Après le meurtre ce mercredi 13 juillet de ce parlementaire de l’Assemblée législative de la Communauté de l’Afrique de l’Est, Iwacu revient sur ce crime et sur le parcours de cette ancienne journaliste et ministre au grand cœur.
La présidente du « Burundi Chapter » à l’EALA tuée
Il est 10 heures et demie, un tweet du porte-parole de la police tombe ce mercredi 13 juillet et confirme la triste nouvelle de l’assassinat de cette militante modérée du Cndd-Fdd à Gihosha sur l’avenue Nyankoni.
Pierre Nkurikiye parle de «deux criminels à bord d’une voiture de type Toyota T.I. aux vitres teintées portant une plaque d’immatriculation tanzanienne». Dans le périmètre du lieu du crime, habitent plusieurs hauts dignitaires avec une garde renforcée.
Quelques témoins de la scène dont des agents de gardiennage de la société ’’Safe Guard’’ en faction devant l’hôtel Nyabungo affirment avoir vu une Toyota Premio en train de faire des slaloms derrière la Mercédès noire de cette ancienne ministre de la Communication et des Affaires de la Communauté Est Africaine.
Ce véhicule a même dépassé cette voiture de fonction de cette députée de l’EALA avant de la percuter laissant quelques rayures sur le pare-choc, côté gauche. Un des phares avant de cette Toyota Premio s’est brisé.
Surprise et probablement intriguée, l’Hon. Hafsa Mossi a baissé sa vitre pour demander ce qui se passait. Elle a ouvert la portière de sa Mercedes pour constater les dégâts. Et c’est quand elle est sortie de sa voiture qu’un des agresseurs lui a tiré dessus en pleine poitrine, elle est tombée.
Selon ces mêmes témoins, un autre coup de feu a été tiré en l’air pour la dissuasion et ce véhicule s’est éloigné à toute vitesse. Ces mêmes sources indiquent qu’il y avait trois personnes à bord de cette Toyota Premio.
Selon ces témoins, c’est une dame qui passait tout près de ce lieu du crime qui a évacué cette ancienne journaliste à bord de son véhicule vers l’Hôpital militaire de Kamenge où elle a succombé à ses blessures.
Quand les coups de feu ont retenti, relate un des témoins, les curieux accourus pour constater cet accident ont vite rebroussé chemin pour se mettre à l’abri. Et c’est quand ce véhicule est parti que tout le monde est sorti de sa cachette.
Une demoiselle des environs a pris les soins de bien garer la Mercedes de cette députée abattue, après avoir fait un coup de fil à la fille aînée de Hafsa Mossi.
Cette voiture était au milieu de la route. Par après, elle a été introduite dans une propriété située juste en face du lieu du crime. C’est là que les policiers et des éléments de la brigade anti-émeute l’ont trouvée pour avoir quelques indices.
L’inhumation selon la tradition musulmane
Les obsèques ont été organisées dans l’après-midi même de ce mercredi juste après la récupération de la dépouille mortelle par sa famille. Il a été décidé de commun accord avec les imams et les cheikhs d’enterrer la disparue dans l’après-midi de ce mercredi fatidique.
C’est le président de la Comibu, Sadiki Kajandi en personne qui a dirigé ces cérémonies. Elles ont débuté par une prière mortuaire pour la défunte. Cette députée de l’EALA a été enterrée au cimetière des musulmans situés au quartier industriel. Plusieurs cadres musulmans, de même que quelques députés de l’EALA ont accompagné Mme Hafsa Mossi à sa dernière demeure. Le gouvernement burundais était représenté à ces cérémonies par le ministre de la Bonne Gouvernance et de la ministre à la présidence chargée des Affaires de la Communauté Est Africaine.
Quelques Réactions
Dès l’annonce de l’assassinat de Hafsa Mossi, les réactions ont fusé de partout.
