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Hommage/ Adieu « Séba »

24/04/2016 10
Sébastien Katihabwa
Sébastien Katihabwa

C’est via Facebook que j’ai appris la mort de l’écrivain burundais Sébastien Katihabwa. Annie Katihabwa, sa fille, m’a confié qu’il s’est éteint vers trois heures du matin dans la nuit de samedi à dimanche.

C’est dans les années 90-92 que j’ai connu cet écrivain de talent. Nous partagions notre passion pour l’écriture et le théâtre.

Sébastien Katihabwa était un amoureux de la culture. Alors qu’il est chef de zone Bwiza, avec « Séba » ,comme on l’appelait, nous avons monté une petite troupe de théâtre en kirundi et nous faisions nos répétitions « ku ngoro »,  la salle du parti Uprona, au chef-lieu de la zone. Je me souviens qu’il avait eu toutes les peines du monde pour faire passer l’idée au conseil communal qui préférait louer à la salle à des personnes qui projetaient des films hindous … Mais Sébastien a lutté pour que notre petite troupe puisse répéter et jouer dans la salle.

Après avoir été chef de zone, Sébastien Katihabwa ne trouvera plus du travail dans l’administration. Il se consacrera à l’écriture. Son recueil « Magume ou les ombres du sentier » est un chef d’oeuvre. Sans moyen, il a essayé de monter l’Association des Ecrivains du Burundi. L’association a vu le jour, mais n’avait aucune ressource. Un ministre de la culture compatissant,  Alphonse Rugambarara si ma mémoire est bonne, lui a prêté un bureau au stade Prince Louis Rwagasore. Je me souviens, dans ce « bureau », il n’y avait qu’une table et une chaise , même pas de rideaux aux fenêtres.

C’est là où l’écrivain allait travailler, à la main, dans le dénuement et la solitude. Mais s’il y a un seul mot pour qualifier Katihabwa, ce serait le mot « dignité ». Il est resté digne, malgré les problèmes. Je n’ai jamais entendu cet homme se plaindre. Il affichait toujours un petit sourire. Avant mes déboires avec les autorités, il était venu me voir à Iwacu pour me parler d’un  projet qui lui tenait beaucoup à coeur : la publication d’un grand roman historique. Le livre était très avancé. Nous avons beaucoup discuté sur une publication dans les éditions Iwacu. Après je suis parti du Burundi dans les conditions que l’on sait.

Aujourd’hui, j’apprends sa mort. Je suis très touché. Que ses enfants trouvent ici toute ma sympathie. Sébastien Katihabwa écrivait beaucoup. Il m’a dit qu’il avait plusieurs  textes dans ses tiroirs. Ses multiples demandes au ministère de la Culture pour l’aider à publier ses textes sont restées vaines. Je prie ses enfants de prendre soin de ses manuscrits. A défaut de l’avoir honoré de son vivant, publier ses textes un jour serait le seul hommage qu’on peut lui rendre. RIP, cher Séba.

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Ketty Nivyabandi

    Adieu cher Sebastien. Ta grandeur d’âme me nourrira toute ma vie.
    Repose en paix.

  2. Hmourous

    Toutes mes condoléances à la famille de l’écrivain et sage « Kati » spécialement à sa nièce Épiphanie qui lui rendait déjà hommage de son vivant!
    Emma.

  3. Davy L. Rubangisha

    Paix sur toi Sebastien Katihabwa (1947-2016) au paradis des écrivains et des eveilleurs se conscience!

    Comme 1er prix de Français en 7è, l’école m’avait offert l’ouvrage « Magume ou les ombres du sentier » de Sébastien Katihabwa. Dans un premier temps, j’avais failli jeter le livre par répulsion pour le titre, « Magume » … franchement, qui avait suffisamment de mauvais goût pour intituler un recueil de nouvelles ainsi? Au milieu des années 90…en pleins « magume » (crise en jargon des années 90) justement… Un ouvrage intitulé ainsi proclamait ouvertement à la face du monde sa médiocrité, je me disais.

    Cependant, un jour, un après-midi ennuyeux de vacances, j’étais tombé sur le livre et je l’avais ouvert…pour ne le refermer qu’à la fin. Ce livre fut une révélation pour moi et il marqua le.moment de mon éveil politique et social. Je rencontrai le Burundi, plus précisément ce morceau sociologique et historique dans lequel je grandissais.

    La question sociale était là à un moment où l’on n’était obsédé collectivement que de politique et d’ethnies. Un mythe s’effondrait pour moi, le mythe idéologique d’un certain Burundi qui avait bercé mon enfance jusqu’à ce moment là. Ecrit simplement, sans recherche ni beaucoup de sophistication, Katihabwa racontait la galère. La galère de la classe moyenne et le gouffre moral et idéologique de l’élite postcoloniale.

