Mercredi 30 octobre 2024

Editorial

Immixtion inacceptable

29/09/2023 8

« Indépendance de la justice », « séparation des pouvoirs », tels sont les grands mots inlassablement répétés par les professionnels du droit après l’intervention du ministre de l’Intérieur lors de la réunion du 25 septembre.

En vue de juguler la fraude, les malversations économiques, la corruption, il a invité les juges à procéder au procès de flagrance en cas de délits. « Selon le Code pénal, la fraude est classée dans la déstabilisation de l’économie nationale… L’auteur de l’infraction et ses complices doivent être traduits devant la Justice dans un procès de flagrance. Il ne faut plus les condamner à des peines minima en leur infligeant de simples amendes ».

Les professionnels du droit ont qualifié les propos du ministre d’immixtion, d’ingérence de l’Exécutif dans le fonctionnement de la Justice. « Il n’appartient à quiconque, fût-ce le ministre de la Justice ou celui ayant l’Intérieur, d’instruire aux juges la manière dont ils interprètent et appliquent la loi », estime un juriste.

Pour lui, la flagrance est régie par la loi, en l’occurrence le Code des procédures pénales. Une autre estime que la politique pénale ne consiste pas à donner aux magistrats des instructions à appliquer à une peine. « Le magistrat applique la loi qu’il n’a pas élaborée. Il doit le faire en toute indépendance ».

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Depuis des années, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l’immixtion de l’exécutif dans le rôle de la justice burundaise et qui la rend inefficace. Quand on dénonce les défaillances, les abus qui s’observent au sein du secteur judiciaire, les praticiens du droit évoquent l’ingérence de l’Exécutif et de l’administration qui veulent imposer à un juge ou à un président du tribunal le sens dans lequel un jugement doit être rendu.

Un juge m’a rappelé le cas d’un gouverneur qui, en juillet 2021, a recommandé aux chefs de juridiction du ressort administratif de sa province de se présenter à son cabinet une fois le mois pour une délibération conjointe « afin de donner suite aux plaintes reçues au sein du cabinet liées aux jugements mal rendus et à la mauvaise exécution des sentences. » On dénonce aussi l’appartenance politique qui prime lors des nominations des magistrats aux hautes fonctions comme à la Cour Suprême, à la Cour anti-corruption.

Toutefois, ils devraient eux aussi faire une introspection, un esprit critique dans l’exercice de leur métier. La population se plaint, en effet, des magistrats qui abusent de leur pouvoir pour faire traîner un procès par des reports ou des audiences interminables. « L’éternité est plus courte si on la compare au processus judiciaire burundais », dixit un fidèle lecteur d’Iwacu.

C’est simple, mais difficile : l’Institution judiciaire ne devrait recevoir aucune injonction, ni directe ni indirecte. « Que la justice soit rendue non pas au nom d’un régime, d’un groupe d’individus, d’un responsable politique déterminé, mais pour le compte de la population », dixit Me Prosper Niyoyankana. Bref, on demande à l’Exécutif de ne pas s’immiscer dans l’interprétation et l’exécution des lois et des procès.

Forum des lecteurs d'Iwacu

8 réactions
  1. Jereve

    Comment voulez-vous que la justice fonctionne correctement quand les autres institutions ne fonctionnent pas correctement? Si nous voulons des institutions plus correctes, il faut alors effectuer la correction sur toute la ligne du sommet à la base. C’est vague comme opinion, j’en conviens, mais il faut commencer la réflexion pas là.

  2. Kabizi

    Le 1er ministre et le président du Sénat viennent de faire des sorties fracassantes contre la mesure des compagnies aériennes.
    Les arguments avancés sont risibles.
    Womenga barafise leurs compagnies aériennes

  3. Kibinakanwa

    Jean Pierre a raison.
    Les lois sont des chiffons de papier, si on les applique comme on veut et quand cela arrange les grands.

  4. Gacece

    Le judiciaire empiète également sur le champ de compétence de l’exécutif! Tenez! Une fois qu’un juge a rendu son jugement, pourquoi faut-il qu’il faille attendre un aval d’un procureur pour « exécuter » le jugement rendu? L’exécutif (police, administrateurs, huissiers, etc) devrait prendre le relaie pour la suite du processus après procès.