Philippe Nzobonariba
Le secrétaire général et porte-parole du gouvernement a qualifié l’assassinat de Hafsa Mossi d’ignoble. Par son assassinat, lit-on dans un communiqué sorti ce mercredi 13 juillet, le Burundi vient de perdre une personnalité qui a beaucoup travaillé et surtout défendu son pays au sein de la Communauté Est Africaine pour son intégration : « Le Burundi, perd une de ses enfants les plus dévoués et sa disparition laisse un vide inoubliable. » Il a également présenté ses condoléances les plus attristées et sa profonde compassion à la famille de la disparue, au peuple burundais qu’elle représentait à l’Assemblée Législative de la Communauté Est Africaine et à cette même Assemblée.
Le gouvernement du Burundi a enfin demandé aux services habilités de diligenter des enquêtes urgentes pour identifier les auteurs de cet assassinat ainsi que leurs commanditaires éventuels afin que la loi leur soit appliquée dans toute sa rigueur.
Sadiki Kajandi
Dans son sermon au cimetière des musulmans situé près du Cotebu où se sont déroulés les obsèques, Sadiki Kajandi, président de la Comibu a insisté sur le crime et le péché : « Le Coran dit que celui qui tue sciemment un être vivant, Dieu le considère comme l’assassin de toute l’humanité » Et de rappeler que Hafsa Mossi n’était pas malade, qu’elle n’est pas morte naturellement mais qu’elle a été froidement et lâchement assassinée. Pour lui, cet assassinat doit servir aux musulmans et non musulmans, de leçon : « Celui qui a encore la haine, la volonté de tuer dans son cœur, doit savoir qu’il payera de ses crimes le jour du jugement. » Et d’appeler les Burundais à déposer les armes car le sang coulé est plus que suffisant.
Léonce Ndarubagiye, député de l’EALA
Très ému, ce député a indiqué que les parlementaires burundais de l’EALA avaient choisi Hafsa Mossi comme présidente de leur groupe parlementaire à l’Assemblée Législative de la Communauté Est Africaine parce qu’elle aimait son travail, était une grande organisatrice, aimait la vie.
Une politique unanimement appréciée
Après l’assassinat de Hafsa Mossi, les messages de condoléance fusent de partout. De même que les termes dithyrambiques pour qualifier la personne de l’ancienne ministre. Gentille, brave, dévouée, modérée… Apparemment, Hafsa Mossi faisait l’unanimité.
«L’assassinat de l’Honorable Hafsa Mossi est un acte ignoble et lâche. C’est une perte inestimable pour le Burundi, sa famille et toute l’EAC», réagit, juste après ce crime, le président Nkurunziza sur son compte twitter. «La gentille Hafsa Mossi, députée de l’EALA vient d’être assassinée par des ennemis de la paix. R.I.P chère grande sœur», dira son conseiller principal en communication du président de la République, Willy Nyamitwe. Le chef de la diplomatie burundaise, Alain Aimé Nyamitwe, parle d’une grande perte pour la Nation et l’EAC. Son homologue rwandais, Louise Mushikiwabo, s’est aussi déclarée en deuil pour son amie burundaise en la qualifiant de femme politique dévouée.
Le parti Cndd-Fdd, dont est issue la défunte, a présenté des condoléances à la famille de l’ancienne journaliste et trouve que son assassinat est un coup dur pour tout le Burundi. Le Cnared, quant à lui, se dit consterné par ce crime «tout en condamnant cette vague de violence aveugle engendrée par le 3ème mandat illégal.»
Plusieurs politiques et activistes de la société civile ont eux aussi exprimé leur vive consternation. «J’ai mal aujourd’hui, Honorable Hafsa Mossi. Merci pour le soutien que vous m’avez apporté lorsque j’ai pris mes fonctions de secrétaire général de l’EAC», écrit sur son compte Twitter Libérat Mfumukeko. Pacifique Nininahazwe, président du Focode, se dit lui aussi choqué. «Une femme de cœur.»
La communauté internationale condamne aussi ….
Le président de l’Assemblée législative de l’Afrique de l’Est, Daniel F. Kidega, a fermement condamné ce meurtre et déploré la mort d’une grande travailleuse attachée aux idéaux de l’intégration. Il a lancé un appel au calme et il a exhorté les autorités de faire tout leur possible afin que ceux qui sont derrière cet acte barbare et lâche soient appréhendés. Même son de cloche de la part de la présidente de la Commission de l’Union africaine, Dr Nkosazana
Dlamini Zuma. Cette dernière se dit horrifiée par cet acte barbare susceptible de déstabiliser davantage le pays.
