Sans tenir compte d’un éventuel troisième mandat de l’actuel Président, je focaliserai toute mon attention sur les élections législatives. Si aucun parti politique ne parvient à obtenir plus de 50 % — scénario idéal — ou 2/3 des sièges de l’Assemblée nationale, cela sera, à mon humble avis, une très bonne nouvelle pour notre jeune démocratie consociative. En effet, on aura garanti la préservation de l’esprit de l’Accord d’Arusha — c’est-à-dire la mise de l’avant de la gestion de la chose publique par consensus —, et ce, peu importe celui qui gagnera l’élection présidentielle.
À partir de mai prochain, le Burundi connaîtra un marathon électoral qui débutera le 26 du même mois par les élections des députés et des conseils communaux pour s’achever le 24 août 2015 par celles des conseils des collines et des quartiers. Nous approchant à grands pas de ce marathon électoral qui nous permettra de reconduire en tout/en partie ou de remplacer en tout/en partie nos représentants dans les différentes institutions, un dilemme, sous forme d’interrogation m’habite : au vu de la structure de nos différentes institutions — l’exécutif et le législatif en particulier —, au vu des rôles et des pouvoirs qui leur sont dévolus par la Constitution, quelle est l’échéance électorale la plus cruciale dans une optique des « check and balances » (le pouvoir qui doit arrêter le pouvoir)?
Autrement dit, entre le scrutin présidentiel et législatif, lequel m’interpelle le plus dans une optique d’équilibre de pouvoir et de préservation du système politique consociatif hérité des accords de paix d’Arusha? Par ailleurs, par cette interrogation, je ne minimise pas l’importance des autres scrutins. Cependant, étant donné que les deux institutions sont au centre de la gestion de la chose publique, il m’apparaît que les échéances électorales y relatives méritent plus d’attention que celles relatives aux élections communales ou collinaires. Ceci étant dit, pour répondre à mon interrogation de départ, je juge, avant tout, nécessaire d’exposer brièvement le principe de « séparation des pouvoirs et des check and balances », car c’est ce dernier qui est au centre de ma réflexion (à tort ou à raison).
Dans une démocratie, le principe de séparation des pouvoirs répartit le pouvoir de l’État en confiant ses diverses fonctions à savoir les fonctions législative (faire des Lois), exécutive (mettre en œuvre des Lois) et judiciaire (application des Lois) à des institutions distinctes. Selon Montesquieu, l’idée inhérente à cette séparation est que le pouvoir concentré menace la liberté individuelle. Autrement dit, si les institutions qui exécutent la Loi sont libres de la constituer (d’agir de manière législative), et de punir (d’agir de manière judiciaire), qui les empêcherait d’en abuser? C’est ainsi que Montesquieu affirme que tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) (1).
De surcroît, James Madison (2) ajoute que pour rendre effective la séparation des pouvoirs, il faut l’invalider en partie par des « check and balances ». Donc, la présence d’une séparation des pouvoirs ainsi que des checks and balances dans une Constitution est le garant des libertés. Dans le cas contraire, on ne pourra prévenir la tyrannie.
(…) Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement (3) (…)
Dans le cas du Burundi, le principe de séparation des pouvoirs et des checks and balances se reflète dans la Constitution. D’un côté, une distinction claire est faite en ce qui a trait aux pouvoirs respectifs des deux institutions (art.107 à 115 et art.131 à 132 pour l’exécutif et art.158 à 159; art.187 à 191 pour le législatif). Aussi, le principe de « check and balance » est présent (art.192 et art.194 à 204). De plus, je pense que le principe inhérent au seuil exigé pour voter les Lois (art.175 et art.300) est celui des « check and balance » dans ce sens que ce seuil vise à établir une démocratie consociative ou de consensus (4) afin de protéger et rassurer les minorités. Autrement dit, l’exécutif ne peut espérer faire adopter une Loi qui ne reflète pas un consensus . Rappelons que le projet gouvernemental de révision de l’actuelle Constitution a été rejeté grâce au seuil requis à l’article art.300.
