L’Assemblée nationale du Burundi a voté, le 9 avril, la révision du projet de loi organique portant Code électoral. Depuis, les grandes modifications apportées dans ce nouveau Code suscitent des réactions outrées au sein de la classe politique et de la société civile. Ces dernières décrient « un texte discriminatoire et qui durcit les conditions de participation aux prochaines élections ».
Par Pascal Ntakirutimana, Fabrice Manirakiza et Rénovat Ndabashinze
Malgré l’« unilatéralité » du processus qui a entouré l’élaboration du nouveau Code électoral, le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, Martin Niteretse, a indiqué, dans son exposé des motifs, que ce projet de loi vient pour résoudre les problèmes rencontrés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dans la mise en application de certaines dispositions du Code pénal en vigueur et tenir compte des recommandations issues de l’évaluation du processus électoral de 2020.
Ainsi, de grandes innovations ont été apportées dans ce nouveau Code électoral. Il s’agit principalement de la revue à la hausse de la caution des candidats, et la réduction de la période de campagne.
« Aux fins de limiter les déclarations de candidatures fantaisistes pour les élections, il est proposé une caution de deux cent mille francs burundais (200.000 BIF) pour la candidature aux postes de conseillers communaux (article 185), de deux millions (2.000.000 BIF) pour les candidats sénateurs (article 166) et députés (article 135), et cent millions (100.000.000 BIF) pour les candidats présidents (article 104). », peut-on lire dans l’exposé des motifs.
La durée de la campagne électorale a été également réduite. « La campagne électorale est ouverte le seizième jour qui précède celui du scrutin et close 48 heures avant le scrutin, c’est-à-dire qu’elle dure deux semaines au lieu de trois semaines (article 25). »
Selon l’alinéa 2 de l’article 29 du présent projet de loi organique, « les coalitions des partis politiques sont formées après la convocation des élections pour lesquelles elles veulent se constituer candidates. »
Et l’article 128 de stipuler : « les candidats indépendants se présentent à titre individuel et aucune coalition d’indépendants n’est autorisée » (alinéa 1). Et « est considéré comme indépendant, le candidat qui ne se réclame d’aucun parti politique depuis au moins une année… » (alinéa 2).
Pour un membre d’un organe dirigeant d’un parti politique, celui-ci « ne peut se porter candidat à une élection, à titre indépendant qu’après l’expiration d’un délai de deux ans depuis son éviction ou sa démission de son parti politique d’origine »
Des additifs difficiles à avaler
Lors de la séance plénière, certains députés n’ont pas manqué de qualifier les innovations apportées dans ce nouveau Code électoral de « dérive discriminatoire ».
En 2020, par exemple, a fait remarquer Abel Gashatsi, 2ème vice-président de l’Assemblée nationale, la somme des cautions pour toutes les candidatures s’élevait à 37 millions 200 mille. « Aujourd’hui, nous sommes à 128 millions 400 mille, soit une différence de 91 millions 200 mille ».
D’après ce député issu du parti UPRONA, le risque d’une monopolisation de la compétition est grand. Parce que, tonne-t-il, il ne faut pas entrer dans la période électorale avec un seul candidat, pour le cas de l’élection présidentielle, mais également pour le reste des élections.
« Les Burundais ont le droit de voter et de se faire élire. Il y a alors un risque d’avoir un problème au moment où il y aurait un seul candidat surtout lors de la présidentielle. Allons-nous dire qu’il y a eu des élections ? Je trouve compréhensible de revoir les cautions à la hausse, mais pas à ce niveau. C’est exagéré », a-t-il décrié.
Pour le député Pascal Gikeke, ce Code électoral n’est qu’une nouvelle forme de discrimination. « De par le passé, il y a eu des discriminations basées sur l’ethnie et le régionalisme ; puis il y a eu des discriminations basées sur l’appartenance politique. Ce Code amène une nouvelle forme de discrimination basée sur l’économie ».
