Le Burundi a un nouveau gouvernement. Cinq nouveaux visages y sont entrés. Un seul ministère fusionne encore l’environnement, l’agriculture et l’élevage. Une mauvaise option, selon des environnementalistes. Rencontre avec Albert Mbonerane, environnementaliste et ancien ministre de l’Environnement.
Avec le nouveau gouvernement, nous avons toujours l’environnement et l’agriculture dans un même ministère. Votre réaction ?
Quand j’ai appris qu’il y avait un nouveau gouvernement, la première chose que j’ai faite est de chercher à savoir si on avait séparé le ministère de l’Environnement de celui de l’Agriculture et de l’élevage. Mais, avec désolation, j’ai trouvé que rien n’a été changé. Et ce ministère existe depuis le 19 avril 2018. Il est très difficile de savoir pourquoi cette combinaison. L’environnement et l’agriculture sont quasiment incompatibles.
Pourquoi?
En 2009, il y a eu la politique nationale de l’eau. C’est quand on a vu qu’il y avait des ministères qui utilisent l’eau plus que les autres. Ce sont notamment le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage et celui de l’Energie. Ils ont alors dit qu’il faut séparer les rôles afin qu’il y ait un régulateur, celui qui doit juger si un projet agricole correspond bien aux normes de la protection de l’environnement. Parce que s’il y a une dégradation de l’environnement, c’est une perte pour tout le monde. Maintenant, c’est déplorable. Il y a un nouveau code de l’environnement qui date de mai 2021. C’est là que j’ai trouvé qu’il y a une certaine incompréhension.
Comment ?
Son article 84 stipule que les prises d’eau dans les cours d’eau, les nappes souterraines et les lacs à des fins agricoles peuvent être règlementées conjointement par les ministres de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’eau. Cela fait donc trois ministres.
Ce qui signifie ?
Par exemple, quand on veut construire un barrage d’irrigation, le ministre de l’Agriculture doit normalement demander l’autorisation au ministre de l’Environnement. Or, aujourd’hui, nous n’avons qu’un seul ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage. Et dans ce cas, le mot ‘’conjointement’’ ne convient plus. C’est vraiment un quiproquo, il faudrait changer.
Au niveau de l’administration chargée de l’environnement, il est vrai que depuis 2009, il y avait un ministère de l’Eau, de l’Environnement, Aménagement du territoire et de l’Urbanisme. On voyait que le mot ‘’eau’’ ressortait parce que la ressource eau est capitale pour la préservation de la vie. Désormais, on a le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage. On ne voit pas facilement où se trouve la gestion de l’eau.
Aussi au niveau des terres. Quand on doit donner des parcelles, on doit se référer à la direction générale de l’aménagement. Mais quand tout est coincé dans un ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, on se pose la question de savoir qui va prendre les décisions, qui va alerter en cas d’attribution contraire aux normes environnementales.
Mais nous gardons espoir, car ce n’est pas trop tard. Il faudra que les plus hautes autorités comprennent qu’aussi longtemps que le ministère de l’Environnement sera collé à celui de l’Agriculture, la priorité restera accordée à cette dernière.
Avez-vous des preuves montrant que la priorité est aujourd’hui accordée à l’agriculture en défaveur de la protection de l’environnement ?
Cette année, il y a eu des journées mondiales ou nationales qui ont été presqu’oubliées. Le 22 mars de chaque année est la journée mondiale de l’eau. Cette année, je n’ai pas entendu parler de la ressource eau. Idem pour le 22 avril qui est la journée mondiale de la Terre, depuis 1970. Le 5 juillet, c’est la journée mondiale de l’environnement. Et encore le 22 juillet, depuis 2005, c’est la journée nationale du lac Tanganyika.
Quelle est l’importance de ces journées ?
Ce sont des occasions de sensibilisation pour souligner l’importance des droits de la Terre, de l’eau, les droits environnementaux, les droits du lac Tanganyika, etc. Car la personne humaine a besoin de ces ressources pour sa survie. Aujourd’hui, la terre continue à crier au secours.
Existent-elles des conventions internationales qui recommandent que le ministère de l’environnement doive être à part ?
Je reviens seulement sur trois conventions : la convention des Nations Unies sur les changements climatiques, la convention cadre des Nations Unies sur la biodiversité, et celle sur la désertification. Quand vous lisez bien ces textes internationaux qui régissent l’environnement, on montre très bien qui fait quoi.
Ces conventions ont été mises en place parce qu’on avait constaté en 1992, à Rio de Janeiro au Brésil, que si les pays ne se mettent pas ensemble pour bien gérer la terre, la biodiversité, les choses risquent de se dégrader.
En 1972 a eu le premier sommet sur l’environnement, à Stockholm en Suède. A l’époque, on avait déjà mis l’accent sur la protection de l’environnement.