    Ni à cette époque, ni encore plus tragiquement aujourd’hui (où l’on est sensés avoir du recul), je me demande pourquoi, apparemment, personne ou presque dans la petite oligarchie qui occupe (au sens quasiment militaire d' »occupation ») la vie publique du pays n’a jamais compris que la question sociale et la question politique étaient liées. Ou plutôt que la question sociale est la question politique numéro 1 par excellence. Aujourd’hui encore, comme à l’époque, on discute de « politique », arène vide d’idée voire de semblant et peuplée uniquement de bons (moi/nous) et de mauvais (toi/vous/les autres). Dans un combat sans merci au prix préférentiellement du sang des autres .

    En pleine guerre civile, ou au moment où elle s’annonçait, Katihabwa, à rebours des autres, jetait la lumière sur les sujets sociaux. Où l’on devinait au fond la genèse de la crise et des crises du passé. Il interpellait son monde à l’autocritique. Mais celui-ci, profondément content de lui, de ce contentement que seul un embourbement intellectuel et moral abyssal et définitif autorise, n’avait que faire du lanceur d’alerte. Elle l’a ignoré et marginalisé.

    Infatigable, il a alors tenté de fédérer les écrivains pour qu’ils fassent front et aient une voix. Mais la fatigue des dernières années du parti unique suivi de longues années de guerre civile et d’une conflagration régionale sans précédent, suivie pour finir par la reprise en mains totale par le système international devenu néolibéral entre-temps, avait laissé les esprits exsangues.

    Le vieux s’en va. Mais il aura, néanmoins, porté le flambeau suffisamment longtemps pour le laisser à une nouvelle génération. Qui émerge tant bien que mal. Dans les affres de son temps. Qui l’obligent à être à la hauteur du monde et non plus uniquement du petit village que le Burundi est devenu. Et l’invitent à revenir à la promesse du Burundi dont le radical « rundi » veut à la fois dire Burundi (actuel), nation (chaque nation de la terre) et univers.

    Uburuhukiro bwiza mushingantahe Katihabwa! Usize iragi uzorangwa!

    • NDUWIMANA pierre claver

      Bonjour monsieur KABURAHE.Monsieur! Il y a quelque jours, je vous avais demande un vrai historien qui ne penche pas d’un cote ou ‘un autre pour que je puisse avoir la vrai réalité de l’histoire de notre chère patrie le BURUNDI qui est entrain d’être déchiré par les siens. En lisant cet article siècles KATIHABWA, j’aimerais s’il vous plait vous demander de contacter la famille KATIHABWA de me faire quelques récits, moyennant bien sur une somme que nous nous conviendrons. Espérant avoir une réponse satisfaisante monsieur KABURAHE,l’expression de ma haute considération.

      NDUWIMANA Pierre-Claver.S’il le faut on peut. Me contacter sur email que vous avez, ou par voie postal sur 255 OXFORD St Apt2. Je vous remerci

  4. NDORERE

    « J’ai tellement mal de le parler dans le passé… »
    Seba, mon oncle. Mon père, spirituel, idéologique, intellectuel s’est éteint. Oui, il est parti par la maladie qui nous l’a pris. Qui me l’a pris. Un grand, au vrai sens du terme, est tombé. Une icône de la culture Burundaise, une richesse, un monument. Un Héro non chanté. Les nuits du 23 au24.Avril ont été tellement longues pour moi. J’ai assisté impuissamment à une mort qui guettait un grand intellectuel, un homme intègre, un grand idéologue, un grand chrétien, un parent. Un ami. J’ai eu le privilège de le côtoyer, de le parler souvent, de partager avec lui, d’apprendre une sagesse. Finalement, de le porter dans mes mains quand il agonisait. De le mettre sur ma poitrine, pour le soulager. Je eu la chance d’être parmi les plus proches de lui dans les dernières heures. Je ne veux pas décrire sa mort, ça me ferait tellement mal. Mais je veux témoigner sa richesse, son héritage. Ca faisait 20 ans qu’on causait, souvent comme des amis, alors que j’étais gamin. J’étais tellement proche de lui. J’aurai peu être le temps d’être plus explicite en parlant son intégrité, son humilité, sa sagesse. Quand j’étais avec lui, j’avais l’impression que le temps était contre moi. On parlait tellement. Je ne voulais pas m’arrêter. Mais il prenait surtout le temps de m’écouter, sans me juger, mais plutôt à m’apprécier sans que je le sache, avec toujours un petit sourire. Ce qui était étonnant, il me disait qu’il apprenait de moi. Je n’en revenais pas. Et j’étais tellement complexé, jusqu’à remettre la parole. Avant je croyais que c’est une façon d’encourager, une manière de faire des parent pour ceux qu’ils aiment. M’apprendre à écouter les autres, à être humble. J’aurais appris, par après, qu’il s’inspirait, de me modestes idées, de tout le monde, pour bâtir ses grandes idées. Il pouvait partir de rien pour bâtir des grandes choses ; Il était brave. Dans mes conversations avec lui, quand on parlait des grands hommes, il me parlait souvent des grands écrivains comme d’Ahmadou Hampâté BA, d’Ousmane Sembene, Ahmadou KOUROUMA, etc. Mais, il me parlait également des Burundais, des générations nouvelles comme Roland Rogero et Katty NIVYABANDI. Ces jeunes dont il était tellement fier. Il me parlait surtout d’Abbé NTABONA, avec toujours une note particulière « Le père de la sagesse ». Il me parlait d’Antoine KABURAHE, avec une appréciation inéstimable « Un courageux analyste journaliste hors du commun ». Chaque fois qu’on causait, une question ne manquait pas. « As-tu lu l’éditorial d’Antoine Kaburahe? ». Il gardait toujours un numéro, sur la table, au cas où j’en aurais raté un. Un risque que je ne pouvais pas prendre, pour son plaisir, mais surtout, pour la profondeur des idées de Kaburahe. Sauf en cas de maladie grave, il m’a révélé qu’il n’a jamais manqué de numéro d’IWACU comme de Jeune Afrique. Souvent, il me rappelait, « Mon fils, j’aimerais te mettre en contact de KABURAHE, pour t’apprendre à écrire, à parfaire ton papier. J’étais tellement complexé, j’avoue que je devenais évasif à ce sujet. Je disais qu’on le fera, si l’occasion se présentait. Pas pour échapper, mais par peur de décevoir KABURAHE. Mais lui, il voulait me faire Grand, me connecter au monde, c’était son rêve. Malheureusement, il part sans faire de moi, ce qu’il a longtemps voulu faire. J’ai été très passif, indécis. Un jour, il m’a même publiquement donné des manuscrits, qu’il a écrit avec mon père, pour les achever, les améliorer. J’ai été tellement honoré. Pour son hommage, j’espère que j’aurai le courage et la force de le faire. A son départ, je demande à Antoine KABURAHE, une des ses sources, de m’aider à lui rendre le vrai hommage. A me tenir par la main, pour me montrer du chemin, comme Séba l’avait voulu, je promets d’essayer, ne fut ce qu’essayer au lieu de pleurer toujours sa mort, l’honorera la haut où il se trouve.
    Jean Claude NDORERE