    Les juges, les avocats et procureurs de tous genres devraient uniquement être chargés d’interpréter la loi à partir du moment où on introduit une une requête jusqu’à la fin du procès. S’il faut qu’ils soient absolument présents lors de l’exécution d’un jugement, c’est en tant qu’observateurs ou personnes-ressources. Seul le juge qui a rendu le jugement peut donner des instructions sur place.

    Pas d’interventions, pas d’interprétation du jugement ou de la manière dont il est en train d’être appliqué. S’ils observent des anomalies ou des erreurs dans l’application du jugement, ils devraient les rapporter au juge pour qu’il demande des comptes et des corrections à l’exécutif. Cela s’appelle un suivi.

    Sauf s’il y a un appel du jugement ou révision du procès, leur travail devrait s’arrêter là! NET! Et au prochain procès!

    C’est pour cela qu’un jugement doit être clair, précis et complet quant aux délais et instructions servant à l’autorité administrative d’exécuter le jugement rendu.

    L’interprétation de la loi, c’est une affaire des juges et des avocats, mais surtout des juges parce qu’ils ont le dernier mot.

    L’application des jugements, cela appartient à l’exécutif.

    • Jean Pierre Hakizimana

      La théorie on la connait. Le problème au Burundi, on dirait que les trois, les différentes branches(exécutifs , legistratif & judiciaire) ne savent pas leur lignes respectives et surtout ne respectent pas du tout celles des autres. Chacun a du mal à accepter la compétence et le pouvoir des autres dans sa domaine respective.

      je ne sais pas mais, on l’impression que tout le monde travail pour l’exécutif pas pour le peuple. Combien de fois on voit le president parler aux membres de la justice comme ses domestiques? Pour le president, un bon membre juridique, c’est celle/ celui qui execute ses volontés vite fait. Comment pensez vous que l’on a des pauvres et innocents dans les prisons Burundaises(Les Journalists comme Florianne, etc…. )?

      Observe comment le ministre de l’intérieur parle des cas des fraudeurs en mélangeant tout! Parle des petits caïds qui essayent de survivre dans un monde géré par la réalité à plusieurs vitesses mafieuses. Je suis certains qu’il sait qu’il y a une loi que tout politiciens devraient declarer son patrimoine: Combien ont ils suivi cette loi? Et surtout qu’en fait ils? Il a le pouvoir de les présenter devant la justice non? Et le President, il ne sait pas cela?

      La réalité est que quand les grand lions ont récupéré toute la bonne viande du gibier, il ne faut pas aller s’acharner aux pauvres qui se battent sur les os! C’est cela qui se passe en pratique dans tous les secteurs économiques au Burundi. ex: L’histoire du barrage hydro-électrique disparue, la famille même du president(sa femme, ses enfants, etc..), etc..

      je vais vous dire une chose: Tous ces gens qui gouvernent le Burundi sont parti au maquis pour un Burundi different et bien, non. On a un Burundi qui est n’est pas mieux! Si ce n’est pas pire!

    • Gacece

      @Jean Pierre Hakizimana
      Au niveau de la justice, c’est parce que les lois existantes, qu’elles soient vieilles ou nouvelles, permettent à tous ces pouvoirs d’empiéter chacun sur les champ de compétences des autres… et les conséquences et les injustices qui en découlent.

      Ce sont les lois qu’il faut changer en premier, les arguments importent peu.

      • Jean Pierre Hakizimana

        Merci. Vous savez, hier les USA ont montré un exemple d’un pays, même si pas parfait, avec des institutions très fortes. Un ex président, Mr Trump, avec ses fils devant les juges pendant que 5 membres du congrès sont arrivés à destituer le president de la chambre de congrès, Mr Kevin McCarthy.

        Je ne pouvais pas que les envier. Je sais qu’il est injuste de comparer le Burundi aux USA mais, si on n’aspire pas devenir le meilleur dans tout l’on fait, a quoi tout cela sert vraiment? Les bénéfices à court terms qui finissent par s’évaporer très vite? Et pourtant, les politiciens Burundais ont tout à gagner quand le Burundi gagne.

  5. Kabagambe Richard

    La séparation des pouvoirs n’est qu’un slogan de propagande dans le pays de Ntare, l’indépendance de la justice n’est qu’un rêve. Aussi longtemps que les magistrats aux grandes responsabilités sont nommés par l’Exécutif, ces derniers n’agiront que des politiciens à la solde de leur patron.

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