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Hommage : l’élégance d’Oncle Sam

05/05/2013 Commentaires fermés sur Hommage : l’élégance d’Oncle Sam

[Dans la nuit de ce 29 au 30 avril->www.iwacu-burundi.org/spip.php?article2557], le père Ignace Samulenzi s’éteignait. Pendant douze ans, il aura été l’âme du Lycée du Saint-Esprit. Un homme qui aimait l’élégance.

<doc3983|left>A l’ère d’internet, [les veillées funèbres se font aussi sur Facebook.->http://www.facebook.com/groups/396630140377515/] Quand donc, au matin du 30 avril 2012, la nouvelle de la mort du père Ignace Samulenzi se répand, Amélie, une ancienne élève du lycée du Saint-Esprit, décide de réagir. Elle crée un groupe sur le réseau social dédié à recueillir les souvenirs d’adolescence pour ceux qui sont passés dans l’établissement jésuite.

Tous reviennent, de près ou de loin, au visage de l'{Oncle Sam}, le surnom donné au père Samulenzi (en référence à l’autre ‘oncle’ -les USA- pour son imposante présence), dès sa prise de fonction comme recteur du lycée en 2000, et les bienfaits de sa sévérité. Colères homériques, baffes distribuées à quelques jeunes pupilles qui s’obstinent à arriver en retard, et soudain, ce sourire en coin de bouche qui accompagnait par exemple ce proverbe tant et tant répété : " A force de dessiner le diable sur les murs de sa chambre, on finit par l’y faire entrer! " C’était lors d’une matinée d’un lundi, au salut du drapeau national, quand on recevait, têtes baissées, l’onction oratoire de la devise de la semaine…

Et bien au-delà de ces souvenirs juvéniles, le père Samulenzi laisse à tous ceux qui l’ont côtoyé, une triple leçon d’élégance :
– d’abord vestimentaire. Le jésuite rwandais, originaire de Cyangungu, détestait de tout son coeur les chemises d’uniforme non-enfilées, les cheveux non-coiffés, les ongles teintés de rouge ou de légère crasse, les habits trop courts ou dont on ne savait pas déterminer avec précision les contours. Boitillant des blessures subies lors d’une attaque d'{hommes armés} en 2002 qui avait failli lui coûter la vie, le père Samulenzi était lui-même d’une élégance vestimentaire établie. Sobre, mais présente.
– ensuite une élégance « environnementale ». Cela s’appelle la propreté. D’adolescents pieds qui foulent une pelouse sans y être invités, des salles de classe parsemées de bouts de papier impromptus, en passant par des cahiers tenus sans façon ni respect, tout cela énervait le père Samulenzi. Qui tonnait. Faisait retrancher des points. Et surtout n’oubliait jamais plus le nom du mauvais garnement à l’origine de l’incartade.
– enfin, et principalement, l’élégance intellectuelle. C’est à dire l’intelligence. Le jésuite aimait les élèves intelligents. Profondément. Au point que ceux qui l’étaient moins le ressentaient.

Les trois formes d’élégance combinées se résumaient en un seul mot : l’excellence. Pendant douze ans, l’ancien recteur du LSE aura vécu cet idéal, souvent annoncé pour le départ, mais toujours présent, toujours à batailler pour avoir à l’entrée du secondaire les meilleures têtes du Concours National, et en 3ème celles du Test National. L’excellence était d’autant plus une heureuse bataille qu’elle répondait aux vœux d’un illustre inspirateur, homonyme, Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus.

<quote>La vie du père Ignace Samulenzi en quelques dates :
– Naissance le 1er mai 1958 à Cyangugu
– Licence en Sciences de l’Éducation (Université du Burundi) en 1984
– Entrée dans la Compagnie de Jésus en 1986
– Ordonné prêtre le 31 juillet 1995
– Recteur du Lycée du Saint-Esprit dès 2000
– Accueille en 2010 le Congrès mondial des Anciens élèves des jésuites</quote>

En matière de témoignages, écoutons Erics : « Un jour, je suis en retard. C’est un lundi. Comme on devait donner les carnets de correspondance [pour qu’on y signale la faute aux parents], j’ai fait le malin, j’ai contourné les classes inférieures, … et après mes fantaisies et acrobaties, on a fini par nous croiser devant les lieux d’aisance [avec le père Samulenzi]. Le face à face. » Une grande leçon pour l’élève d’alors : « Après le lycée du Saint-Esprit, j’ai directement intégré l’armée. » Là, le ton lui était déjà familier…

Des souvenirs comme ceux-là, il y en a beaucoup. Ils attestent, chez la personnalité du père Samulenzi, la soif d’un idéal : la perfection. Dans ce Burundi qui se construit, il aura été, sans le savoir, une lampe (parfois violente il est vrai) pour beaucoup. Adieu père. Et merci pour tout.

Roland Rugero, journaliste, un de tes anciens élèves.

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