôpital de Rema de Ruyigi.
Furieuse, la population de Mwegereza se jette sur le policier, le désarme et le lynche à coups de machettes sur la tête. Evacué à l’hôpital de Ruyigi, Bosco Ndikumana mourra deux jours après.

Avec un crédit de 25 millions à rembourser, l’épouse de Deus est désespérée

En larmes, Euphémie Ndayishimiye, épouse de la victime, raconte son calvaire. Son mari venait de contracter un crédit de 25 millions de Fbu à la Banque de Crédit de Bujumbura (BCB). «Comme je suis dans l’incapacité de rembourser, la banque menace de saisir notre maison.» Euphémie Ndayishimiye est poursuivie au Tribunal par les créanciers à qui son mari devait de l’argent. De plus, les commerçants à qui époux avait donné des marchandises à crédit refusent aussi de payer.
Ses enfants sont traumatisés depuis le drame, surtout son fils aîné de 16 ans. Chaque fois qu’il entend la chanson de son père (car Deus Ndayizeye venait de produire une chanson pour son Eglise), souligne-t-elle, il passe toute la journée à pleurer. «Je n’en peux plus», indique la maman en sanglots toujours.
Super Barisesa, frère du défunt, demande à l’Etat burundais d’aider cette famille en détresse car la BCB refuse d’éponger le crédit et les intérêts. «Leur maison risque de se retrouver sur le marché.» Et Euphémie Ndayishimiye de supplier : «Le gouvernement doit m’aider à élever mes enfants car le policier travaillait pour lui et l’arme de crime lui appartenait aussi.»

Deus Ndayizeye laisse six enfants. Il était né sur la colline Nyabutoha, zone Rusengo, commune Ruyigi en province Ruyigi. Après ses études primaires à Rusengo, il s’ était lancé dans le commerce au marché de Ruyigi. Sans appartenance politique, Deus Ndayizeye était un fervent croyant. Membre de l’Eglise Adventiste, il était président de la chorale de sa paroisse. Il résidait au quartier Sanzu en commune Ruyigi, province Ruyigi.

Vénérand NdikumanaVénérand Ndikumana, mort pour cinq litres de « Kanyanga » |
Age : Une quarantaine | Obédience politique : inconnue

Il habitait sur la colline Ruharo, commune Nyabitsinda en province Ruyigi. La quarantaine, père de six enfants, homme de paix et aimé de tous, d’après Firmin Ngendahazi, son voisin, Fyengure était commerçant des boissons Brarudi mais aussi des boissons prohibés comme le «Kanyanga». C’était la nuit de vendredi 24 mai 2013 aux environs de 19 heures. D’après sa femme, Imelde Bangirinama, elle et son défunt époux étaient avec des clients dans la maison quand deux militaires sont arrivés. Il s’agissait du 1er sergent Sévérin Cimpaye et son agent de transmission le caporal Pascal Kazoya connu sous le sobriquet de Buregeya. Ils contournent la maison et entrent par la porte de derrière. «Ils avaient l’habitude de venir chaque mardi et vendredi pour rançonner mon mari», indique Imelde Bangirinama. En plus de l’argent, Fyengure leur donnait deux ou trois bières.

Mais ce jour-là, ils refusent ces «cadeaux».  Le dénommé Buregeya donne deux coups de bâton à Fyengure et commence à lui faire renifler le canon du fusil en lui disant de ne pas bouger. Entretemps, le sergent s’engouffre dans la chambre où Fyengure met l’argent de la vente et il y reste un long moment. En sortant, il prend un bidon de 5 litres rempli de «Kanyanga». Le commerçant les suit à l’extérieur de la maison pour récupérer le bidon.
Juma Nyabenda, un voisin, qui accompagne la victime raconte. «Le sergent a donné l’ordre à son subordonné de tirer si Fyengure s’approche de lui de 5 mètres.» Ce dernier continue de les suivre dans la rue en réclamant son dû. Arrivés à une centaine de mètres de la maison de la victime, Buregeya tire à bout portant sur Vénérand Ndikumana. Deux balles dans le ventre et une dans le cœur. Il meurt sur le champ. La population afflue et les militaires réussissent à s’enfuir en passant dans les collines qui surplombent cette localité.

«Ils ont volé tout notre argent»

Imelde Bangirinama indique que ces militaires ( ils étaient stationnés à Gakonko en commune Butaganzwa, province Ruyigi) sont partis en emportant tout leur argent. Plus de 500.000Fbu, d’après elle. «Aujourd’hui, nous vivons dans une misère sans nom. Nous pouvons passer une journée sans manger.» Elle indique qu’elle croule sous les dettes que sont mari lui a laissé. Même les enfants ont abandonné l’école, précise-t-elle. L’aînée de la famille, Annociate Ndayisenga, 18 ans, fait savoir qu’elle a arrêté les études pour aider sa mère à la maison. Imelde Bangirinama implore le chef de l’Etat de l’aider car ses enfants risquent de mourir de faim. Elle demande justice ainsi que les dédommagements. Elle sollicite l’aide des organisations des droits de l’homme pour suivre le dossier parce qu’elle manque de moyens.
Les deux militaires sont incarcérés dans la prison de Ruyigi. Du côté de l’auditorat militaire, on signale que leur procès est programmé en audience publique au mois de septembre à Gitega.

