Le prix du riz monte régulièrement en flèche ces derniers mois dans la capitale économique Bujumbura. Des vendeurs et des consommateurs broient du noir. Ils appellent le gouvernement à intervenir dans la fixation des prix des denrées alimentaires.
Il est 10 h dans le quartier dit Sabe de la zone urbaine de Ngagara dans la commune urbaine de Ntahangwa. De grands espaces de stockage du riz ainsi que des moulins à riz y sont concentrés. Presque tous les hangars sont vides. Les commerçantes rencontrées disent vivre dans le désarroi à cause de l’augmentation du prix du riz.
Certaines d’entre elles ont arrêté le commerce, comme l’ont expliqué celles rencontrées sur le terrain. « Le prix du riz a augmenté comme les autres produits. Des femmes avec qui on travaillait ensemble ici au moulin ont dû arrêter le commerce à cause de la hausse du prix. Moi-même j’ai diminué la quantité de riz dont je m’approvisionnais dans les champs, car le transport est devenu un casse-tête », se désole une commerçante de riz.
La prénommée Mariam n’est pas loin du témoignage. Elle indique que même le nombre de clients a diminué. Elle craint le chômage. « Avant, on avait des clients tout le temps. Pour le moment, je peux passer deux ou trois jours sans avoir même celui qui m’approche pour me demander le prix. Cela est dû à la pénurie des carburants. On doit augmenter le prix pour avoir un peu de bénéfice. Le riz simple est à 5 200 BIF. Celui nommé Rutete est à 5 500 BIF. Je ne sais pas si je vais continuer à faire ce commerce dans une telle situation. »
Dans le marché dit « Cotebu », c’est la même situation. Des vendeurs de denrées alimentaires indiquent que, même si les autres articles varient de prix, l’augmentation du prix du riz est devenue fréquente ces derniers temps.
Sous anonymat, un commerçant s’exprime. « C’est vrai que le prix du riz a régulièrement augmenté. Mais, ce n’est pas de notre faute. On le revend selon le prix d’approvisionnement. Parfois, je m’approvisionne avec 80kg de riz alors que j’étais parti avec l’espoir de prendre 150 kg. Je suis déjà habitué. », déplore-t-il en ajoutant qu’il vend le riz simple à 5 500 BIF par kg, le riz Rutete à 6 000 BIF. Il y a aussi le riz importé de la Tanzanie qui coûte 8 500 BIF le kg.
Les moyens conditionnent la consommation du riz
La hausse du prix du riz affecte également l’alimentation dans les familles, car cette denrée figure parmi les aliments de base, expliquent certaines sources rencontrées dans la zone urbaine de Kamenge.
Divine Kamariza d’une cinquantaine d’années, mère de six enfants, témoigne que la dernière fois qu’ils ont mangé du riz est le jour de Noël. « Le prix d’un kilo de riz s’est multiplié par deux. Je ne peux pas alors avoir les moyens d’acheter deux kilos pour satisfaire ma famille. Pour le moment, nous sommes habitués à manger la patate douce pour éviter le riz. Nous allons continuer ainsi et manger le riz les jours de fête. »
Rencontrée dans le marché de Kamenge, la prénommée Rosine indique qu’elle a opté pour la pâte de maïs jusqu’à ce que le prix du riz diminue. « C’est un problème. Chez moi, les enfants réclament souvent le riz, mais que faire ? Rien. Si on prend un kilo à 6 000 BIF avec une famille qui compte dix personnes, pensez-vous que ce sera suffisant ? Dans cette situation, on achète deux kilogrammes de farine de maïs et on laisse tomber le riz. »
Les habitants de la zone urbaine de Kamenge appellent le gouvernement à prendre les choses en main. Camile Nzeyimana, habitant du quartier Heha, déplore qu’alors que les autres produits ont diminué de prix, entre autres la pomme de terre, le haricot, etc., le prix du riz a continué à grimper.
« Je ne comprends pas pourquoi le prix du riz ne cesse de grimper. À un certain moment, le haricot a baissé de prix, mais le prix du riz a doublé. Je profite de cette occasion pour appeler le gouvernement à s’impliquer dans ce genre de choses. Que fait le ministère du Commerce ? »
Signalons que le président de la République, Evariste Ndayishimiye avait donné un délai de 15 jours au ministère ayant le commerce dans ses attributions pour fixer les prix des denrées alimentaires, il vient de se passer trois mois.
