Marginalisée, rejetée et asservie, la population Twa, malgré une représentation dans les institutions étatiques, peine à trouver sa place dans la société.
<doc7857|right>Vendredi 12 avril, à l’Institut Français du Burundi (IFB), le club Karibu organisait une soirée pour la découverte et la valorisation de la culture des Twa. Personne n’avait lésiné sur les moyens pour la publicité. Pourtant, le jour « J », l’on aurait dit que tout le monde avait oublié. Dans l’obscure salle des spectacles, on pouvait compter les spectateurs : l’ambassadeur de France, quelques journalistes, trois ou quatre expatriés, quelques élèves de l’école Française, et environ cinq compatriotes.
Les autorités burundaises ont brillé par leur absence, et « même ceux qui sont directement concernés, en l’occurrence l’association Uniproba (Unissons-nous pour la Promotion des Batwa)», raconte Egide Barakamfitiye, le président du club Karibu. Danses traditionnelles accompagnant la poterie, débat-échanges, initiation à la poterie et exposition-vente des objets d’arts, figuraient au programme de la soirée. La projection d’un film documentaire sur la vie des Twa était aussi prévue, n’eût été le désengagement de la Radio-Télévision Nationale du Burundi (RTNB) à la dernière minute.
Une marginalisation qui s’inscrit dans l’histoire
Au cours du débat-échange, très peu animé d’ailleurs, Magambo et Rosalie, les doyens du village des Twa à Busekera, sont revenus sur leur condition de vie « tous les jours nous sommes discriminés et exclus ». Ainsi, de par leur culture, leurs coutumes et leur mode de vie, les Twa, peuple autochtone, longtemps nomade, a toujours vécu dans le servage. Ils vivaient et travaillaient sur les terres d’autrui dont l’heureux propriétaire disposait autant de la terre que de leur personne. Avec l’abolition du système « Ubugererwa » (servage foncier) en 1976, certains Twa ont reçu des parcelles, de la part de leurs anciens maîtres, c’est le cas de ceux du site de Busekera, mais d’autres, comme ceux de Mukike, se sont retrouvés amassés dans une parcelle commune sachant qu’une famille de Twa, compte en moyenne 7 enfants.
Malgré l’abolition du système de servage, l’on constate toutefois que la pratique continue. « Nous sommes obligés de travailler pour les autres puisque nous n’avons rien. L’autre jour, ma femme travaillait dans la vallée, et elle a failli se faire tuer, elle a été pourchassée par des individus. Interdit de cultiver là ! Comme si cette vallée appartenait à autrui ! », raconte Gashora, avec tristesse. A titre d’exemple, à Busekera, bien que les Twa aient chacun un petit lopin de terre, ils doivent travailler dans les champs comme ouvrier ou paysan chez des particuliers, et en contrepartie, ils reçoivent des vivres, ou de la monnaie… Même les enfants, après l’école, doivent travailler pour un peu d’argent, ce qui a un impact négatif sur leurs résultats scolaires.
Peuple nomade, avant d’être sédentaire
Quand survient un décès dans une famille, il faut quitter ce lieu, car, nous dit Magambo, cela montre que ce lieu est maudit. D’où la construction de petites huttes en feuilles de bananes. « Il faut construire un habitat, facilement destructible, ainsi quand il faut quitter, on ne perd pas de temps », poursuit-il.
S’ils étaient originellement nomades, on assiste néanmoins à une sédentarisation progressive avec l’amenuisement des terres, la politique de protection de l’environnement. Autre conséquence de l’évolution de la société : l’abandon progressif des pots en argile suite à l’introduction des ustensiles en plastique, et autres. Dans quelques régions, ils commencent à fabriquer des braséros et des objets d’art : couteaux, épées, cannes, statuettes…
Cependant, selon l’honorable Libérate Nicayenzi, sénatrice et présidente de l’Uniproba, une lueur d’espoir se dessine pour cette communauté. D’abord au niveau politique, ils sont aujourd’hui représentés avec 3 places à l’Assemblée nationale, trois autres au Sénat, et un parlementaire au sein de l’EAC.
En 2010, des cartes d’identités leur ont été distribuées, leur permettant ainsi de jouir de leur citoyenneté comme tout Burundais. En outre, dit la sénatrice, un travail de sensibilisation et de soutien est en cours, avec l’aide de quelques ONG, pour l’enregistrement des naissances, la régularisation des mariages et la scolarisation des enfants. « Ils doivent comprendre que l’éducation est la base de tout développement », conclue Libérate Nicayenzi.