Alors que le monde entier célèbre la journée mondiale de l’hygiène menstruelle, le 27 mai, certaines filles et femmes burundaises utilisent encore des bouts de tissus pendant leurs règles. Grâce Françoise Nibizi, directrice de l’ONG Sacode qui promeut l’hygiène menstruelle, explique les défis, lors ‘un entretien.
Quel état des lieux de l’hygiène menstruelle au Burundi ?
Plus de 95 mille filles qui sont sur le banc de l’école n’ont pas accès aux serviettes hygiéniques. Au Burundi, ce manque d’accès aux serviettes hygiéniques est l’une des principales causes d’abandon scolaire chez les filles, selon une étude de l’Unicef.
L’absence d’information sur ce sujet est aussi un grand problème. Elles ne savent pas quand, comment et pourquoi elles ont leurs menstruations, Comment faut-il se comporter dès ce changement dans leur vie. Ce qui favorise d’ailleurs les grossesses en milieu scolaire.
Il faut que tous les acteurs de développement du pays soient conscients que la scolarisation de la fille est très importante car les études ont montré que si, au moins dans chaque ménage, il y a une fille qui parvient à finir ses études, elle peut sauver toute la famille. Ce qui n’est pas évident pour un garçon. C’est rare qu’un homme s’intéresse à revenir chez ses parents pour constater leurs conditions de vie.
Donc l’éducation des filles est très importante et incontournable pour le développement d’un pays.
Les organisations comme Sacode fabriquent depuis longtemps des serviettes réutilisables. Pourquoi s’observe-t-il encore des filles qui n’ont pas accès aux serviettes ?
C’est l’appui financier qui manque. Certes nous sommes là pour aider ces filles et nous travaillons. Mais il manque un soutien financier pour pouvoir distribuer les serviettes à un grand nombre possible.
Les organisations que vous voyez souvent octroyer des kits de serviettes aux filles démunies, c’est nous qui les fabriquons. Ils nous donnent des moyens pour le faire. Mais il faut que d’autres organisations s’y mettent, nous donnent l’appui financier.
Nous ne sommes pas capables de mobiliser autant d’employés et d’acheter les matières premières pour fabriquer les serviettes hygiéniques à distribuer gratuitement.
Il y a quand même des organisations qui sont en train de s’activer pour offrir des serviettes hygiéniques aux filles en milieu scolaire. Elles ont compris que c’est un objet indispensable pour garder les filles sur le banc de l’école. En outre, elles ne peuvent pas prêcher « l’éducation pour tous » sans prendre en considération les besoins spécifiques des filles.
Qu’est-ce qui devrait être fait pour offrir à toutes les filles l’accès aux serviettes hygiéniques ?
C’est une question que j’aime beaucoup. Il faut, avant tout, supprimer ou revoir la taxe sur les serviettes hygiéniques pour qu’ils coûtent moins cher. C’est ridicule de voir que les serviettes importées sont taxées comme un produit de luxe. Ce n’est pas du tout un luxe. C’est un produit de besoin primaire, et partant incontournable dans la vie de toute fille et femme.
Si l’Etat ne peut pas détaxer complétement les serviettes, il faut au moins diminuer la taxe. La serviette importée qui coûte aujourd’hui 3.000 BIF coûterait la moitié ou moins.
Il faut qu’à chaque rentrée scolaire, à l’instar du matériel scolaire aux élèves démunis, l’on distribue, en même temps, aux filles le kit de serviettes hygiéniques pour les 9 mois scolaires.
Une organisation qui distribue le matériel scolaire sans les serviettes ne fait rien pour les filles. Cela devrait être automatique. A défaut de serviettes importées, une serviette lavable, que Sacode fabrique, de 10 mille BIF peut durer toute une année.
Le tabou autour des menstruations ne constitue-t-il pas aussi un défi ?
Il y a quand-même une avancée sur ce point. Les menstruations ne sont plus un sujet tabou dans certains milieux ruraux. Les gens ont compris que parler des menstruations n’est pas une dépravation de la culture. C’est très important!
Aujourd’hui, les femmes et filles qui n’ont pas les moyens de s’offrir des serviettes hygiéniques, qui souffrent d’infections et autres, osent et savent où aller demander de l’aide.
Jadis, l’on disait qu’une fille qui a ses règles ne peut pas s’approcher des vaches, ne peut pas boire du lait, etc. Elle était considérée comme impure, sale. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Du moins là où j’ai observé, dans les huit provinces où Sacode opère. Il y a une légère évolution car les religieux et les leaders communautaires sont fortement impliqués dans les sensibilisations.
Propos recueillis par Clarisse Shaka