Siméon RukundoSiméon Rukundo, le pêcheur noyé |
Age : 25 ans | Obédience politique : inconnue

Secteur Nunga sur la colline Kibonde en commune Busoni de la province Kirundo. Le 7 avril 2013, aux environs de 22 heures, Siméon Rukundo et trois personnes, à bord d’une pirogue, sont en train de pêcher dans le lac Cohoha.
Une autre pirogue, un peu plus grosse que la leur, s’approche de leur embarcation. Un militaire du nom de Karenzo, fraîchement rentré d’une mission en Somalie, intime l’ordre à Siméon de s’approcher. « Il avait deux grenades, un couteau et une grosse torche », se souvient P.M, un des amis de la victime.
Flairant le danger, deux des amis de la victime sautent dans l’eau et s’enfuient à la nage. Le militaire et ses amis commencent à frapper Siméon Rukundo et un jeune de 15 ans qui est resté à bord de sa pirogue.

La victime les supplie d’arrêter et leur propose les poissons déjà pêchés. Rien n’y fait. Ils continuent à le frapper et le jettent dans l’eau ainsi que le jeune de 15 ans. Siméon Rukundo se noie.
Voyant une pirogue dériver seule, d’autres pêcheurs sont prévenus et commencent les recherches. Ils arrivent à temps pour sauver le jeune homme qui s’est accroché à un tronc d’arbre. Les pêcheurs alertent leurs amis de l’autre rive et les trois malfaiteurs, dont Karenzo, le militaire, sont capturés. Ils sont emprisonnés à la prison centrale de Ngozi. Le procureur a requis la perpétuité.

Inconsolable, Gertrude Ndikuriyo, l’épouse de la victime indique que depuis la mort de son mari, elle a du mal à élever seule ses deux. L’aîné n’a que quatre ans. Elle demande de l’aide au gouvernement car le bourreau de son mari était un militaire.
Siméon Rukundo était né sur la colline Kibonde en 1988. Musulman, mais non pratiquant, il portait le nom de Shabani D’après David Majambere, son grand frère. Il avait abandonné ses études en 6ème primaire avant d’être maçon, et pêcheur. Ses voisins se souviennent d’un jeune homme  «  serviable et qui aidait beaucoup à construire ou à reconstruire des maisons. »

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Forum des lecteurs d'Iwacu

14 réactions
  1. BIZOZA

    C’est triste toutes ces morts, une grande perte pour les familles et le pays. Mais il faut dire que les cas cités n’ont rien à voir, pour la majorité de ceux-ci, avec les exécutions extra-judiciaires reprochées au pouvoir. On peut même constater qu-il y a des membres du parti au pouvoir tués. Le réalisateur de l’enquête n’a pas bien compris le sujet. De ces cas là, ça existent dans tous les pays même les plus démocratiques au monde!!!

  2. P.K

    Ces policiers representent l’Etat , L’Etat les a formés , armés et mandates avec l’argent du contribuable. Responsabilité 101 …

  3. Aline

    J’ai la chair de poule en lisant et en regardant les images de ces innocents! Quand est-ce que les Hutu arrêteront de s’entre-tuer? Mon Dieu c’est Horrible où va notre petit Burundi? Que Dieu nous vienne en aide

  4. kimoteri

    Iwacu est un journal que j’aime et que je respecte beaucoup mais pour cet article je reste sur ma soif et je regrette que notre bien aimé journal au lieu de montrer les éxecutions extra-judiciaire, il a fait des enquêtes sur des cas d’assassinat qui n’ont rien à voir avoir le sujet. Qu’un individu perde sa vie c’est toujours regrettable et on a de la compassion pour sa famille. Les cas d’exécution extra judiciaire sont monnais courante avec le pouvoir du CNDD FDD et si les journalistes de iwacu écoutent la RPA, ils ont déjà entendu des cas de paisible citoyens qui sont embarqué dans les Toyota Don Hollandais de la Police (ou Kizunguzungu) ou des DC des SNR et le lendemain on trouve leur cadavres flottants dans les rivières,… Rwembe à lui seul a fauché une dizaine. Les 20 cas que Iwacu a publié (sauf pour le cas de Businde) concerne des crimes commis par des gens qui n’ont pas de responsabilité administratives et donc non imputables au pouvoir CNDD FDD. Qu’un policier/militaire ivre, indispliné tire sur un individu je ne vois pas en quoi il s’agit d’une éxecution extrajudiciaire.
    Les journalistes que IWACU a envoyé gutohoza izo nkuru devraient rembourser les frais de mission (kiretse nimba ari la rédaction du journal yagize censure).

