Vendredi 07 février 2025

Editorial

HEMORRAGIE

07/02/2025 0

« Pourquoi nous prend-on les meilleurs ? » Tel est le titre d’un article publié dans le magazine Iwacu, il y a plus de dix ans. Cette enquête mettait en lumière l’« hémorragie » visible dans les structures sanitaires et éducatives du pays, où l’on voyait médecins et professeurs d’université quitter en masse leurs postes pour des pays voisins ou européens.

La quête d’un avenir meilleur à travers un salaire décent, une stabilité administrative et des conditions de travail satisfaisantes motivait cet exode massif. Malheureusement, au lieu de se dissiper, le phénomène persiste et s’accentue même ces derniers temps. Plusieurs médecins ont ainsi décidé de démissionner. C’est leur droit, direz-vous. Mais, il s’accompagne souvent d’intimidations, de menaces, voire d’incarcérations.

La Fédération nationale des syndicats du secteur de la santé (FNSS) a récemment dénoncé, dans un communiqué du 5 février, l’arrestation de cinq médecins (du secteur privé) par le Service national des renseignements. Ils revendiquaient une augmentation de salaire, ce qui a été interprété comme une atteinte à la sécurité intérieure de l’État. La FNSS qualifie cette arrestation d’ « acte de violence, antisyndicale et antidémocratique. » Les structures publiques, que ce soit à Bujumbura ou dans d’autres régions du pays, ne sont pas épargnées.

Ainsi, la province sanitaire de Kayanza a enregistré 16 départs de médecins en moins de six mois. Selon la FNSS, la fuite des professionnels de la santé ne se limite pas aux médecins, mais affecte également infirmiers, anesthésistes, radiologues, et laborantins. La situation est préoccupante, voire alarmante.

Le Burundi fait face depuis plusieurs années à une pénurie de médecins touchant l’ensemble du territoire, avec de lourdes conséquences sur l’accès aux soins des patients, notamment dans les zones rurales ou enclavées. Alors que l’Organisation mondiale de la santé fixe l’objectif à 1 médecin pour 10 000 habitants, en 2018, le Burundi en comptait seulement 0,1 pour 10 000 habitants. Avec ces « désertions », la situation, déjà critique, risque de se détériorer encore davantage. « En plus de ces départs, on constate une désaffection pour les zones rurales, une baisse des activités hospitalières, un découragement chez les étudiants en médecine, et une dégradation de la qualité des soins. Les coûts deviennent inabordables pour le citoyen moyen dans des hôpitaux privés. Pire encore, certains envisagent de quitter leur profession pour ouvrir de petits commerces », avertit un professionnel de la santé.

La médecine nécessite de longues années de formation rigoureuse. Les médecins du Burundi doivent composer avec des conditions de travail difficiles, des horaires interminables, des consultations prolongées, et des charges administratives alourdies. La concurrence avec d’autres pays de la région ou européens, qui proposent souvent de meilleures conditions de travail, fragilise le secteur de la santé.

Comme le suggère la FNSS, plutôt que de recourir à la force, le gouvernement devrait engager un dialogue franc et constructif avec ces professionnels de la santé qui nous soignent, diagnostiquent les maladies, et sauvent des vies.

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