Il a d’ailleurs haussé le ton en voulant savoir la raison de cette hausse des cautions : « Je ne sais pas sur quoi monsieur le ministre vous vous êtes basé en fixant ces 100 millions pour les candidats présidents au vu de l’inflation actuelle qui règne dans le pays ? ».
Avant de renchérir : « êtes-vous confiant que d’ici 2027 la situation économique du pays se sera améliorée pour qu’une personne qui voudra se faire élire puisse avoir ce montant ? Je dirai que vous êtes en train de réduire la chance des Burundais d’élire un président de leur choix ».
Martin Niteretse a répondu à brule-pourpoint
Pour le ministre de l’Intérieur, la revue à la hausse des cautions a été faite pour réduire des candidatures fantaisistes, car, a-t-il tenu a expliqué, il a été constaté, dans les périodes antérieures, que certaines personnes se portaient candidates pour des fins publicitaires.
« On ne peut pas dire que cette somme est exorbitante pour les candidats présidents. Certains ont même proposé que la caution soit revue jusqu’à 500 millions. Ce n’est pas d’ailleurs n’importe qui peut se fait élire au poste de président de la République. Il doit avoir un grand soutien des membres de son parti et des appuis extérieurs pouvant le financer », a-t-il laissé entendre.
Selon lui, le temps de se préparer est encore là, car estime Niteretse, l’annonce a été faite au moment opportun. « Vous avez de la chance que cette caution soit annoncée d’avance. Vous avez encore jusqu’en 2027 pour préparer vos candidatures en respectant les conditions exigées, y compris cette caution. Ces 100 millions vont directement dans les caisses publiques et ce montant sera remboursé lorsque le candidat aura totalisé 5% des voix », a fait savoir le ministre de l’Intérieur.
Rappelons que sur 117 députés présents dans la plénière, 115, soit 98,3%, ont adopté la loi organique portant modification du Code électoral, avec deux abstentions.
Plusieurs opinions doutent déjà de la « crédibilité et de la transparence des élections » prévues pour l’année prochaine.
Réactions
Abdul Kassim : « Adieu la démocratie »
« Le Code électoral tel qu’il a été adopté ce mardi par l’Assemblée nationale consacre un monopartisme de fait et fait de l’exclusion comme mode de gouvernance politique. Malheureusement, c’est l’histoire qui se répète », réagit Abdul Kassim, président du parti Upd-Zigamibanga.
Selon lui, avec ce Code électoral, le processus électoral est désormais antidémocratique et exclusif comme on ne l’a jamais vécu dans notre pays. « Nous en appelons au Sénat de rectifier le tir et au cas contraire au revoir le multipartisme et adieu la démocratie. Le jeu démocratique est faussé par des règles sur mesure. »
Et de se résumer : « Les élections de 2025 ou 2027 ne sont plus nécessaires. Un simple communiqué des résultats déjà connus aujourd’hui suffit. »
Kefa Nibizi : « Ce n’est pas le moment des lamentations. »
« Ce n’est pas une surprise parce que ce Code venait du gouvernement. Or, ce dernier et le Parlement tirent les instructions à la même source. Donc, nous sommes devant un fait accompli. Et ce n’est pas le moment des lamentations, c’est plutôt l’occasion de penser à des stratégies afin de surmonter ces barrières à la démocratie », commente Kefa Nibizi, président du parti CODEBU Iragi rya Ndadaye.