  5. izondagira

    Yooo, abo bantu bo kwa Zebiya jewe mbonye bari abamarayika kabisa. Imana ibakire mu bwami ihe kwihangana imiryango, birababaje cane!!!!!

  6. J.Marie

    La sante mentale des policiers me parait plus preoccupante par rapport a autre chose.
    Dans un pays qui sort de la guerre on ne peut pas esperer plus. On ne peut pas demander au policiers d’aller securiser la population alors qu’eux memes ils ont besoin d’un traitement neuropsychiatrique.
    Les pouvoirs publics doivent prendre l’affaire au serieux.
    Je suis particulierement touche par les veuves et les orphelins.
    Il faut faire quelque chose pour soulager leurs ames. Que l’Etat les indemnise c’est son devoir.
    D’urgence!

  7. Kabizi

    Moi, je trouve que nos journalistes doivent chercher des mots pour le rédire parce que le extra judiciaire ne pas convainables à tous ces morts. S’ils veulent dire que les gens meulent c’est normales mais qu’ils n’exageraient pas en utilisant les mots qui ne conviennent pas. Merci

  8. Jean Berchmans Nzeyimana

    C’est douloureux tous ces morts à cause de l’intolérance, de la violence facile et parfois encouragées par l’impunité de certains crimes. Cependant, les crimes qu’Iwacu décrit ne correspondent pas, à mon sens, à la qualification d’exécution extra-judiciaire. A par le boucherie de Businde, qui est une grosse bavure policière et non une exécution extrajudicaire, les autres sont des crimes crapuleux et un seul est de type conjungo-sentimental. Vous aideriez les lecteurs à identifier les vrais cas extrajudiciaires, c.-à-d. ceux concernant les gens qui ont été arrêtés par les autorités (dont policières) et qui seraient portés disparus ou sont morts en étant entre les mains de l’Etat sans que leur mort soit naturelle.

    • Kabizi

      Je suis tout de même d’accord avec vous.
      Je peux parler d’Exécution extra judiciaire à Businde mais les autres cas n’ont rien à voir avec cette exécution.
      Mais des autres cas existent. Il fallait nous présenter ces derniers.
      Si un Enseignant bat un enfant(élève) à mort, est-ce une Exécution extra judiciaire?

  9. Rwasa

    None executions extra judiciaires ziri hehe ko mbona ari des policiers ivres ou irresponsables qui commettenet tous ces actes? None Leta yabatumye kwica abo bantu iri hehe imbere ko ba APRODH bavuga exécutions extra judiciaires. Uwoba abitegera neza yombarira

    • NZOBAGARAGURA BWENGE

      Ndakubaze gato mutama wabandi, ibi hari uwuriko arabiha umugongo ngo ntibimuraba mugabo mfatiye kubanyanyi ba Gwasa abenshi mubapfiriye imbere yubwo butungane tutazi iyo bukorera Kandi ndazi abama imbere yubutunggane bagataha nibeshi, kuvuga rero ko ari imborerwa zabapolice mubanze mundabire uwabatumye,None bagira ko ari ibitazi canke ibitangaza ??????? canke bari kukazi ??? Aho !!!!!!!!!!!! nayo abantu bafyina nkaya majambo mbona bamwe ngo ni inboregwa abandi ibindi ntaco bazoteba babone abaribo turindire mugabo muzoteba mumenyeere ntaco

    • kaminuza

      ha ha ewe Rwasa sha : erega bavuze exécutions extrajudiciaires cela s’applique même aux crimes « commis par des policiers ivres ou irresponsables » . cela s,applique également nimba Leta yabatumye kwica abo bantu canke itabatumye.

      Mugabo siwe we nyene udshaka kuvyumva kuko no mubindi bihugu bifise izo ngorane , LES COUPABEL JEOUENT DU SOPHISME surtout que : « les exécutions extrajudiciaires sont difficiles à recenser et à distinguer des crimes de droit commun et des règlements de comptes »

      Murakoze

      Source:

      1. http://www.amnestyinternational.be/doc/s-informer/notre-magazine-le-fil/libertes-archives/les-anciens-numeros/416-numero-de-septembre-2005/3-Dossier,903/article/3-8-le-far-west-des-executions.

      2. http://www.crin.org/violence/search/closeup.asp?infoID=26876

  10. nsabiyumva edward

    ibibintu birateyubwoba cane

  11. C’est triste, je ne parviens pas a comprendre comment les gens qui sont charges de s’occuper de la securite de la population mais d’une facon la perturbe. I’ll faut faire tout le possible pour que ces assassins soient punis severement. Bcp d’orpherins, veuves qui n’ont pas a les aider. Si c’est un agent de l’ordre, le Gouvernement doit recompenser les familles.

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Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

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