Ces derniers temps, le Centre hospitalier-universitaire de Kamenge appelé hôpital roi Khaled fait face à une grande affluence des femmes venant accoucher. Mais hélas, son service Maternité n’a pas de chambres et de lits suffisants pour pouvoir les accueillir toutes. Dans le couloir du bloc opératoire de la Maternité, des femmes venant d’être opérées sont sur leurs lits dans le couloir. La mère et le nouveau-né sont exposés aux regards de tous les gens qui y passent. Le directeur y va avec son explication.
Nous sommes le samedi 7 décembre 2024 à l’hôpital Roi Khaled dans la commune urbaine de Ntahangwa en mairie de Bujumbura. Les femmes s’entassent ici et là dans le couloir du bloc opératoire de la Maternité à cause du manque de chambres. Il n’y a pas d’intimité pour la mère et le nouveau-né. Des hommes sont assis sur un banc.
A côté, une femme assise dans un fauteuil roulant est en train d’allaiter son nouveau-né. Trois femmes qui ont accouché par césarienne dorment dans le couloir. Celles qui accouchent par voie basse doivent directement rentrer parce qu’il n’y a pas de place pour elles. Il se remarque aussi des garde-malades fatigués puisqu’ils ont été obligés de passer toute une nuit blanche assis, faute de trouver un endroit où s’allonger.
« Il n’y a pas de chambre disponible. Elles sont toutes remplies. C’est pourquoi il y a des lits dans le couloir. Il arrive même qu’elles dorment par terre. L’accouchée que j’ai accompagnée a été opérée hier et maintenant son lit est positionné dans le couloir », témoigne une garde-malade. Et d’ajouter qu’elle est là depuis mercredi. Elle a ainsi assisté à des situations anormales. « J’ai vu des femmes venant d’accoucher par voie basse étaler des couvertures par terre pour dormir à même le sol », rapporte-t-elle.
Une femme assise à côté d’elle raconte ce qui est arrivé à sa belle-sœur la semaine d’avant. « Ma belle-sœur en venant accoucher ici a dû emprunter un petit matelas chez une personne de sa localité hospitalisée ici en Chirurgie interne », dit-elle.
Conformément à la politique de la gratuité des soins pour les mères qui accouchent dans des structures de soins et les enfants de moins de 5 ans, en temps normal, les femmes qui accouchent dorment dans des salles communes prévues à cet effet. Mais, ces salles sont, elles aussi aujourd’hui pleines au CHUK. Une personne passe à peine à travers cette salle. Les autres chambres de la Maternité disponibles coûtent 10 000 Fbu par nuitée.
Un risque pour la santé et le bien-être
L’Association burundaise pour la Défense des droits des malades (ABDDM), trouve cette situation alarmante. Selon son président, Pierre Nindereye, « exposer des femmes récemment opérées et leurs nouveau-nés dans les couloirs de l’hôpital est non seulement une violation flagrante de leur intimité mais aussi un risque pour leur santé et leur bien-être ».
Il fait remarquer que « l’impact sur la santé de la mère et de l’enfant peut être grave car, l’exposition à un environnement non stérilisé et surpeuplé peut augmenter le risque d’infections nosocomiales et de complications postopératoires. De plus, le manque de confidentialité et de calme peut aggraver leurs niveaux de stress et d’anxiété. Ce qui peut entraver leur processus de rétablissement », déplore-t-il
Des grognes
Des grognes de la part du personnel de santé œuvrant dans le service Maternité ne manquent pas. « Les infirmières fâchées disent aux patientes d’aller dans les centres de santé là où elles accouchent en payant de l’argent. », raconte une mère d’une accouchée. Selon elle, les infirmières se plaignent en disant qu’il n’y a pas de chambres suffisantes pour toutes ces femmes. Elles estiment que cela va contribuer à la mauvaise réputation de l’hôpital. « C’est à cause de ça que les gens vont dire que l’Hôpital Roi Khaled n’est plus capable d’accueillir les femmes qui accouchent », murmurent-elles
« Les infirmières demandent aux femmes qui viennent d’accoucher par voie basse de rentrer chez elles. Or, le corps de la femme est traumatisé après un accouchement. Elle a souvent mal au dos et elle est épuisée. Elle court donc le risque d’avoir des complications étant à la maison.» se plaint la mère d’une patiente.
Une population devenue nombreuse
Le directeur général du CHUK, Dr Stanislas Harakandi reconnait que cette situation est bien réelle. L’hôpital reçoit effectivement beaucoup de femmes enceintes. Selon lui, la cause de cette grande affluence serait que « l’hôpital Hope n’applique plus la gratuité des soins pour les femmes qui accouchent et les enfants de moins de 5 ans. Donc, toutes ces femmes viennent maintenant ici. C’est pourquoi les lieux d’hospitalisation sont débordés.Donc, nous dépassons notre capacité d’accueil des patientes », fait-il savoir. Il précise que la population burundaise est devenue nombreuse avant d’expliquer que l’hôpital a été construit quand la population était de 5 millions. Maintenant, elle est à 13 millions. L’Hôpital n’a pas été agrandi au fur et à mesure du temps.
« Les femmes qui viennent accoucher ici savent que nous n’avons pas assez d’espace pour fournir à toutes des lits dans les chambres », souligne-t-il. Il estime que celles qui ont des grossesses sans complication devraient aller dans des centres de santé de Kamenge, Kinama et bien d’autres. « Leurs plaintes comme quoi elles sont mal accueillies ne sont pas fondées car elles constatent elles-mêmes qu’on n’a pas assez d’espace pour toutes ces femmes qui viennent d’accoucher. On n’a pas d’autres solutions pour le moment », insiste-t-il
Il fait savoir que les femmes comprennent très bien la situation. Selon le Dr Stanislas Harakandi, les parturientes trouvent cela normal de voir les lits sur lesquels elles dorment être exposés dans les couloirs. Elles sont conscientes du grand nombre de femmes dans le service de la maternité.
Des séances de sensibilisation
Le directeur du CHUK donne quelques pistes de solutions afin de faire face à cette situation. Selon lui, le ministère en charge de la santé publique devrait organiser des séances de sensibilisation à l’endroit des femmes qui accouchent sans complication de se diriger vers les centres de santé et les hôpitaux de districts sanitaires. « Ici, nous devrions accueillir des cas graves. Mais, tout le monde se dirige ici. On voudrait que les femmes accouchant par césarienne puissent trouver facilement des lits dans lesquels se reposer. C’est comme ça que le surpeuplement des chambres sera combattu ».
Il fait aussi remarquer qu’un projet d’agrandissement de l’hôpital est nécessaire pour remédier à tous ces problèmes.
Le président de l’ABBDM suggère plutôt à cet hôpital de prendre des mesures immédiates pour garantir le respect de la vie privée et de la dignité des malades. Une formation du personnel de santé sur l’importance du respect des droits des malades est aussi nécessaire.
«En fin de compte, tous les bénéficiaires de services et soins de santé, y compris les femmes qui accouchent, méritent d’être traités avec dignité, respect et compassion lorsqu’ils cherchent des soins de santé. L’amélioration des conditions et le respect des droits des patients est essentielle pour garantir des soins de santé de qualité et respectueux à tous », estime-t-il
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