A la veille des élections de plus en plus compromises avec des allégations de fraudes par la CENI au nom du pouvoir, on peut se demander à qui profiterait l’exode d’une partie de l’électorat parmi lequel se trouvent principalement des électeurs ou sympathisants des partis de l’opposition et/ou des membres de la société civile résolument hostiles à un éventuel troisième mandat du président actuel ?
On s’y attendait : le Burundi est désormais entré dans une période de turbulence dont personne ne peut prédire l’amplitude et la durée. Si la police peut se féliciter d’avoir démontré une certaine capacité d’encadrer ou d’empêcher une manifestation, elle pourrait, en son nom propre et au nom du pouvoir, avoir raté une occasion dorée de prouver qu’elle est, collectivement, une force politiquement neutre conformément à la Constitution.
Le fait que la police a démontré qu’elle était relativement préparée et parvenue à disperser dans la violence sans toutefois empêcher une manifestation contre la candidature du président actuel à sa succession qu’il n’a pas encore lui-même officiellement annoncée n’est pas une preuve que la raison d’être de cette manifestation n’a pas le soutien du public.
La confrontation entre la police et les manifestants risque d’être une démonstration par absurde pour le parti au pouvoir. En effet, le fait qu’elle a pu disperser une manifestation organisée par un nombre de partis de l’opposition et la société civile quelques jours seulement après la tenue par le parti au pouvoir de sa propre manifestation sans être inquiété par la police n’est pas une preuve d’un soutien populaire éventuel à la candidature du président actuel à sa propre succession. Une chose qui est sure est la paralysie de la vie habituelle de la capitale qu’une catégorie discrète de la population qui en a les moyens a déjà désertée ou fuie vers des refuges temporaires y compris à l’étranger sous le spectre d’une violence longtemps annoncée.
Si elles sont confirmées, les allégations de présence d’Imbonerakure armés ou d’autres agents provocateurs, les arrestations et l’usage de la force par des membres de la police contre des manifestants pacifiques est un affront qui va dans le sens d’une escalade possible de la violence entraînant le départ pour les uns ou le retour pour les autres sur le chemin de l’exil, paradoxalement sous un pouvoir essentiellement issu d’une rébellion armée.
Dans la recherche d’une victoire par défaut, si tu pars je gagne, si tu restes je perds …
A la veille des élections de plus en plus compromises avec des allégations de fraudes par la CENI au nom du pouvoir, on peut se demander à qui profiterait l’exode d’une partie de l’électorat. A l’instar du marché central parti en fumée dont l’importance a été démontrée par son absence, le parti au pouvoir serait à la recherche d’une victoire par défaut dans des élections où les absents n’ont pas toujours tort. Malheureusement, à défaut d’institutions de sondages crédibles, on doit se contenter d’une interprétation empirique proche de la pure spéculation plus basée sur l’appartenance à un parti que sur des intentions de vote quantifiables.
Dans un paysage médiatique où le ping-pong politique entre le parti au pouvoir et l’opposition continue par médias interposés : les informations réelles comme les rumeurs les plus vraisemblables et fantaisistes circulent et sont lancées ou relayées surtout par la RTNB (Radio Télévision Nationale du Burundi) accusée par l’opposition d’être une caisse de résonnance du parti au pouvoir et les médias indépendants accusés en retour par le parti pouvoir d’être tout sauf neutre.
Selon une certaine opinion proche d’une théorie de conspiration, ceux et celles qui ont déjà franchi les frontières nationales pour se réfugier dans les pays limitrophes qualifient cyniquement de larmes d’aigle CNDD-FDD les démarches récentes du pouvoir pour persuader les réfugies de rentrer. Certains prêteraient des intentions au parti au pouvoir de vouloir provoquer des mouvements de réfugiés pour vider temporairement (le temps des élections), le pays d’une partie de l’électorat qui ne serait pas acquis à une réélection du président actuel et de son parti. Une fois les élections terminées et surtout gagnées, le pouvoir se chargerait de les faire rentrer de gré ou de force avec ou sans le concours du HCR et des pays hôtes tous toujours en mal de ressources pour gérer le fardeau lourd de réfugiés à travers le monde. A son tour le parti au pouvoir qui n’aurait pas réussi à persuader les réfugiés de rentrer, allant jusqu’à fermer les frontières pour empêcher les gens de fuir le pays accuserait, sans toutefois convaincre, les partis de l’opposition, et la société civile d’être la cause de ces départs et du refus de rentrer, à travers les informations relayés par les médias indépendants.
Tandis que pour les uns et les autres la lutte fait rage pour la conquête ou la rétention du pouvoir, malgré des voix multiples qui ne cessent pas de s’élever et des initiatives multiples entreprises ici et là pour éviter l’irréparable, l’érosion des acquis du processus d’Arusha continue dans une sorte de marche politique en arrière dont on ne veut cependant pas franchir certaines étapes ou arriver aux points de départ cauchemardesques.
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A propos de l’auteur
Gervais Marcel Cishahayo est un membre de la diaspora burundaise depuis les années 1970s et établi à Malte, UE. Professeur, consultant sur les questions relatives à l’éducation, la géophysique, les NTICs, la diplomatie et les relations internationales, il est l’auteur d’articles d’analyses et de contributions diverses dans les médias sur l’immigration, la sécurité et l’intégration régionale. Avocat de la bonne gouvernance démocratique bien connu des milieux politiques et académiques et n’ayant jamais adhéré officiellement à aucun parti politique depuis les années 1980s, il est l’auteur d’une thèse d’analyse de la dimension de la sécurité de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) présentée à l’Académie Méditerranéenne d’Etudes Diplomatiques de l’Université de Malte.
Parmi ces absents, il faut, en plus des réfugiés, compter les prisonniers. On commence à en avoir beaucoup; les futures manifestations vont encore gonfler le nombre. Je pense avec effroi qu’il va falloir y ajouter également des morts. Non ! Nos chefs ne sont pas machiavéliques au point de penser qu’ils peuvent gagner les élections par la politique de la terre brûlée.
Il est vrai que les pro-Nkurunziza campent malgré tout sur leur fameux 3è mandat illégitime devant évidemment une Opposition décidée mais incapable par ailleurs de faire front commun. Il y a également la population qui est trop sollicitée ou agressée politiquement qu’elle ne sait plus à quel Saint se vouer tandis que les leaders de la Société civile et monde médiatique semblent en revanche avoir confiance en eux-mêmes et en l’avenir du Burundi mais peinent à voir la lueur de l’Espoir dans tout ce brouhaha. Mais par dessus tout cela, je pense que nous devrions être optimistes car ce n’est pas parce que choses se corsent aujourd’hui que nous devons absolument s’attendre au pire ou à l’irréparable demain. Qui sait que ça ne peut changer à la toute dernière minute et avoir des élections apaisantes et conciliantes pour tous? Soyons alors optimistes! None ntimubona ko Nkurunziza aguma yitwengera kandi azi neza ko nawe ageramiwe, none ni kuki twebwe abanyagihugu twokwiheba? …
L’exode d’une partie de l’éléctorat profiterait à ceux qui ne veulent pas qu’il y ait élection et souhaitent soit une transition, soit un chaos dans lequel interviendrait une puissance régionale(suivez mon regard!) à leur profit!