Plus de 500 mille filles en milieu scolaire, au niveau national, n’ont pas accès aux serviettes hygiéniques pendant leurs menstruations. Une campagne demandant l’exonération des serviettes importées est en cours.
Morceaux de matelas, de tissus, des feuilles de banane… en guise de serviettes hygiéniques. Certaines filles/femmes, en désespoir de cause, y ont recours, faute de moyens.
« Chaque mois, je déchire des bouts de matelas, les utilise et les réutilise, pendant mes règles… » R.K., 16 ans, de la zone Buterere, confie s’absenter souvent à l’école pendant sa « période rouge », par peur de tâcher son uniforme.
Une dizaine d’autres filles rencontrées à Buterere dont l’âge est compris entre 14 à 17 ans, affirment qu’elles n’ont jamais utilisé de serviettes hygiéniques.
Démunies, elles sont contraintes de déchirer des pagnes usées. Ou carrément porter deux jupes, deux sous-vêtements… « Quand je lave un bout de pagne, je dois rester à la maison jusqu’à ce qu’il soit séché », confie l’une de ces élèves.
Exonération des serviettes importées, meilleure solution ?
Le collectif de blogueurs Yaga a lancé une campagne afin de plaider pour la détaxation des serviettes importées qui coûtent 2.000 BIF.
Sur les banderoles tenues par quelques jeunes femmes de ce collectif qui circulent sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, l’on peut lire que sur 3,5 millions de Burundaises concernées par les menstruations, 80% n’ont pas accès aux serviettes hygiéniques.
Pour Nicole Uwimana, directrice de l’entreprise « African Woman in action » qui fait la promotion de l’hygiène menstruelle, la détaxation n’est pas une solution optimale.
D’après elle, l’exonération aiderait certes. Mais la meilleure solution estla mise en place d’une politique de distribution gratuite en subventionnant les serviettes lavables et réutilisables, naturelles, produites localement. Un paquet de 5 serviettes coûte 10 mille BIF, utilisable pendant un an environ.
Mme Uwimana estime qu’il serait difficile de subventionner les serviettes importées utilisées couramment. « Elles sont chères et polluent l’environnement, fabriquées à base de produits chimiques».
L’Etat se dit « conscient » du problème…
« Si le chiffre de 80% des filles qui n’ont pas accès aux serviettes hygiéniques est réel, ce serait horrible », déplore le président dela Commission parlementaire chargée des affaires sociales, Adolphe Banyikwa. D’après lui, si cela nécessite l’exonération pour l’accès à tout le monde, rien n’empêchera de discuter avec le ministère habilité.
« Nous n’avons pas encore vu un projet de loi gouvernemental qui demande l’exonération.» Si ce projet est proposé, le parlement va l’étudier, selon lui. « Car l’hygiène passe avant tout ».
La directrice générale de la promotion de la femme et du genre au ministère des Droits de l’Homme, Donatienne Girukwishaka, a refusé de s’exprimer sur cette campagne de détaxation. « Le ministère n’a pas été associé ni informé».
Elle indique toutefois que le ministère est conscient du problème de l’accès aux serviettes hygiéniques. Elle évoque une distribution des serviettes réutilisables dans la province Bubanza en 2017.
Elle parle également de la journée internationale de la fille célébréechaque 11 octobre, le ministère distribue des vivres et non vivres aux jeunes filles dont les serviettes hygiéniques, depuis 2017, selon cette DG.
Quant à la question de la gratuité, Mme Girukwishaka indique que chaque chose a son début. « Nous allons continuer à discuter avec ces filles et voir ce qui est nécessaire.» Un pas franchi, d’après elle : les menstruations ne sont plus une questiontaboue.
D’après une étude menée par l’ONG locale Sacode, 545 mille filles en milieu scolaire n’ont pas accès aux serviettes hygiéniques, au niveau national.