D’après lui, il faut noter que ce Code électoral liberticide par plusieurs dispositions qui sont de nature à rendre difficile la participation aux élections ne constitue pas la première barrière à la démocratie. « Il s’ajoute au verrouillage de l’espace politique qui se manifeste par l’intimidation des militants des partis politiques de l’opposition, la fragilisation de ces partis politiques, la CENI qui est non inclusive, et d’ailleurs même ce Code électoral prévoit l’exclusion des partis politiques dans ses démembrements tels les CECI et les CEPI. »
Selon lui, il y aurait un plan savamment monté et qui est en train d’être exécuté pour conduire les Burundais à un monopartisme de fait. « Les tenants du système en place ayant déjà cumulés beaucoup de richesses, ils sont en déphasage avec la vie socio-économique de la majorité de la population qui croupit dans la misère. Et c’est l’effet effectivement de la disparité sociale qui s’observe au Burundi. »
Pour lui, les décideurs ne comprennent pas les conditions de vie de leurs populations. « Il s’agit également de la privation du droit de vote, c’est-à-dire le droit de se faire élire, et le droit d’élire le candidat de son choix. Parce que quand on a imposé des conditions difficiles, certains candidats peuvent ne pas se présenter et par conséquent leurs électeurs ne vont pas choisir comme ils le voulaient. »
Pour contourner cela, M. Nibizi a une astuce : « Je pense que tous les amis de la démocratie qui aspirent au changement ne doivent pas se résigner. »
Au contraire, M. Nibizi trouve qu’ils doivent s’unir comme un seul homme et imaginer des stratégies pour surmonter ces entraves afin qu’ils puissent bien placer les candidats de leurs choix et les élire au cours des élections de 2025 et 2027 : « De cette façon, on aura empêché qu’on fasse un recul en matière de la démocratie. »
Phénias Nigaba : « Les lois liberticides ne durent pas longtemps. »
Pour le vice-président du parti Frodebu, la préparation des élections de 2025 n’est pas en train de se faire dans la transparence. « Et ce, en tenant compte du projet du Code électoral qui a été adopté. Les acteurs concernés comme les partis politiques n’ont pas eu le temps de contribuer. Tout a été fait dans la clandestinité. »
D’après lui, si on regarde son contenu, c’est une façon d’exclure les uns et les autres du processus électoral sur base de l’argent. « A voir la situation socio-économique du pays, ce n’était pas le moment de revoir à la hausse les cautions. Par exemple, les conseillers communaux ne sont pas salariés. Donc, s’ils doivent payer de l’argent pour se faire élire, beaucoup vont tout simplement abandonner cette élection. »
Pour les députés, analyse-t-il, on payait pour chaque liste 500 mille BIF : « Aujourd’hui, ils ont multiplié par 4. En tout cas, ils devaient maintenir les 500 mille BIF si ce n’est pas possible de revoir la somme à la baisse. Au moins, pour les députés, ils sont payés. Le cas le plus frustrant est celui du candidat à la présidence de la République. Quitter 30 millions BIF pour aller jusqu’à 100 millions BIF, c’est de l’exagération. »
Il ne pense pas que ce sont les riches qui sont capables de gouverner, de défendre les intérêts et les droits de la population. « Se faire élire et élire, c’est un droit pour tout citoyen reconnu par la Constitution », rappelle-t-il. Face à cette situation, M. Nigaba annonce qu’au niveau de son parti, « on va s’organiser en conséquence ». D’après lui, les lois liberticides ne durent pas longtemps : « Une loi taillée sur mesure peut être un couteau à double tranchant pour celui qui l’a élaboré. Des exemples ne manquent pas. »
Gaspard Kobako : « Finalement, la consultation n’était qu’une formalité. »
Pour Gaspard Kobako, président du parti Alliance nationale pour la démocratie (AND-INTADOHOKA), aucune des propositions des partis politiques soumises lors de la consultation de décembre 2023 n’a été tenue en compte. « Ce Code qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale consacre l’exclusion. Il ne tient pas compte des désidératas des partis politiques, de leurs militants, de leurs sympathisants. »
Ainsi, en déduit-il, la consultation organisée par le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire n’était qu’une formalité. Histoire, selon lui, de se couvrir pour dire au moment opportun, que les partis politiques ont été impliqués dans le processus électoral.
Pour avancer, avoir un processus inclusif, apaisé, démocratique, M. Kobako trouve qu’on devrait tenir compte de la pauvreté qui mine nos électeurs ; des électeurs qui sont dépourvus des moyens, y compris ceux du parti au pouvoir.’’ Il dénonce une tendance à restaurer un monopartisme de fait. Et de leur rappeler que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
« Nous risquons de tomber dans un processus électoral mal parti, mal engagé avec des risques de mal se conclure. » Ainsi, il demande au Chef de l’Etat de rectifier le tir en extirpant du Code électoral tous les articles liberticides.
