Pacifique Nininahazwe, Délégué général du Forum pour le Renforcement de la Société Civile (Forsc) se dit très surpris du discours du numéro un burundais juste le jour de la clôture des états généraux de la société civile. Pour M. Nininahazwe, il y a une incompréhension totale de l’action de la société civile par les pouvoirs publics.
Quelle appréciation faites-vous des états généraux de Gitega ?
C’est un bilan à la fois positif et négatif. D’une part, parce qu’on a eu l’occasion de nous exprimer librement sur toutes les questions qui sont souvent sources de confrontation entre la société civile et le gouvernement. Ce dernier, par le biais du ministre de l’Intérieur Edouard Nduwimana, a aussi exposé tout ce qu’il avait à cœur contre nous, sans faux-fuyant. D’autre part, on a senti dans l’intervention du ministre et de certains participants visiblement préparés, un souhait de mettre en place un autre forum national de la société civile à l’instar du fameux Forum Permanent de Dialogue des Partis Politiques. Or, cela n’avait été discuté ni dans le comité d’organisation, ni prévu sur le programme.
Selon vous, pourquoi le pouvoir à voudrait vous imposer un autre forum ?
Il veut absolument diviser la société civile comme cela a été le cas avec certains partis politiques. Toutefois, il appartient aux organisations de la société civile et non au pouvoir de décider de sa mise en place ou pas.
Il y a un certain nombre d’accusations faites gratuitement à notre égard : que nous sommes proches et en même temps militants des partis de l’opposition, que nous travaillons pour le compte de nos bailleurs étrangers, etc. Tout cela est faux. Notre action est différente de celle de l’opposition. Celle-ci combat pour conquérir le pouvoir politique tandis que la société civile cherche à avoir de bonnes politiques pour une amélioration des conditions de vie des citoyens.
Le représentant du gouvernement aurait tenté de vous donner les raisons de ces accusations ?
Il arrive qu’on formule des recommandations lors des analyses et que ces partis politiques en reprennent quelques extraits. Cela est tout à fait normal. Quant aux financements de l’extérieur, les recevoir n’est pas un péché. Le Burundi, n’est-il pas financé à plus de 50% par l’extérieur ? Est-ce qu’il agit pour autant pour l’intérêt de l’étranger ou du peuple burundais ? C’est donc la société civile qui comprend des gens irresponsables qui utilisent l’argent de l’extérieur contre leur propre pays ! Ce langage doit cesser.
Peut-on dire qu’après Gitega, les relations entre la société civile et le pouvoir restent tendues ?
Plus que jamais. On a beau expliquer notre position et notre rôle dans la société, nous constatons que cela ne le rassure pas. Des déclarations de nos autorités qui criminalisent la société civile et les médias en nous accusant d’inventer des morts, d’être des ennemis de notre propre pays, etc. ne tranquillisent pas. Cela dénote une crise de confiance.
« La présidence de la République ne comprend pas l’action de la société civile »
Dans son discours à l’occasion du 1er anniversaire de son second mandat, Pierre Nkurunziza a fait une mise en garde à certaines organisations de la société civile. M. Nininahazwe indique qu’il a été « surpris par le discours du président de la république ». Pour lui, ce discours résume tout ce que la société civile a vécu au cours de cette année.
« Le début de ce 2ème mandat coïncide avec l’incarcération du journaliste Jean Claude Kavumbagu, des menaces de fermer l’Aprodh ou de remplacer son président sans oublier les convocations intempestives des journalistes et le nouveau phénomène d’incarcération des avocats, etc. », précise le Délégué Général du FORSC. M. Ninihanazwe rappelle qu’au cours de cette année, la société civile n’a pas vu d’avancée dans l’affaire Ernest Manirumva. « Alors qu’on organisait une marche manifestation pour réclamer la justice et la diligence dans le traitement de ce dossier, on nous a opposé des forces de sécurité armées jusqu’aux dents. Certains d’entre nous ont même été arrêtés », se souvient le militant des droits de l’homme.
Il regrette l’incompréhension de l’action de la société civile par la Présidence de la République : « C’est dommage. La liberté de manifester est reconnue par notre constitution et par les instruments internationaux des droits de l’homme qui ont été ratifiés par le Burundi et qui font partie intégrante de la constitution »conclut Pacifique Nininahazwe.