Les leaders de l’opposition internes et externes se sont réunis à Kampala du 3 au 4 mai. Tatien Sibomana, acteur politique présent, livre dans Iwacu les tenants et les aboutissants de cette rencontre.
Pourquoi avez-vous écrit au médiateur Museveni ?
Il est question de lui demander la suite réservée au rapport du facilitateur Benjamin Mkapa. Celui-ci revient sur la prééminence de l’Accord d’Arusha comme étant le socle de la paix, de la sécurité et de la réconciliation au Burundi. Il fait un état des conditions optimales pour un processus électoral inclusif, démocratique, transparent et paisible. En outre, il propose une feuille de route synthétique des propositions émanant du gouvernement (Feuille de route de Kayanza) et de l’opposition. Les chefs d’Etat de la région l’ont apprécié et endossé.
Paradoxalement, depuis leur sommet de février rien n’a été fait. Nous demandons à Museveni d’avoir le courage de finir ce qu’il a commencé. D’où la proposition d’organiser une dernière session à travers laquelle ils auraient à dire au peuple et à toute la communauté internationale ce qu’ils comptent faire. Si ce n’est pas cela, il faut accepter de rendre son tablier.
Qu’avez-vous échangé sur le processus électoral de 2020 ?
Ici, il faut que chacun nous comprenne. Depuis Arusha, nous n’avons jamais parlé d’élections de 2020.Nous parlons toujours du processus électoral à venir. Nous voyons que le forcing continue. Nous avons la Constitution qui enterre l’Accord d’Arusha. Il y a le code électoral qui est là. Il y a une Ceni unilatérale qui est là. Bientôt toutes les autres étapes vers un processus encore une fois unilatéral seront franchies.
Nous nous sommes dit que les chefs d’Etat de la région vont être sensibles au sort des Burundais. Et qu’ils organiseront, dans la foulée, une session pour faire pression sur le gouvernement en vue d’un processus inclusif, consensuel et paisible. Surtout qu’il est censé sortir le Burundi de la crise. Soit, on a l’ occasion d’avoir des conditions optimales pour un processus crédible, soit la situation reste en l’état.
Si c’est la première hypothèse, tout le monde serait content d’y participer. Si ce n’est pas le cas, faudra-t-il laisser le Cndd-fdd partir seul aux élections ? La question reste en suspens. C’est alors qu’est venue la proposition d’organiser une réunion plus inclusive de toute l’opposition. C’est dans cette réunion qu’on va réévaluer et décider définitivement sur cette histoire de processus. Donc aujourd’hui rien n’est encore tranché. La question sera discutée ultérieurement dans un cadre plus large.
Auriez-vous fixé une date pour cette rencontre ?
Nous n’avons pas encore fixé la date. Cependant, nous la voulons le plus rapidement possible. Vous savez, il ne faut pas non plus trop se précipiter. On agrée aujourd’hui un parti politique comme le CNL. Le lendemain, la route menant à sa permanence est fermée. A longueur de journée, certains militants sont arrêtés, d’autres contraints à l’exil. Est-ce que si nous décidons de foncer tête baissée, nous aurions le champ libre pour préparer ces élections ? Rien ne sert de courir, il faut plutôt partir à temps.
Allez-vous participer aux élections de 2020 ?
Le moment venu, vous aurez la réponse.
Une nouvelle plateforme de toute l’opposition est à l’étude. Ne va-t-elle pas subir le même sort que le Cnared?
Il ne faut jamais rester figé. Les hommes changent. Notre société évolue. Ce qui s’est passé en 2015 ne doit pas nécessairement se reproduire en 2019. Compte tenu des expériences précédentes, les inquiétudes ne peuvent pas manquer. On ne peut pas ne pas envisager un avenir meilleur. Sinon, cela signifierait que la crise de 2015 va perdurer éternellement. Les hommes s’adaptent avec les circonstances du moment. La volonté y est. Nous avons une base consistante qui peut nous réconforter dans notre démarche d’avoir une plateforme commune de l’opposition.
Quel message lancez-vous au peuple burundais ?
Les Burundais ont été à maintes reprises déçus par les agissements de certains politiciens. Mais ça ne sert à rien de se décourager. Il ne faut pas que l’esprit défaitiste les gagne. Sinon, les générations futures manqueront de repères pour trouver les solutions aux problèmes. L’histoire du monde nous révèle qu’aucun problème n’est éternel.
Récemment, qui aurait cru que le président Omar Béchir serait balayé de la sorte ? Je rassure le peuple que cette crise sera résolue tôt ou tard. Seulement, nous ne connaissons pas l’heure ni le jour. Y compris ceux qui se croient être maîtres à bord.
Propos recueillis Arnaud Igor Giriteka