En effet, motive-t-il, ils sont contraires à la Constitution. « Il faut toujours se rappeler qu’aucun pouvoir n’est éternel », souligne M. Kobako.
Faustin Ndikumana : « Il y a encore des défis qui limitent la transparence électorale. »
« Dans une période de 10 ans, le Burundi va organiser 5 scrutins : 2025, 2027, 2030 et 2034 et 2035. C’est un nombre important de scrutins à organiser pour une période aussi courte que 10 ans. On devait avoir un cadre électoral légal, consensuel pour limiter les tensions politiques », indique le directeur exécutif de Parcem.
Pour Faustin Ndikumana, il n’est pas encore tard si on constate des insuffisances au niveau de l’organisation des élections de 2025. « Il faudrait les corriger pour que ces scrutins soient beaucoup plus transparents et libres. »
M. Ndikumana constate qu’il y encore des défis très importants comme la gestion des partis politiques, le financement des campagnes électorales, l’accès équitable aux médias publics, l’usage des moyens de l’Etat dans les campagnes électorales, le verrouillage de l’espace politique, mais aussi le relèvement des cautions au niveau des élections présidentielles. « Pour que dans l’avenir ces élections puissent avoir une transparence requise ou une meilleure organisation, il faut informatiser le fichier électoral et le rendre accessible à tous les acteurs politiques. Il faudrait surtout proscrire l’ingérence de l’administration, de la police, des jeunes Imbonerakure le jour de l’organisation du scrutin. »
Faustin Ndikumana trouve qu’il faudrait faciliter l’accès équitable de tous les candidats aux médias publics. « Il faudra trouver une solution à l’usage des moyens de l’Etat par certains hauts cadres de l’Etat pendant la campagne électorale. Il faudra limiter le verrouillage de l’espace politique aux partis de l’opposition alors que pour le parti au pouvoir, il se lance de façon prématurée à la campagne parce qu’il utilise les médias publics à sa guise. »
Selon lui, le Cndd-Fdd devance tous les autres candidats dans la campagne. « Il faut créer un organe neutre de gestion et de régulation des partis politiques pour éviter que le ministère de l’Intérieur soit juge et partie dans la gestion des partis politiques surtout de l’opposition. Il faudrait favoriser l’approche inclusive dans le démembrement de la Ceni au niveau des provinces. »
D’après le directeur exécutif de Parcem, il y a encore des défis qui limitent la transparence électorale, mais tout cela peut trouver une solution à partir d’un débat sincère. « Si ces questions ne trouvent pas une solution, le pays peut replonger dans des tensions politiques. »
Selon lui, il faudrait aussi accepter l’observation électorale étrangère. « Comme le Burundi envoie des observateurs à l’étranger, on ne comprend pas pourquoi les élections burundaises ne pourraient pas être organisées en présence des observateurs étrangers pour la crédibilité des résultats. »
Aloys Baricako : « On compte sur le comportement de la Ceni. »
« C’est une grande désolation pour les partis politiques. Nous avons donné des propositions dans le sens d’améliorer le processus électoral et de faire un Code électoral qui intègre tout le monde et qui inspire un changement. Malheureusement, le nouveau Code est de loin mauvais par rapport aux anciens codes électoraux », réagit le président du parti Ranac.
