Lundi 23 décembre 2024

Environnement

« Il faut s’attendre à un conflit interne »

12/06/2018 Commentaires fermés sur « Il faut s’attendre à un conflit interne »
« Il faut s’attendre à un conflit interne »

La gestion de l’environnement fait partie désormais du ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage. Les craintes de l’environnementaliste Albert Mbonerane.

Comment avez-vous accueilli le jumelage du ministère de l’Environnement avec celui de l’Agriculture ?

J’ai été surpris. A moins qu’il y ait des miracles, l’état environnemental va se dégrader. Toutes les études montrent que l’agriculture est le premier destructeur de l’environnement. Elle utilise les ressources naturelles : le sol et les terres. Elle est le premier consommateur de la ressource eau.

Or, l’environnement renvoie à la protection des ressources naturelles, le sol, les terres, les cours d’eau, etc. L’agriculture, c’est aussi avoir l’espace pour augmenter la production.

Ainsi, les parcs, les aires protégées, les boisements naturels risquent de disparaître pour céder la place aux champs, aux cultures.

Donc, les deux ne sont pas compatibles ?

Effectivement. Même à l’époque du ministère de l’Eau et de l’Environnement, il y a eu toujours des conflits avec les producteurs agricoles. Le parc national de la Rusizi a été par exemple envahi par la culture du coton et de la canne à sucre.

Il faut s’attendre à un conflit interne entre l’agriculture et l’environnement. Or, le gouvernement a adopté en décembre 2009 la Politique Nationale de l’eau. Il est clairement indiqué qu’il doit y avoir un ministère régulateur et planificateur du secteur de l’eau. Une tâche du ministère en charge de l’Eau et de l’Environnement. Les autres comme celui de l’Agriculture ou de l’Energie et Mines… sont des utilisateurs.

Pourriez-vous être plus concret ?

Un exemple. Supposons que le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage veut construire un barrage pour irrigation. Quand on lit le Code de l’eau du 26 mars 2012, il est dit clairement qu’on doit demander l’autorisation au ministère en charge de l’eau et de l’environnement.
Aujourd’hui c’est le même ministère. Qui sera le demandeur ? Et le destinataire ? Normalement, on ne peut pas être juge et partie.

Bref, l’agriculture va primer sur la protection de l’environnement. Il peut y avoir le renforcement de l’utilisation des engrais chimiques, alors qu’au niveau environnemental, l’attention est portée sur la limitation de l’usage des pesticides.

Quid de la gestion de la ressource eau ?

C’est encore le même ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage. Ce qui est incompatible. Conséquemment, eau va disparaître.

Pour rappel, la création du ministère en charge de l’Eau a été motivée par l’entrée du Burundi dans l’ l’initiative du bassin du Nil né en 1999. Tout le monde se posait la question de savoir le ministère en charge de cette ressource au Burundi.

En 2008, le ministère de l’Eau, de l’Energie et des Mines a vu le jour. Après, on a constaté qu’on ne peut pas être en même temps utilisateur et gestionnaire. C’est ainsi qu’en 2009, il y a eu création du ministère de l’Eau, environnement, aménagement du territoire et urbanisme.

Que proposez-vous ?

Qu’on restitue le ministère de l’Eau, de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire. Comme nous avons la Politique nationale de l’eau ; le code de l’eau, celui de l’environnement, … il faudrait qu’il y ait un régulateur et un utilisateur. Une autre possibilité est de créer un ministère de l’Eau, de l’Environnement et des Ressources Naturelles.

Que nos décideurs comprennent que sans la protection de l’environnement, le développement durable devient utopique.

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