Le traitement judiciaire de « la crise du troisième mandat » a remis à la surface l’éternel débat sur l’indépendance de la magistrature au Burundi.
Les procès des manifestants anti-troisième mandat, des putschistes, des militaires complices dans les attaques du 11 décembre sur les casernes militaires, des rebelles. Ce sont les grands dossiers qui ont été appelés devant les cours et tribunaux depuis le déclenchement de la crise du 25 avril 2015. L’on ajoutera le dossier des élèves gribouilleurs qui est en cours d’instruction ; les poursuites contre certains hommes politiques, certains membres de la société civile et des médias, tous en exil. L’on se souviendra aussi de la fermeture des comptes de certaines organisations de la société civile. Des avocats burundais et étrangers ont déjà déposé des plaintes au parquet général près le Tribunal pénal international de La Haye. Argument : Déni de justice au Burundi. Signalons enfin l’exil d’un magistrat de la Cour constitutionnelle en mai 2015, avant le prononcé de l’arrêt sur l’interprétation des articles en rapport avec les mandats présidentiels.
Réactions
Me Dieudonné Bashirahishize
« Nous célébrons le 54ème anniversaire de l’indépendance avec une magistrature partisane, instrumentalisée, soumise et non républicaine. » Pour lui, « lorsque les hommes puissants du pouvoir exécutif osent menacer de mort les juges qui ont dit le droit pour leur ordonner de changer le verdict comme cela est arrivé en mai 2015 lorsque le vice-président de la Cour constitutionnelle a été obligé de fuir le pays en raison de ces intimidations, vous comprenez que l’indépendance de la magistrature n’existe que de nom. »
L’avocat Bashirahishize regrette : « Elle fonctionne à double vitesse selon qu’on est du parti au pouvoir ou non. Plutôt que de participer dans la résolution de la crise burundaise, elle risque de jouer un rôle de catalyseur du conflit. »
Il martèle : « Dans les négociations annoncées, la réforme de la justice devrait occuper un rôle de choix dans les débats pour éviter de retourner un jour à la case départ. » Il souligne qu’outre le procureur général Léonard Nduwayo, qui a refusé les injonctions de l’exécutif en 1971, la liste de magistrats qui ont eu l’audace de résister à inféoder leurs décisions à la volonté du pouvoir n’est pas longue.
Gélase-Daniel Ndabirabe
Pour le porte-parole du parti au pouvoir, la justice burundaise est indépendante. Seulement, il ne comprend pas comment deux magistrats qui ont étudié dans une même école, puissent faire deux lectures différentes d’une même loi ou d’une disposition d’une loi. C’est à partir de cette différence d’interprétation de la loi que naît le phénomène de dire que la justice n’est pas indépendante. Cette différence de lecture découle finalement des intérêts propres aux magistrats et non pas au gouvernement.
Jean de Dieu Mutabazi
Il n’y a pas de preuves tangibles que l’exécutif s’ingère dans le judiciaire. Si tel était le cas, devrait démissionner tout magistrat qui prendrait une décision selon la volonté d’une autorité de l’exécutif.
« Si tel était le cas, devrait démissionner tout magistrat qui prendrait une décision selon la volonté d’une autorité de l’exécutif » ! Démissionner au Burundi ? Et après, qui se soulèvera pour soutenir le démissionnaire ? Reconnaissons qu’au Burundi, on a des amis quand tout va très bien ! Dès que les problèmes frappent à la porte, les amis disparaissent un à un !