Selon lui, la démocratie recule avec ce Code électoral parce que c’est un Code qui exclut beaucoup de candidats et de partis politiques. « Nous risquons d’avoir des conseillers communaux d’un seul parti politique, des députés d’un seul parti politique et des sénateurs d’un seul parti politique. Toutes les institutions seront issues d’un seul parti politique. Est-ce qu’on pourra parler encore de multipartisme au Burundi ? »
M. Baricako trouve qu’il faut qu’il y ait un débat contradictoire au niveau du Parlement sinon, poursuit-il, on ne peut pas espérer avoir quelque chose de mieux quand c’est un seul parti politique qui est dans les institutions. « On compte sur le comportement de la Ceni. La loi peut être mauvaise, mais quand l’arbitre est bon, c’est mieux. On a interdit aux journalistes de publier les résultats au niveau des centres de vote, c’est très dommage. Il y a des suspicions, car il y a risques de tricheries. »
Et d’ajouter : « On a peur parce que si tu donnes 100 millions de BIF et que tu n’es pas sûr d’avoir 5% pour être remboursé, il y aura un problème. Si les membres des partis politiques ne font pas partie des démembrements de la Ceni, attendez-vous qu’un seul parti politique aille seul aux élections. Faisons confiance à la Ceni, on verra comment elle va se comporter. »
Gabriel Rufyiri : « C’est qui est en train de se faire n’augure rien de bon. »
« Concernant le processus électoral, il y a des choses étonnantes. Premièrement, la Ceni nous a invités pour aller ce vendredi à Gitega afin de participer, au Stade Ingoma, au lancement officiel de l’éducation électorale. Ce qui est une bonne chose. Ce qui nous étonne est de lancer le processus électoral sans que le Code électoral soit promulgué par le chef de l’Etat », s’étonne le président de l’Olucome.
« Deuxièmement, on ne voit pas des activités qui sont faites pour que réellement les élections puissent normalement se dérouler. On ne voit pas la carte d’identité biométrique. Il n’y a pas eu de recensement national. Il y a plusieurs activités qui devraient précéder ce lancement de l’éducation électorale. »
Gabriel Rufyiri rappelle qu’un parti politique qui n’est pas au pouvoir n’a pas les moyens pour battre campagne. « A voir comment se fait le financement des partis politiques, il est difficile de croire au processus électoral. Il faut que les partis politiques aient des moyens d’aller sur terrain. Il ne faut pas que certains partis politiques utilisent des moyens de l’Etat au moment où les autres n’ont pas cela. De plus, tous les partis politiques devraient avoir les mêmes chances d’accéder aux médias publics et privés. »
Le président de l’Olucome revient sur la caution de 100 millions de BIF. « C’est incompréhensible dans un pays comme le Burundi. C’est une discrimination. C’est qui est en train de se faire n’augure rien de bon. »
Emery Pacifique Igiraneza : « On ne peut rien attendre de ces simulacres d’élections où le vainqueur est connu d’avance. »
« Depuis les élections de 2005, il a été impossible au Cndd-Fdd et à son gouvernement d’organiser des élections démocratiques, libres, transparentes, crédibles et équitables », fait savoir le président de MAP Burundi Buhire.
Selon lui, la situation est allée de mal en pis et le CNDD-FDD a instauré un monopartisme où il est le seul maître de jeux avec un pouvoir militaro-policier. « On ne peut rien attendre de ces simulacres d’élections où le vainqueur est connu d’avance. On a connu ce genre d’élections du temps du monopartisme, mais malheureusement, le Cndd-Fdd ne semble tirer aucune leçon du passé douloureux que le Burundi a connu. »
D’après Emery Pacifique Igiraneza, l’urgence est de s’attaquer aux vrais problèmes auxquels le Burundi et les Burundais sont confrontés et ainsi que créer des conditions pour des élections libres, transparentes et démocratiques. « Un dialogue inclusif qui réunirait toutes les forces vives nationales à savoir les acteurs politiques, la société civile, les médias, femmes et jeunes et la diaspora dans l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation. »
Il ajoute : « créer des conditions de retour des réfugiés burundais et réinstallation des déplacés intérieurs dans leurs propriétés. La libération de tous les prisonniers politiques. Laisser les partis politiques exercer leurs activités comme le fait le Cndd-Fdd. S’attaquer aux problèmes économiques, à la faim et à la pauvreté qui frappent de plein fouet la majorité des familles burundaises. »
Eclairage
Jean-Michel De Waele : « C’est dangereux d’imposer une nouvelle loi électorale »
« De façon général, les réformes électorales sont extrêmement sensibles dans tous les pays et selon toutes les traditions. Car c’est eux qui organisent la façon dont les voix des citoyens seront traduites en victoire ou en défaite, en siège au parlement, en élections de conseillers communaux, en élection de maires. », analyse d’entrée de jeu, Jean-Michel De Waele.
