Par Godefroid Ndayikengurukiye*
C’est avec une profonde tristesse que la communauté universitaire a appris le décès d’un de ses aînés, le professeur Stanislas Nsabimana, survenu le 22 janvier 2024. Celui qui, de ses propres dires, connaissait les recoins de chaque coin du pays a rejoint hier sa dernière demeure à l’âge de 80 ans. Même si on le disait souffrant depuis quelque temps, la nouvelle de son décès a eu l’effet d’une bombe dans l’esprit de ceux qui l’ont connu et aimé. Professeur de renom en géographie, en géologie, en géomorphologie et géomatique, il laisse une empreinte indélébile dans le monde académique et au-delà. Le professeur Stanislas Nsabimana laisse orphelins des enfants et des petits enfants, la douleur est immense. Son épouse, leur mère et grand-mère, l’avait précédé il n’y a pas si longtemps.
Sur le plan professionnel, le professeur Nsabimana avait déjà commencé sa paisible retraite après 50 ans de bons et loyaux services au sein de l’Université du Burundi, au département des Sciences Géographiques, de l’Environnement et de la Population, branche de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.Il y commence sa carrière en 1974, après ses études primaires à Vugizo, ses études secondaires au petit séminaire de Mugera, et un cursus académique d’abord à ce qui s’appelait l’Université Officielle du Burundi, une maîtrise en géographie appliquée à l’université de Strasbourg et un doctorat à l’Université de Paris VII en France.
Il faisait partie de la première cohorte de docteurs burundais, et il a enseigné la grande majorité de géographes que connaît notre pays et même de l’Est de la RDC. Avec lui la géographie avait cessé d’être la récitation des pays (indondabihugu) ou encore les études des régions (inyigisho menyeshantara) pour devenir grâce à lui et à d’autres, mais surtout avec son concours, une branche pluridisciplinaire où l’analyse technique de la terre et du globe rencontre celle de l’économie et de la population, pour une meilleure connaissance du milieu, de son aménagement, de sa sauvegarde. Avec ses travaux, il inaugure une autre ère de la géographie : sa thèse portant sur le climat et les sols au Burundi, toposéquence Bugarama-Muzinda, est une approche intégrée où la climatologie, la pédologie, les techniques d’échantillonnage… étaient une entrée en matière dans la problématique de l’érosion.
L’université lui doit l’introduction de nouvelles approches de collecte de données avec les nouvelles disciplines comme la photo-interprétation, la télédétection par imagerie aérienne et satellitaire, ainsi que les premiers cours de systèmes d’information géographiques… techniques actuellement regroupées dans ce qu’on appelle la géomatique. A côté de ces disciplines, il dispensait toujours les cours traditionnels de géologie, de géomorphologie, d’écologie et d’impact environnemental.
Le professeur était aussi un chercheur et il a publié de nombreux travaux dans les domaines de l’aménagement et du suivi écologique. Il dirigeait et/ou collaborait à la confection des mémoires de fin d’études et des thèses des plus jeunes que lui. Il a participé dans nombre de commissions où son expertise était toujours la bienvenue. Cette expertise était en permanence entretenue, puisque le professeur était aussi un éternel apprenant qui n’hésitait pas à effectuer des stages de perfectionnement, même après la soixantaine révolue.
En tant qu’être humain, ceux qui ont connu le Professeur Nsabimana retiendront tous l’image d’un érudit aux multiples facettes. Tel un conteur passionné, il dévoilait les secrets de la Terre avec une éloquence qui captivait ses étudiants et ses collègues. Sa connaissance encyclopédique du pays était légendaire, et il pouvait décrire les coins les plus reculés avec une précision inattendue presque magique, de Kumunini au sud à la vallée de la Nyamuswaga au nord, d’Inanzerwe près de Vugizo à Gakindo près de Mugera, et même à l’étranger. Ses étudiants se souviennent de la description qu’il faisait avec passion de l’immense station terrienne internationale à Esrange, près de Kiruna au nord de la Suède, non loin du cercle polaire avec son soleil de minuit en juin, ou des paysages désertiques à couper le souffle au fond du Botswana…
Au quotidien, comment ne pas retenir la gaieté de la compagnie du professeur Stanislas Nsabimana, avec son humour dont les réparties faisaient rire la classe entière? Être éminemment spirituel, il naviguait entre calembours et jeux de mots à double sens, tant le français qu’il maniait en maître en regorge. Espiègle, taquin même à ses heures, il ne ratait aucune occasion de rendre le cours vivant de la façon la plus inattendue, comme en plein cours de géomorphologie, avec l’évocation par exemple de la topographie des deux collines rebondies tout près de Makebuko, qui, selon la toponymie locale, font penser à une certaine morphologie du torse féminin, et en scrutant avec amusement la réaction des étudiants.
