« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?» Le célèbre monologue du Cid de Corneille dans lequel Don Diègue se lamente sur son propre sort me fait penser- comparaison n’est pas raison- à la situation pitoyable dans laquelle se retrouvent les fonctionnaires burundais qui viennent d’être « renvoyés » à la retraite. Normalement, avant de partir à la retraite, les travailleurs qui sont régis par le Code du travail sont avertis au moins une année avant. Or, dans une correspondance adressée aux cadres du ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida le 29 juin, la ministre leur demande d’informer leur personnel ayant atteint 60 ans et plus que leur départ à la retraite est fixé au 30 juin 2023. Le lendemain donc. Ce qui signifie que pour ces retraités, estimés à plus de six cents pour ce seul ministère, plus de salaires à partir de juillet ! Le communiqué du ministère de la Fonction publique précise que les lettres de mise en retraite vont sortir en septembre. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas percevoir leur pension de retraite avant cette date. Pour ces anciens serviteurs de l’Etat, qui s’attendaient à mettre fin à leur carrière à l’âge de 65 ans, c’est le choc. Ils dénoncent « un licenciement abusif, un renvoi à la retraite anticipée, un traitement inhumain, un coup de grâce » et évoquent des conséquences désastreuses puisqu’ils avaient pris des engagements auprès des banques et établissements financiers en se référant à cet âge.
Au Burundi, partir à la retraite est très angoissant pour les fonctionnaires en fin de carrière. La pension de retraite, c’est juste une portion du traitement du salarié en activité. Or, déjà en fonction, ils vivent mal parce que le salaire est insuffisant pour faire face aux besoins sociaux de base. Presque tous ces retraités sont des chefs de ménage qui doivent souvent également prendre en charge, en plus de leurs besoins devenus nombreux suite au poids de l’âge, leurs enfants qui ne sont pas encore insérés sur le marché du travail, l’insertion professionnelle étant de plus en plus tardive dans notre pays. Ceux qui continuent de travailler dans le secteur formel ne sont qu’une minorité, soit que leur statut le leur permet, soit qu’ils obtiennent de nouveaux contrats. La reconversion socio-professionnelle est difficile, voire impossible. Rares sont ceux qui se lancent dans le business car la plupart passent leur vie active à rembourser des crédits contractés auprès des banques et des microfinances. La reconversion de ceux qui y parviennent n’est pas toujours couronnée de succès. Ils n’ont pas l’expérience suffisante pour se lancer dans cette nouvelle activité fort éloignée de leur ancien métier. Le chapelet des défis qui hantent les retraités burundais peut être égrené à satiété.
Un dialogue social entre le gouvernement et les syndicats s’impose pour trouver un terrain d’entente. Par ailleurs, le souhait manifesté par le Chef de l’Etat depuis son accession au pouvoir, d’améliorer les conditions de vie précaire des retraités, en leur octroyant, entre autres, une pension mensuelle égale au dernier salaire net avant la retraite tarde à se concrétiser. On éviterait les jérémiades continuelles de certains retraités qui dénoncent « un système de retraite inefficace qui laisse dans la misère les anciens fonctionnaires de l’Etat, tout en accordant à certains politiciens des indemnités de retraite scandaleuses… »
Merci de nous rappeler cet extrait du monologue de Don Diègue. S’il y a une des œuvres littéraires qui m’ont passionné dans mes études secondaires, c’est bel et bien Le Cid de Corneille… « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pont le nombre des années »
Merci M. l’éditorialiste pour ce clin d’œil aux décideurs. La prochaine fois, essayez de nous brosser la situation des retraités qui ont servi dans l’informel. Je crois qu’ils sont nombreux. Perçoivent-ils une pension de retraite si minime soit-elle? Que deviennent-ils?
@Karabadogomba Melchior
« …essayez de nous brosser la situation des retraités qui ont servi dans l’informel. »
Essayez de vous renseigner sur ce que perçoit comme retraite, une personne qui n’a jamais eu l’occasion de cotiser pour une caisse de retraite, dans n’importe quel pays du monde.