Pour lui, les règles du jeu sont toujours échangées, mais également sont très périlleuses. Elles doivent être faites avec beaucoup de parcimonie et suscitent de grandes discussions.
Parce que, explique-t-il, il y a toujours une suspicion que celui qui est au pouvoir arrange les règles à son avantage.
Les réformes électorales les plus démocratiques, observe toujours De Waele, sont faites après un dialogue avec les différents partis politiques, avec les organisations de la société civile. « Bref, avec la consultation la plus large possible avec les acteurs socio-politiques du pays. »
Demander une somme d’argent exorbitante n’est pas logique
Selon cet analyste, il est toujours dangereux d’imposer une nouvelle loi électorale avec des changements non négligeables sans concertation, sans discussion, sans débat démocratique.
« La question des cautions est évidemment fort importante. Demander des sommes d’argent importantes surtout pour des élections locales, empêche un certain nombre de citoyens de se présenter aux élections. C’est une règle dangereuse. C’est une règle qui, pour les élections locales, est peu logique. », fait remarque le politologue.
Il est vrai, note le politologue, de comprendre que pour décourager des candidatures folkloriques, des conditions doivent être posées. « Mais, il faut que les cautions, comme toutes les conditions posées soient possibles à réaliser pour les différentes forces politiques ou responsables politiques. », insiste-t-il.
En se basant sur des études empiriques, ce chercheur montre qu’il y a nécessité à trouver un équilibre entre n’importe qui à se porter candidat aux différentes élections et l’imposition des règles qui sont tellement difficiles à réaliser.
Le hic, pour le politologue, est que dans ce cas, seuls ceux qui sont au pouvoir ou qui ont des moyens financiers extrêmement importants peuvent participer.
Les prochaines élections : une mesure de la démocratisation
Cet enseignant d’universités observe que les prochaines élections au Burundi seront un moment où la communauté internationale jugera des progrès du Burundi dans sa démocratisation.
La possibilité pour cela, analyse-t-il, c’est de veiller à ce que les règles qui président à l’organisation du scrutin soient admises par le plus grand nombre et ne soient pas l’objet de suspicion avant même la campagne électorale.
Pour lui par exemple, il n’est pas raisonnable de demander des sommes d’argent aussi importantes au niveau local.
« On ne connaît que trop de cas où le pouvoir impose des règles tellement compliquées que de fait, il n’y a que lui et peut-être ses amis qui ne peuvent participer aux élections. »
Ainsi, observe le politologue, l’équilibre entre les conditions de sélection des candidats et permettre aux partis politiques de participer aux élections doit être trouvé.
Et aussitôt de conclure qu’« il faut être attentif à cet équilibre afin de trouver la bonne façon de sélectionner les candidats. »
Je constate que les prochaines élections sont en train d’être préparées comme une affaire de gros sous. Prenons l’exemple de la caution de cent millions pour être candidat président, si un fonctionnaire moyen devait les payer, il lui faudrait plus de 20 ans pour amasser cette somme. Autant dire qu’il n’aura jamais de place dans la compétition.
D’accord que les candidats et leurs partisans ou soutiens peuvent se cotiser pour atteindre cette somme, dans ce cas il y a un gros risque que les élections basculent en une véritable opération de blanchiment d’argent. C’est facile à expliquer, car les personnes qui ont amassé des fortunes de manière douteuse vont en quelque sorte miser ou carrément acheter le candidat susceptible de protéger leurs intérêts. Nous ne pourrons même pas demander l’origine des fonds des cotisants/contributeurs puisque la Constitution a été rendue inopérante sur ce point.
D’une façon ou d’une autre, les gros contributeurs exigeront plus tard un retour sur investissement et… bonjour les dégâts.
Kefa dit vrai. J’ignore s’il a les moyens pour transformer les defis en opportunites. Bien evidement ce n’est pas le moment des lamentations.