La pénurie du charbon de bois qui frappe actuellement plusieurs régions continue de perturber le quotidien de la plupart des ménages qui n’ont que cette source d’énergie pour la cuisson. Les prix explosent et les vendeurs et les consommateurs sont pris dans une spirale incontrôlable.
Par Roxana Ingabire
Les justifications sont multiples, mais parfois floues. C’est une situation complexe qui dure depuis des années, selon plusieurs experts, et elle ne semble pas près de trouver une issue.
Les vendeurs de charbon de bois en sont les premiers à constater la hausse des prix. Certains estiment que cette pénurie pourrait durer plusieurs semaines. « Parfois, la pénurie dure entre deux semaines et un mois. Le récipient de mesure de base qui coûtait 1.000 FBu au départ est maintenant à 2000, et celui qui était sur 3000 FBu aujourd’hui il est sur 5000 FBu », explique un vendeur de charbon de Rohero.
Selon lui, la situation devient de plus en plus difficile à gérer pour les clients comme pour les commerçants. Et une autre vendeuse de renchérir : « Avant, un sac de charbon qui coûtait 70.000 FBu aujourd’hui s’achète à 90 000 FBu. Tout augmente, et il est difficile de maintenir un prix stable ».
Des consommateurs accusés à tort
Les témoignages des acheteurs, notamment des aide-ménagères montrent à quel point cette hausse des prix affecte leur quotidien. « Mes employeurs me soupçonnent de voler du charbon à cause de l’augmentation des prix. Ils ne comprennent pas que les prix fluctuent tous les jours », confie C.N, un homme de ménage.
Un autre acheteur explique : « Je me retrouve souvent à devoir expliquer à mon chef que je n’y suis pour rien. Mais avec ces hausses, c’est difficile à prouver ».
Cette instabilité des prix crée une confusion totale, mettant les consommateurs dans une position où ils sont constamment sous pression, non seulement à cause des coûts mais aussi des suspicions qu’ils suscitent.
Les raisons avancées par les fournisseurs
Les fournisseurs, eux, expliquent cette crise par plusieurs facteurs liés à la hausse générale des coûts. « Le carburant est devenu un grand problème et cela affecte directement le prix du charbon. Les chauffeurs augmentent leurs tarifs et les travailleurs qui coupent les arbres demandent plus pour leurs services », raconte un fournisseur de charbon. Selon lui, ces augmentations sont inévitables, car tout est devenu plus cher depuis la pénurie du carburant.
Depuis 2012, l’Association Burundaise des Consommateurs (ABUCO) suit de près la commercialisation du charbon de bois. « Ce commerce a toujours été entouré de zones d’ombre, de la production au transport, en passant par la vente aux consommateurs. Le gouvernement a même mis en place une commission d’analyse approfondie, mais son rapport n’a jamais été publié », déplore un représentant d’ABUCO. Pour cette association, cette situation est loin d’être nouvelle et la crise actuelle s’inscrit dans un cadre de gestion chaotique du secteur.
« Les commerçants justifient toujours leurs hausses de prix en invoquant des facteurs comme les taxes et les frais de transport. Mais ce qui est certain, c’est que les forêts exploitées pour le charbon ont progressivement diminué et les efforts de reboisement n’ont pas donné de résultats tangibles », explique-t-il. Selon ABUCO, cette crise persiste depuis trop longtemps, et la solution réside dans une meilleure régulation du secteur.
Un appel à une régulation plus stricte
« Il est clair que ce commerce échappe à tout contrôle. Les commerçants n’ont jamais manqué de raisons pour justifier des hausses de prix incontrôlées », affirme l’ABUCO. Cette association appelle donc à une intervention du gouvernement pour rétablir l’ordre et éviter que les consommateurs ne soient écrasés par les prix injustifiés.
Interrogé sur la crise du charbon de bois, le porte-parole du ministre de Commerce n’a pas donné suite. Plusieurs observateurs approchés estiment qu’une réaction plus claire et plus rapide du gouvernement serait nécessaire pour endiguer cette crise.
Au bout du compte, font-ils remarquer, la pénurie de charbon de bois est bien plus qu’une simple hausse de prix ; elle reflète un déséquilibre dans la gestion du marché et une absence de régulation efficace.
Les consommateurs sont pris entre la hausse des prix, les accusations injustifiées et l’incertitude quotidienne. Les commerçants, pour leur part, continuent de justifier leurs hausses par des facteurs externes, mais la réalité demeure : les prix sont incontrôlables et la crise semble sans fin.
Selon ces observateurs, si la situation ne change pas, cette pénurie pourrait avoir des répercussions encore plus graves sur les ménages, déjà fragilisés par cette instabilité continue.
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