Sa façon d’être pouvait bien sûr ne pas plaire à tout le monde, mais l’humour, paraît-il, est aussi une question de goût, certains le préfèrent comme ci, d’autres comme ça, l’important restant d’en être doté.
L’université du Burundi perd un pionnier, un maître et un camarade qui lui laisse un département autrefois monolithique, mais qu’il a contribué à faire éclore en un essaim de disciplines transversales : la géographie comme il l’aimait.
Que la terre dont tu avais fait ta passion te soit légère et que l’amour de la science géographique inculqué et inspiré à ceux qui t’ont côtoyé te survive et transcende les frontières du temps. Adieu. Cher Professeur Nsabimana!
Certifié GIS Professional, GIS Certification Institute, Illinois, USA
Ancien étudiant de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Aujourd’hui enseignant au Département de Sciences Géographiques,
Environnement et Population, et chercheur en applications SIG et en géotechnique en Suède
« Que la Terre vous soit légère Professeur »
Vous avez été éducateur et Mentor pour plus qu’un. Nous vous resterons reconnaissants.
Condoléances à la famille éprouvée.
Je viens d apprendre un peu tardivement le deces du Prof. Nsabimana Stanislas qui nous a tous fait honneur. Veritable Fils du pays, nous l avons tous aime. Personnellement je me suis toujours ememerveille de le voir comme une emanation reussie de son pere Campwata. Quoique je l ai rencontre rarement je me souviens toujours de ses qualites d ubuntu d un Homme cultive. Sa voiture Landrover des annees 70 et sa Mercedes des annees 80 continueront a entretenir en nous le souvenir d un homme meritant. Toutes mes condoleances a la famille eprouvee
Monsieur le Professeur, je n’oublierai jamais ton humour qui était instructeur et amusant…Que le Seigneur bénisse ta famille!!!
Les années 1990, j’ai eu la chance de l’avoir comme prof. On le surnommait affectueusement Mahuba pour souligner sa simplicité. Et quand il voyait ceux qui n’ont pas bien révisé entrain de suer pendant une évaluation, il aimait dire : C’est ici que les Athéniens s’éteignirent et les satrapes s’attrapèrent ».
Il m’a aidé à entretenir mon goût pour les sciences humaines et je me considère chanceux de suivre ses traces en les enseignant quelque part sur Terre.
Merci beaucoup , Mr Le Prof, l’humaniste et le grand vulgarisateur. La mort nous prend toujours les meilleurs!
Que la terre vous soit légère mon Grand Professeur Stanislas Nsabimana.Vous n’êtes pas parce que vos fruits restent..On s’est rencontré pour la première fois en Oct 1989 à l’Université Officicielle du Burundi puis en 1997 à l’Université Nationale du Rwanda.Vous m’avez tout donné mon fameux Mahuba.
Mes condoléances aux membres de la Famille; à toute ka communauté Universitaire Burundaise & à tous les nobles géographes qui vous cotoyé.
Je fus un des nombreux étudiants du Prof Nsabimana en plus d’être un membre de la famille . Je lui dois cette phrase célèbre que j’ai repris des dizaines de fois “ l’important n’est pas de tout savoir mais de savoir où tout se trouve “ .
Merci Mr le Professeur.
Témoignage émouvant du Professeur Godefroid. Il écrit si bien. Stanislas n’est apparemment pas parti, Godefroid est resté. Il était grand Mahuba.
A Dieu professeur.
Les originaires de la commune Vugizo nous n’oublierons jamais ton humour puisé du terroir de Gahandu. Nous t’avons toujours admiré intellectuel modèle.
Repose en paix.
Paix à son âme.
Je n’ai pas été son étudiant.
Mais son humour était légendaire.
Que la terre lui soit légère
RIP mon professeur. Que la terre te soit legere. Taquin comme tu etais dans un esprit de debat et d,echanges intellectuels.