Malgré le fait que la Constitution burundaise garantisse en grande partie la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, il n’en demeure pas moins que cela ne s’est pas concrétisé avec la législature de 2010. Une simple observation des différents travaux de la législature actuelle nous le démontre. En effet, le consensus recherché dans l’esprit de l’Accord d’Arusha, par la mise en place du quota de 2/3 requis pour ce qui est du quorum ainsi que de l’adoption des Lois, ne s’est pas concrétisé. Cela a été une des conséquences du boycottage du scrutin législatif de 2010 par la plupart des partis politiques. Personnellement, je pense que l’option de la chaise vide était une erreur stratégique qui a eu de lourdes conséquences dans la gestion de la chose publique. En conséquence, la ligne de parti (5) étant de rigueur et le CNDD-FDD possédant à lui seul le nombre de députés requis pour ce qui est du quorum ainsi que de l’adoption des Lois, on a assisté à un mariage « incestueux » entre l’exécutif et le législatif qui a amené, à mon humble avis, à la promulgation de différentes Lois « non consensuelles » (la Loi sur la presse, la Loi sur la commission vérité et réconciliation, etc.).
Donc, pour éviter que la législature de 2015 ressemble à celle de 2010 et sans tenir compte d’un éventuel troisième mandat de l’actuel Président, je focaliserai toute mon attention aux élections législatives. Si aucun parti politique ne parvient à obtenir plus de 50 % — scénario idéal — ou 2/3 des sièges de l’Assemblée nationale, j’aurai gagné mes élections.
Dans le cas contraire, c’est-à-dire si la prochaine législature ressemble à celle de 2010 où il y aurait un parti politique qui remporte plus de 2/3 des sièges à l’assemblée nationale et en même temps gagne l’élection présidentielle, je suis d’avis que le Burundi se dirigerait tout droit vers une concentration des pouvoirs dans les mains de l’exécutif , et par ricochet un risque de tomber dans la tyrannie. N’est-ce pas James Madison qui affirmait que l’accumulation de tous les pouvoirs chez un individu, quelques individus ou plusieurs, qu’il soit héréditaire, autoproclamé ou élu, est à juste titre la définition même de la tyrannie?
Pour conclure, vu les défis que le mariage « incestueux » entre l’exécutif et le législatif soulèvent, je crois modestement qu’il serait judicieux d’accorder une attention particulière aux élections législatives comparativement à l’élection présidentielle. En s’assurant qu’aucun parti politique ne puisse obtenir plus de 50 % ou 2/3 des sièges à l’Assemblée nationale, cela sera une très bonne nouvelle pour notre jeune démocratie consociative : l’exécutif — en l’occurrence le président — sera forcé de gouverner par consensus. On aura prévenu que l’exécutif ne puisse abuser de son pouvoir, car je suis d’avis avec Montesquieu que pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Autrement dit, on aura garanti la préservation de l’esprit de l’Accord d’Arusha — c’est-à-dire la mise de l’avant de la gestion de la chose publique par consensus —, et ce, peu importe celui qui gagnera l’élection présidentielle.
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1. Montesquieu (1995), De l’Esprit des lois, Tome 1, Gallimard, page 328.
2. Architecte de la Constitution américaine et ancien président des États-Unis.
3. Montesquieu (1995), De l’Esprit des lois, Tome 1, Gallimard, page 328.
4. Certains pourraient s’inscrire en faux, avec raison, contre cette affirmation vu les différentes lois non consensuelles qui ont été votées depuis les dernières élections. À ceux-là, je répondrai que si la plupart des partis politiques n’avaient pas opté pour le boycottage du scrutin, ces Lois n’auraient probablement pas vu le jour.
5. Position définie par un parti politique et liant chacun de ses élus ou ses militants.
Bonne analyse et documentation!
Il ne vous reste qu’a murir et approfondir vos expertises!
Juste une chose: Il ne suffit pas d’avoir un parlement pour disposer d’un pouvoir legislatif car au Burundi, un depute est comme un ministre, il est nomme par le parti et au parti, c’est souvent la dictature d’un homme ou d’un petit groupe!
