Par l’Ambassadeur Cyprien Mbonimpa, ancien chef de la diplomatie burundaise
En ce moment de douleur causée par la nouvelle du décès de Béchir Ben Yahmed, président fondateur du Groupe Jeune Afrique, je présente à sa famille biologique, à ses amis et surtout à ses collègues de Jeune Afrique, mes condoléances les plus attristées.
Avec sa mort disparaissent à la fois une voix et une plume qui, pendant plus de soixante ans, ont essayé d’encourager les Africains à s’unir pour faire faire face aux nombreux défis qui les menacent.
Il aura été, à sa manière, le continuateur de l’œuvre de Kwame N’krumah qui, tout au long de sa carrière politique, aura milité pour l’unité du continent africain. Dans l’une de ses chroniques hebdomadaires « Ce que je crois », Béchir s’est permis d’adresser un conseil aux dirigeants africains par ces mots :
– «Sortez de vos palais, allez écouter le peuple ;
– Rencontrez les gens de toutes les catégories ;
– Rencontrez surtout ceux qui ne pensent pas comme vous, c’est-à-dire les opposants ;
– Rencontrez les plus jeunes pour connaître leurs préoccupations ;
– Rencontrez les plus intelligents que vous, c’est-à-dire les intellectuels chercheurs, vous aurez de nouvelles idées ».
J’ai rencontré pour la première fois Béchir Ben Yahmed en 1978 au siège du groupe Jeune Afrique, sis au 51, Avenue des Ternes dans le 16e Arrondissement de Paris. A l’époque, le président Bagaza venait de me confier la lourde mission d’organiser la presse écrite au Burundi alors que je n’avais aucune expérience ni dans la conception, la rédaction, la confection et la distribution d’un journal.
Je me suis ouvert à Béchir et il a mis à ma disposition son meilleur journaliste Hamza Kaïdi avec la mission de m’assister.
En 1979, Jeune Afrique m’a accueilli comme stagiaire et j’ai suivi toutes les étapes de la production d’un journal. Hamza Kaïdi est venu à Bujumbura où il a passé plus de deux mois à former nos journalistes.
Dans mes fonctions d’ambassadeur du Burundi à Bruxelles et Paris, j’ai toujours eu un bon accueil chez Jeune Afrique.
Dans mes fonctions de ministre des Affaires étrangères du Burundi (1987 à 1992) Béchir m’a été d’un grand secours. Il m’a ouvert plusieurs portes pendant les moments difficiles. La parole m’était accordée, chaque fois que je le souhaitais.
Quand les méandres de la vie politique m’ont conduit en prison (1992 à 1993), Jeune Afrique n’a cessé de crier pour que je puisse bénéficier d’un procès équitable. J’en garde un grand souvenir car comme disent les anglophones : « A friend in need, is a friend indeed.»
Le dernier message que j’ai échangé avec Béchir Ben Yahmed était à l’occasion de la publication de mon livre « Mémoires d’un diplomate entre tourmentes et espoir » sorti en 2016. Il m’a fait parvenir un message d’encouragement en me demandant de continuer à écrire pour témoigner.
Que son âme repose en paix.
Ambassadeur Cyprien Mbonimpa
« Quand les méandres de la vie politique m’ont conduit en prison (1992 à 1993), Jeune Afrique n’a cessé de crier pour que je puisse bénéficier d’un procès équitable. J’en garde un grand souvenir car comme disent les anglophones : « A friend in need, is a friend indeed.» »
Oui Monsieur l’ambassadeur, que Dieu vous garde et que vous aussi puissiez vous battre pour des procès équitables. Quand on l’a vécu on sait de quoi on parle et on est plus crédible…peut-être.