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Impôt Professionnel sur le Revenu (IPR) des dignitaires : le non-dit

05/05/2013 Commentaires fermés sur Impôt Professionnel sur le Revenu (IPR) des dignitaires : le non-dit

Alors que les parlementaires se disent prêts à payer l’IPR, d’autres dignitaires s’y opposent. Ils avancent entre autres raisons, des engagements pris auprès des institutions financières. Pourtant, les activistes dans la lutte contre la vie chère ne cachent pas leur déception.

<img5071|left>Tant attendue, la loi qui met en place l’impôt professionnel sur le revenu (IPR) des hauts dignitaires risque d’être lettre morte. Alors que nos représentants clament haut et fort qu’ils n’ont rien contre le paiement de l’IPR, le projet de cette loi serait, aujourd’hui, reporté aux calendes grecques. Motif : d’après des sources fiables, des hauts dignitaires – autres que les parlementaires – ne souhaiteraient pas que ces derniers poursuivent ce dossier. « Nos intérêts seront mis en péril », affirment ces hauts dignitaires pour faire pression sur les élus du peuple.

N.B. est un haut dignitaire qui a requis l’anonymat. Il explique que, pour nombre de personnalités qui ont été nommées par décret, la priorité était de contracter des crédits auprès des institutions financières : « J’avais besoin de m’acheter une maison. Pour obtenir un crédit à la banque, j’ai donné comme garanti mon salaire. » Il ajoute que, selon les conventions avec sa banque, sur les 937.228Fbu qu’il touche, la banque lui retire une somme de 742.112Fbu par mois. Or, indique-t-il, sa femme n’a qu’un maigre salaire de 85452 Fbu. « Si cette loi est votée et qu’on me retire l’IPR, comment pourrai-je joindre les deux bouts du mois avec une famille de six enfants ? », s’interroge-t-il. D’après ce dignitaire, l’Etat risque de promouvoir à son insu le phénomène de corruption du sommet à la base.

R.L. est un conseiller à l’une des deux chambres du parlement. Il s’interroge comment l’Etat peut imposer les salaires des dignitaires en cours de mandat. En outre, il indique que l’Etat ne leur paie pas les avantages sociaux comme la pension pour leur retraite, etc. « Que l’Etat ne nous assimile pas aux carriéristes », lâche-t-il, furieux. Il indique que les mandataires politiques sont comparables aux domestiques : « Quand on nous chasse, on ne réclame rien. » Et de déclarer que s’il advenait que le parlement vote cette loi, les dignitaires ne baisseront pas leurs bras : « Nous porterons plainte contre la violation du droit acquis. »

<doc5072|right>« Les raisons avancées par les parlementaires ne tiennent pas »

Le président de la Parcem Faustin Ndikumana constate un manque de volonté politique pour que le paiement de l’IPR par les hauts dignitaires soit effectif. « Le plaidoyer, lancé depuis longtemps par la société civile, pour que les hauts dignitaires paient l’impôt relève de la philosophie de la justice fiscale, caractéristique d’un pays qui veut maximiser les recettes fiscales pour son budget. Mais, dans notre pays, on remarque un manque de civisme fiscal », se désole-t-il. Et d’ajouter que la raison avancée par les députés selon laquelle la loi organique en vigueur doit d’abord être révisée pour que le projet de loi sur l’IPR des hauts dignitaires soit adopté, ne tient pas. « La même loi organique est votée par les députés. S’il y a une volonté politique, elle peut être révisée même en une journée », souligne-t-il.
A propos des engagements pris par les élus du peuple, le président de la Parcem s’inscrit en faux : « Tout cela ne tient pas, si on doit s’acquitter des opérations citoyennes comme le paiement de l’IPR. »

Quant à la question des montants de l’IPR pour ces hauts dignitaires budgétisés dans la loi des finances 2012 révisée, M. Ndikumana estime que cela n’a pas de base légale. « Il y a 3 milliards de Fbu qui proviendront de cet IPR des dignitaires, selon les rapports de la cour des comptes. Comment les prévoir alors que la loi ne sera pas concrétisée? », s’interroge-t-il. Pis encore, poursuit-il, cette budgétisation pourra inciter le gouvernement à recourir à un endettement excessif qui, de surcroit, ne sera pas remboursable. Et partant, il évoque le risque de recourir à la planche à billet, c’est-à-dire « la création monétaire à partir de rien, sur des avances de la Banque Centrale, pour combler le manque à gagner qui est potentiellement visible. »
Toutefois, cet activiste de la société civile reste optimiste : « Nous gardons l’espoir que le projet de loi pourra être adopté dans un prochain avenir. Nous continuerons à faire pression sans relâche parce que le principe de justice fiscale exige que les citoyens partagent le fardeau fiscal. »

« L’Etat a eu tort »

Les députés disent qu’ils n’ont rien à se reprocher quant au paiement de l’IPR. Calculé sur leur salaire de base (environ 200 mille Fbu), l’IPR tomberait à peu près à 20 mille Fbu. Et d’après un député qui a requis l’anonymat, la seule chambre basse du parlement ne paierait qu’autour de 20 millions de Fbu. D’après lui, cette somme ne représente rien pour l’économie burundaise.

Pourtant, Charles Nihangaza, expert en fiscalité et bonne gouvernance, n’est pas d’accord. « Leurs indemnités, assurances et frais de carburant sont aussi imposables», insiste-t-il. Et pour les autres hauts dignitaires nommés par décret présidentiel, ce consultant suggère au gouvernement d’arranger la situation de façon à ce qu’ils paient l’IPR et gardent le même salaire net. « L’Etat a fait des erreurs. Il ne pouvait pas sortir des décrets qui exonèrent les bénéficiaires de l’impôt alors que la loi ne le permet pas. »

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