Tu oublies que c’est Duwarudo, un tUTSI, qui avait presente le projet de modification de la constitution qui allait enterrer les accords d’Arusha?
Se rappelle-il son ethnie ou penses-tu qu’il est aussi bete pour ne pas comprendre les consequences de ce projet de constitution sur son pays?
Mais lui, il se disait tout simplement que si jamais il n’execute pas les ordres, il sera remercie et quelqu’un d’autre le fera a sa place!
Ensuite avoir 2/3 ou pas au parlement ne suffit absolument aucune chose car les differentes parties peuvent toujours s’unir pour voter pour ou contre un projet!
C’est pourquoi il fallait renforcer la notion de representativite dans nos institutions!
Cette constitution a ete faite a la hate et devrait etre amelioree pour refleter l’esprit des accords d’Arusha, les regles de bonne gouvernance et d’Etat de droit!
Car certaines des dispositions prevues par cette constitution ont ete herites des regimes precedents et ne donnent aucune chance a une jeune democratie de grandir, je cite comme exemple les pouvoirs exhorbitants du President de la republique!
On a aussi besoin des organes regulations independants du gouvernement et d’une place constitutionnelle pour le chef de l’opposition, qui devrait etre officiellement reconnu et disposant access aux grands dossiers du gouvernement!
je sais que ryumeko essaie d’eveiller les espprits de certains,jusqu’à memes sensibilisre pour des cotisqtions afin d’empecher de gré ou de force la victoire du cndd fdd.que ce soit au nivequ des miluitqires et ex fab et certqins de lq societé s’orgqnisent en block en consequence. vous savez que la revision de lq constitution a eté rejeté par ceux meme qui l’avait mis en place avant 2005 et qui ont refusé sa revision en 2012 sous pretexte de ne pas donner le mandat à peter. c’est ça les enjeux politique
Cher Mr Ryumeko,
Je commence en vous remerciant pour votre analyse intelectuelle qui nous pousse à ce que nous reflechissions pour l`avenir politique de notre pays, Cependant, Je constate que vous elaborez des theories qui sont applicables ( à mon humble avis) dans un pays où la democratie, l`etat de droit, la justice, ont pris RACINE. La réalité sur le terrain Burundais (ni jungle)!! vous dites que (Si aucun parti politique ne parvient à obtenir plus de 50 % — scénario idéal — ou 2/3 des sièges de l’Assemblée nationale, j’aurai gagné mes elections). Honorable Radjabu et ses deputes NTIBABAFUSE?? lol des elus du peuple bagafutwa pee bigahera!! Demain quelle guarantie avons nous que Bitosubira kuba?? Nos pays africains, ont la pluspart des Presidents qui accèdent au pouvoir soit par un coup d’état, succession dynastique, ou par des elections passablement democratique … (Ako kantu kigikenye n`iterabwoba) aujourdhui ni ba General hier bari ba Colonel, cette militarisation du pouvoir niyo yishe la plupart de nos jeune democratie!!
Juste un autre petit example pour vous montrer à quel point le pouvoir legislatif ( ataco ivuze des fois), Lors du vote de Honoralble Busokoza la grande majorite bo muri Cndd bari bamwanse mugatondo lors du vote mais quand l`ordre est venu D`en HAUT!! vyagenze gute?? lol Urugendo rurucari rurerure mon frère mais inzira ni nziza!!! (uravye iyo Rwagasore na Ndadaye batanguriye)
Merci encore une fois de ton article ce fut un plaisir de te lire!!
VOUS APRECIEZ LES ACTES DES DES GENS QUI NE SONT PLUS ALORS QUE A LEUR REGNE MWABARWANYA . NI KANGAHE NDADAYE YISWE IKINYAMWANIRA?RWAGASORE NTIYISHWE NABAGENZI WE,! IVYANYU VYARAMENYEKANYE
Il a raison en partie même si son article prend fin de manière brusque, alors que l’on s’attendait à une démonstration complète.