Au moment où nous mettons sous presse cette article nous apprenons que le prix de maximum du riz local est de 5000 BIF et le prix maximum du riz importé à 7000 BIF, selon l’ordonnance de la fixation du barème des prix des produits alimentaires du 27 mars 2025 par le ministère de commerce.
Réactions
Noël Nkurunziza : « Agir pour l’intérêt des consommateurs »
Noël Nkurunziza, porte-parole de l’Association burundaise des consommateurs, Abuco, indique que depuis des jours, le prix du riz ne baisse pas alors qu’il y a toujours des saisons de récolte. « Si on regarde l’importance du riz dans la vie des consommateurs, il s’agit d’un produit beaucoup consommé, surtout en ville. »
La manière dont le prix du riz augmente, que ça soit lors de sa récolte ou en temps normal, est inexplicable. « Il faut un suivi par les agents gouvernementaux chargés de surveiller la production et les prix dans le pays. Nous avons une rizerie qui devait fournir les informations concernant le prix du riz. Le gouvernement se chargerait d’établir des prix maximums. »
Il estime qu’à l’état actuel des choses, si rien n’est fait, les consommateurs ne pourront peut-être plus se procurer ce produit qui est pourtant utile dans la nourriture des enfants et des adultes. « Nous suggérons que le prix du riz soit établi dans de telles situations où nous constatons une variation du prix. On voit que le prix reste élevé et ne redescend pas. Nous appelons le gouvernement à gérer en premier les prix de tous les produits pour l’intérêt des consommateurs. »
Patrice Ndimanya : « Des raisons communes et spécifiques »
Patrice Ndimanya, économiste et professeur d’universités, estime que la hausse du prix du riz résulte des raisons communes et spécifiques. Il cite, entre autres, le différentiel des changes, les fortes inondations, la fermeture des frontières et les barrières administratives. Ce qui entraîne l’effet cliquet.
« Ça veut dire que quand les prix ont augmenté, la probabilité qu’ils reviennent à un niveau inférieur est moindre. Il s’agit d’un phénomène qui touche tous les produits. »
Le différencier de change avec les pays voisins, poursuit-il, justifie les flux sortants et entrants, que ce soit du côté de la Tanzanie ou du Rwanda. « Cette cause coïncide avec la fermeture des frontières. Cela affecte les produits qu’on importe. Par exemple, la farine de maïs qui provient de l’Ouganda va faire monter le prix. Cela affectera même le prix du riz. »
La hausse du prix du riz peut également résulter de la pénurie des carburants ainsi que de fortes inondations. « Il y a assez d’eau, c’est bien. Mais, il y a d’autres zones non aménagées où le riz a été emporté presque totalement. Donc, un producteur qui a perdu toute une récolte, c’est difficile de le convaincre de réinvestir dans le même projet. »
Une autre cause, ce sont les barrières administratives. « Le riz, comme le café et le maïs, sont devenus des denrées politisées. Les gouverneurs des provinces ont même décidé de bloquer la circulation. Et là, c’est une barrière administrative illégale parce que ça viole le principe du droit de propriété. Quand j’ai produit mon riz, il m’appartient. Mon droit de propriété veut dire le droit d’user et d’abuser. Je peux le vendre à qui je veux, quand je veux et où je veux. »
Il ajoute qu’il y a des maladies qui attrapent les plantations de riz. « Je me suis entretenu avec les riziculteurs dernièrement. Ils se plaignent des maladies qui attrapent les plantations. En se dirigeant sur le marché non subventionné, l’urée se vend plus du double. C’est triste. »
Patrice Ndimanya suggère le questionnement du commerce en général. « En tout cas, le commerce dans son ensemble doit être questionné en interdisant aux ministères hors commerce d’intervenir sur le marché. Il est tenu également à réduire les barrières aux échanges. »
Il propose de revoir les sources de devises pour appuyer ces secteurs. « C’est-à-dire le thé, le café. Comment est-ce qu’on voit l’évolution de ces ressources ? Quels sont les prix à l’exportation ? Comme dans d’autres pays concurrents, nous vendons sur le même marché. Est-ce que nous avons les mêmes prix à l’exportation ? Tout ça, ce sont des questions qu’il faut aborder pour comprendre pourquoi, pour en peu soutenir la balance commerciale et augmenter les ressources en devises. »
Patrice Ndimanya propose enfin l’exécution du libre-échange ainsi que l’ouverture des frontières pour assurer une libre circulation des biens à l’importation et à l’exportation.
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