A l’occasion de la journée mondiale du 8 mars dédiée à la femme, il m’a semblé opportun de se remémorer l’histoire d’une femme hors du commun[[<i>Sur le personnage d’Inamujandi, lire avec intérêt le livre de Jean-Pierre Chrétien,{ Burundi, l’histoire retrouvée : 25 de métier d’historien en Afrique}, Paris, Karthala, 1993, p 224-226. L’article de Sebastien Ntahongendera dans burunditransparence.org (L{a Révolution buruniaise « au féminin » payée en monnaie de singe}) qui l’a dépeint sous un éclairage particulier. ]] qui a mené une révolte contre le pouvoir établi qu’elle jugeait injuste, voire illégitime.
<doc7431|left>Au sortir de la 1ère guerre mondiale, le Burundi est sous administration indirecte de la SDN (Société Des Nations, l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies) et le Royaume de Belgique a comme mandat de le mener à un niveau de développement suffisamment élevé pour commercer en toute dignité avec les autres nations du monde. En attendant, l’autorité mandataire édicta une loi[[<ii>Loi administrative du 25 août 1925]] qui perturbera profondément la structure et la nature de l’administration nationale. Pratiquement, tous les chefs et Sous Chefs de l’ethnie Hutu furent exclus du pouvoir et remplacés par des Ganwa ou des Tutsi[[<iii>Selon Joseph Gahama (Gahama, J., {Le Burundi sous administration belge}, Paris, ACCT-Karthala- CRA, 1983, p 104), en 1929 il y avait 20% de chefs Bahutu, en 1933 il y en avait 7%, en 1937 il en restait 2% et plus personne à partir de 1945 !]]. Ce bouleversement administratif, associé à d’autres facteurs socioéconomiques néfastes[[<iv>Disette, épidémie de typhus suivie d’une restriction stricte de circulation des biens et des personnes dans les territoires affectés, isolement des régions périphériques du royaume.]], va favoriser l’émergence sur la scène politique burundaise d’une femme hors du commun : Inamujandi.
Le grand chef Pierre Baranyanka étant très malade[[<v>Il sera hospitalisé durant toute une année à Ngozi pour une pleurésie. Charles Baranyanka, son fils, le mentionne en page 347 de son livre ({Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles}, à compte d’auteur, 2008). A son avis, la révolte aurait profité de son absence prolongée]], sa chefferie de Kunkiko-Mugamba allait à vau-l’eau en termes de gestion. Les sous chefs qui le secondaient étaient haïs par la population qui regrettait l’époque faste de Kirima ; un fils bâtard de Ntare V conçu lors de ses conquêtes dans le Bushi à l’est de son royaume. Kirima avait régné sur un tiers du royaume du Burundi jusqu’à l’arrivée des Allemands au 20ème siècle naissant.
Inamujandi sut alors exploiter cette hostilité populaire. Elle promit des lendemains qui chantent sous la bannière d’un monarque autre que Mwambutsa IV qui, lui, refusera le joug de l’étranger et ramènera paix et prospérité. Sa résistance armée s’organisera à l’orée de la Kibira à Ndora[[<vi>Localité située en commune actuelle de Bukinanyana dans la province de Cibitoke.]] dans la clandestinité totale. Les missionnaires et les quelques Européens qui sillonnaient la région n’y virent que du feu[[<vii>Gahama, J. p 390]]. Elle combattit farouchement les forces gouvernementales en n’hésitant pas à utiliser la magie pour galvaniser ses troupes. Inamujandi finit par se rendre au sous chef Antoine KAZIRI, neveu de Baranyanka, fils de Kabogo qui fût décoré pour ce haut fait.
La geste d’Inamujandi est là pour nous rappeler que lorsque la direction d’un pays vacille et que le capital confiance envers les dirigeants s’étiole, très souvent le peuple génère ses généraux qui, tel Spartacus à Rome, les mène à la révolte faute d’un espoir d’un avenir radieux et pacifique sous la direction de personnes sages et avisées.