  5. gatore janvier

    tu dis vrai, je suis tombe un de ses ouvrages et ca m a completemnt changé.. je songe tout simplement à ses manuscrit qui vont probablement s envoler . Je ne doute pas qu; ils soient d une grande valeur culturelle

  6. KABADUGARITSE

    Un homme intègre socialement, calme et convaincant sans élever la voix. Une erreur de sa part, il a côtoyé et entretenu régulièrement des relations sincères avec des « loups » de la culture. Hélas, ils n’ont fait que l’exploiter car une bonne partie des projets culturels réalisés dans Bujumbura ont pris racine dans ses idées

    Que la terre des ancêtres lui soit légère et que Dieu le Père l’accueille à sa droite.

    A dieu Sébastien.-

    • Katihabwa Alain Didier

      A Dieu mon pere. Tu vas me manquer bcp. Tu etais mon pere, mon Ami, et surtout mon Pere spirituel … Merci aussi a tout Le monde pour votre soutien dans ce moment difficile pour notre famille..surtout a Antoine Kaburahe.

      • Epiphanie KAMUNTU

        Il ya les départs et LE départ !!!! Comme on dit que les jours se suivent mais ne se ressemblent pas, celui là c’est UN DÉPART. C’est avec la gorge nouée que j’écrive ces mots pour rendre hommage à mon oncle Seba. Que tu puisses reposer en paix mon cher tonton. Tu vas beaucoup me manquer!!!!Mais aussi nous devrions nous réjouir parce qu’on a été choyé par sa présence dans nos vie. Chacun d’entre nous a bien profité de la présence de cet homme d’exception. Toutes mes sympathies à toute ma famille et spécialement à mes cousins avec qui je suis de tout Coeur. Que notre Seigneur en Qui il avait mis son espoir et assurance vous prenne dans ses bras et vous fortifie.

        • Bidadanure Nestor

          Cher Séba,

          On s’est rapidement rencontré par l’intermédiaire d’un ami commun un soir dans ton quartier.
          On s’est promis de nous revoir plus longuement dans le futur. Le destin en a décidé autrement.
          Tu es parti trop tôt car notre terre avait encore besoin de ta lumière, de ta sagesse. Le Burundi
          que tu aimais avec force et tendresse saura un jour raconter à la génération future l’histoire de nos
          héros anonymes. Des hommes et des femmes qui savent faire du bien sans se pavaner. Des hommes
          et des femmes qui savent tirer chaque être humain vers le haut. Merci d’être resté droit et digne face à la précarité
          et l’adversité de la vie. Que nos ancêtres t’accueillent comme un être victorieux de la bêtise humaine. Et que tu continue
          à veiller sur nous là où tu seras. A toute ta famille je dis force et lumière. Et à toi SEBA je dis à toujours… car nous avons la mémoire vive. A toujours cher compatriote.

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