Certains pays en ont pris conscience, y compris le Burundi. En 1989, il y a eu le ministère de l’Environnement, Aménagement du territoire et du Tourisme.
Depuis l’indépendance, tout ce qui est forêt, eau et pêche faisait partie du ministère de l’Agriculture et de l’Environnement. Mais les mots ‘’eau et forêt’’ ne sortaient pas.
Avec cette fusion, est-il facile de participer dans des conférences internationales ?
Une anecdote. En 2005, il y a eu une conférence à Kampala dans le cadre de l’Initiative du Bassin du Nil. J’étais encore au gouvernement. On avait invité les ministres de l’Eau.
Quand nous sommes arrivés là-bas, nous étions deux ministres. J’étais le ministre de l’Environnement. Dans le code de l’environnement, il y a un secteur sur l’eau, les terres et les forêts. Je me disais donc que je suis ministre de l’Eau en tant que ressource. Mais mon collègue de l’Energie et Mines, lui aussi, pensait qu’il était ministre en charge de l’eau vu que la Regideso était de son ressort.
Quand nous nous sommes présentés, ils ont dit que cela ne marche pas. Il faudrait que l’eau apparaisse.
C’est ainsi que grâce à un plaidoyer qui a été fait via le forum de la société civile du Bassin du Nil, le gouvernement a compris que c’était nécessaire qu’il y ait un ministère de l’Eau, de l’Energie et des Mines en 2007. Quand nous sommes retournés au Kenya, toujours pour l’Initiative du Bassin du Nil, nous avons dit que nous avons cette fois-ci ce ministère. Et ils nous ont dit : ‘’C’est un bon pas, mais cela ne marche pas non plus.’’
Pourquoi ?
Si on est ministre de l’Eau, de l’Energie et des Mines, et que demain on veuille construire un barrage hydroélectrique, à qui est-ce qu’on va demander l’autorisation ? Cela doit être un autre ministre. Il ne peut pas écrire une lettre à lui-même pour dire qu’il marque son accord. Et le plaidoyer s’est poursuivi. Et, en janvier 2009, il est apparu le ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire, etc. Malheureusement, tout a été cassé le 19 avril 2018. Si on visite les autres pays de la région, c’est rare que l’on trouve que l’on a combiné les trois secteurs.
Quelle est la situation dans d’autres pays ?
Si vous allez en Egypte, vous allez trouver the « ministry of water and irrigation ». Idem en Tanzanie et au Kenya. Le mot ‘’eau’’ apparaît.
Dans toutes les conférences, on nous dit que l’agriculture est le premier destructeur de l’environnement. Parce que pour l’agriculture, la priorité est la production et la sécurité alimentaire. Pour ce, on a besoin des terres, de l’eau et des ressources naturelles. Par conséquent, il faut un régulateur qui rappelle au respect et à la protection de l’environnement, etc.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze
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L’eau en tant que resource naturelle c’est un bien commun pour toute la population et doit etre geree de maniere a assurer les besoins pour les generations actuelles et futures. C’est pour cela qu’elle doit etre geree par un organisme independant des autres ministeres qu’ils l’exploitent afin d’assurer la gestion equitable dans l’utilistaion de cette rare resource. Quand par exemple le ministere de l’agriculture veut construire un barrage d’irrigation, il ne tient pas compte des autres besoins quant a l’utilisation de l’eau (eau pour la consommation humaine et animale, eau pour l’industrie, eau pour la production de l’energie, eau pour l’environnement (environment flows), pour les loisirs, etc.). C’est la meme chose pour les autres secteurs, ils ne regardent que leurs besoins et ignorent completement d’autres secteurs utilisateurs de l’eau. Ailleurs (dans certains pays de la region) il ya un organe independant de gestion de la resource en eau qui delivre les permis d’exploitation (water permits) pour les autres secteurs qui utilisent l’eau pour veuiller a ce qu’il y ait une harmonie et une gestion rationnelle de la resource et aussi eviter les comflits lies a l’utilisation de l’eau. Imagnez vous mettre ensemble le ministere de l’eau, de l’energie et des mines, l’exploitation des mines le premier pollueur des cours d’eau et lacs par la production des sediments. L’agriculture avec le seul objectif d »accroitre la production agricole recours a l’utilisation accrue des engrais chimiques et des pesticides qui detruisent l »environnmenet et la biodiversite toute entiere (toute la chaine alimentaire est affectee, et on met ensemble l »environnement et l »agriculture c’est vraiment une catastrophe dans les annees a venir). Bref, a mon humble avis, l’environnment et toutes les resources naturelles (eau, terre, forets, etc.) doivent etre gerees par des organismes independants pour assurer leur utilisation rationnelle tenant compte des besoins actuelles et futures pour les generations a venir.