Pour François Bizimana, député de l’EALA, si le Chef de l’Etat était intervenu plutôt avec le même discours ferme que celui qu’il a tenu à Gatumba, cela aurait contribué à normaliser la situation. Et le pays n’en serait pas arrivé là.
Que pensez-vous du dernier massacre de Gatumba ?
C’est un acte ignoble et crapuleux qui ne peut trouver aucune explication. Même s’il ne m’appartient pas de qualifier les infractions, au regard du droit et des textes internationaux, c’est un crime contre l’humanité. Je condamne fermement ce crime ; il ne doit pas rester impuni. C’est pourquoi je demande aux instances compétentes et à la communauté internationale de mener des enquêtes pour sévir exemplairement contre les coupables.
Le Président de la République a donné à la justice un mois pour boucler l’enquête. Compte tenu de certains précédents, avez-vous l’espoir qu’elles aboutiront ?
Certes, les enquêtes sur les assassinats du président Melchior Ndadaye, de Mgr Joachim Ruhuna, du Nonce Apostolique Michaël Courtney, d’Ernest Manirumva (vice-président de l’Olucome), des Congolais membres de la communauté Banyamulenge ainsi que de nombreux autres Burundais n’ont pas encore abouti. Mais cela doit cesser. Les crimes continuent à se commettre parce que leurs auteurs ne sont pas inquiétés. Est-ce que ceux qui tuent aujourd’hui ne se réfèrent pas au passé ? Quand il y a impunité, il y a toujours perpétuation des crimes. J’ai senti dans le discours du Président Nkurunziza, à Gatumba, qu’il y a une vive détermination. Que justice soit alors rendue réellement.
Au lendemain du massacre de Gatumba, le président du parti Sahwanya Frodebu et celui de l’Aprodh ont été interpelés. Estimez-vous que ce soit dans cette logique?
Que Léonce Ngendakumana et Pierre Claver Mbonimpa comparaissent devant la justice, il n’y a rien d’anormal. Il leur appartient de prouver leur innocence. Quant à la justice, elle doit être capable de présenter des éléments irréfutables pour charger celui sur qui pèsent des indices sérieux de culpabilité. MM. Ngendakumana et Mbonimpa font partie de la catégorie des gens qui dénoncent régulièrement les responsables de violations graves des droits de l’homme. A maintes reprises, ils citent des noms. Pourquoi la justice ne veut-elle pas explorer ces pistes ? C’est là que le bât blesse.
D’aucuns estiment que la réaction du numéro un Burundais est intervenue tardivement. Êtes-vous du même avis?
La classe politique, la société civile et certains citoyens l’ont toujours exprimé à travers différentes déclarations. Il ne fallait pas attendre la mort d’une quarantaine d’individus pour que le gouvernement sorte de son silence, se déplace massivement et prononce un discours. La mort d’un homme reste une mort. Elle ne diffère en rien de celle de plusieurs individus. Quand un homme qui meurt, c’est tout le pays qui perd. Si le gouvernement avait tenu ce discours ferme longtemps avant, dès les tout premiers morts, la situation ne se serait pas empirée jusque- là.
Votre contribution pour juguler définitivement cette insécurité…
La sécurité des citoyens et de leurs biens incombe au premier chef au gouvernement. Le gouvernement n’est pas là pour réprimer mais pour prévenir afin de réduire au strict minimum les crimes. Et pour réussir, il faut que les dirigeants, de la base au sommet, encadrent la population. Or, dans certaines localités, il y a des responsables administratifs qui se comportent comme des militants politiques. En effet, ils doivent arriver à montrer au peuple burundais et aux étrangers qui ont élu domicile dans ce pays qu’ils défendent les intérêts de tout le monde.