A la prochaine mon ami
Kibwa
Théoriquement, les préceptes de gouvernement démocratique énoncés dans votre analyse sont corrects. Cependant, et comme vous l’avez si bien souligné, les principes sur papier ne se conforment pas malheureusement à la réalité. Tout d’abord, votre analyse prend pour hypothèse, à tort à mon humble avis, que les différents acteurs politiques sont sincères dans leur volonté de jouer le jeu démocratique. Et surtout, que l’électorat est constitué de gens éclairés et avisés qui connaissent bien les règles de ce jeu démocratique. Ce qui est loin d’être le cas, pour les deux hypothèses. Je dirai qu’à ce stade de notre évolution, nous ne pouvons que constater que les principes que vous énoncez sont plutôt des idéaux à atteindre. Par définition, la démocratie consociative, régime qui favorise la prise en compte des diverses communautés, parie en grande partie sur le dépassement de ces dernières. Actuellement, l’incapacité d’amener le dépassement des communautés pour s’assurer du respect de la volonté générale résume assez bien la situation dans laquelle se trouve notre pays aujourd’hui. Ne vous méprenez pas. Ce ne sont pas tant les institutions ou les lois qui manquent. L’effet de contrebalance des différents pouvoirs était déjà inscrit dans les principes consitutionnels de l’Accord d’Arusha ainsi que la loi fondamentale qui s’inspire de cet Accord. Les lois anti-corruption ont été votées en masse ces dernières années, pourtant la guerre contre les détournements de deniers publics est en passe d’être perdue. C’est l’absence de volonté des uns et des autres qui minent le développement, tant économique que politique. Je ne conclurai pas pour autant à l’échec de cette forme de démocratie. Je dirai seulement que nous sommes encore loin du compte. Je constate que notre classe politique actuelle n’est pas à la hateur du défi posé. C’est un fait. D’un bord comme de l’autre de l’échiqier politique. Tant et aussi longtemps que la politique sera perçue par certains de nos concitoyens comme la voie la plus rapide pour assouvir leurs désirs personnels cachés, nous aurons beau avoir nombre de préceptes, aussi louables que les vôtres, que cela sera insuffisant. La politique va bien au-delà de la pratique du pouvoir et des luttes qu’elle engendre. Certains portent à croire que le prétendu projet gouvernemental de révision de la Constitution aurait été déraillé à la dernière minute par quelque subterfuge et non par conviction. Tristement. Notre pays est encore très jeune, point de vue maturité politique. L’électorat n’est pas assez sophistiqué pour exiger de nos partis politiques des projets de société sérieux. Nos soit-disant leaders politques en profitent pour manipuler les électeurs à leur guise. Nous pouvons nous offrir pour quelque temps encore le luxe de commettre quelques erreurs de parcours. L’apprentissage passe inévitablement par là. La dernière manifestation du peuple souverain à l’occasion de la libération du Directeur de la Radio des Sans Voix donne peut être quelques raisons d’espérer. A entendre les commentaires de plusieurs personnes sur ce sujet, cette manifestation était inédite. Elle témoigne peut être de l’amorce d’un changement profond dans notre société qui nous permettra de dépasser nos clivages. Si politique rime avec organisation de la société, alors nous avons besoin de leaders passionnés pour façonner et développer cette collectivité. La politique doit nécessairement attirer les meilleurs talents de ce pays pour y parvenir. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. C’est tout à fait le contraire. We have serious problems and we need serious people!
Cher Iwacu,
Pas tout à fait compris la morale de cette histoire !
Reflexion très intéressante et très pertinente à la veille des élections. Permet moi cependant de faire remarquer qu’une telle configuration prendrait tout son sens et trouverait meilleure application dans un contexte d’élections libres et transparentes, précédées par un climat mettant tous les challengers politiques sur un même pied d’égalité et ou seuls les projets de société s’affronteraient les uns les autres. Cela semble être loin de la réalité actuelle.
L’électeur de Murwi, est-il au courant de ces stratégies ?