Elle appelle tous les Burundais à exercer la plus grande retenue et à éviter tout acte de représailles qui ne ferait qu’amplifier la tension dans le pays.
… Et demande un dialogue inclusif
Nkosazana Dlamini Zuma souligne que seul le dialogue inclusif, fondé sur le respect de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha et de la Constitution du Burundi, peut ouvrir la voie à une solution politique durable qui contribuera à consolider et à préserver la paix. C’est aussi l’avis du secrétaire général des Nations-Unies, Ban-Ki-moon. Condamnant cet assassinat, il indique que cet acte de violence ne sert qu’à semer la division, renforcer la méfiance et déstabiliser le pays. Il réitère la nécessité d’intensifier les efforts pour trouver un accord négocié à la crise en cours et demande à toutes les parties concernées de s’engager totalement et avec sincérité dans le processus de paix initié.
De même, l’Union européenne (UE) fait savoir que l’assassinat d’Hafsa Mossi est un pas de plus dans la polarisation de la situation politique et appelle à ce que toute la lumière soit faite pour que ce crime, tout comme les autres, ne reste pas impuni.» L’UE rappelle qu’aucune solution consensuelle à la crise burundaise ne pourra être trouvée par la violence. La France et les Etats-Unis ont aussi condamné ce meurtre et ont demandé à toutes parties les prenantes de s’engager concrètement dans un dialogue approfondi et pacifique afin de résoudre la crise actuelle.
Des larmes à Mahama
Toute la sous-région a été témoin de la scène pleine d’émotion au camp des réfugiés burundais de Mahama au Rwanda, il y a une année. Lors de la visite effectuée par des députées de l’EALA dans ce camp, l’Honorable Hafsa Mossi a fondu en larmes au moment où elle échangeait avec quelques réfugiés.
Ses collègues ainsi que d’autres hauts dignitaires, membres de la délégation, ont essayé de la réconforter en vain. Ses larmes ont dégouliné le long de ses joues pendant un bon bout de temps. Toutes les caméras, tous les objectifs des photographes, tous les regards se sont tournés vers cette dame volant la vedette de cette visite. Les images ont fait le tour du monde.
Elle aurait été incomprise pour ce geste mais cette native de Makamba, fille d’un commerçant, a connu avec sa famille les camps des réfugiés lors des événements de 1972. Il est vrai que sa famille plus ou moins aisée par rapport aux autres moins chanceuses, n’a pas trop souffert de cet exil qui a été de courte durée. «Elle est émotive et sensible à toute injustice, à l’arbitraire avec un degré élevé d’empathie », confie un journaliste qui l’a côtoyée.
Elle n’aimait pas parler de sa famille, mais elle confia un jour à un ami qu’elle a gardé pendant longtemps une dent contre elle pour avoir arrangé son mariage alors qu’elle venait de commencer ses études supérieures à l’Ecole de journalisme. Elle s’est mariée très jeune et après quelques temps son mari est décédé. «J’ai galéré avec mes deux enfants parce que le salaire de la RTNB ne suffisait pas», dira un jour cette native de Makamba.
A l’aise en français, en anglais et swahili et en Kirundi ses deux langues maternelles, la jeune journaliste veuve ne baisse pas la garde. Elle a des ambitions et décroche un job en Afrique du Sud à Channel Africa en 1993. Elle n’a jamais tari d’éloge pour son confrère, feu Apollinaire Gahungu qui travaillait pour cette chaîne. «Il m’a accueillie chez lui, comme un frère et compte tenu de son handicap, il est resté au rez-de-chaussée et m’a octroyé avec mes deux enfants les chambres situées en étage. Il me cherchait une baby-sitter quand je me rendais au travail.»
En 1998, elle se retrouve à Londres où elle regagne la section swahili de la BBC. Hafsa Mossi aimait dire que c’est grâce à feu Laurent Ndayihurume, grand journaliste burundais de la BBC qu’elle a intégré cette grande radio mondiale. «Et là j’ai eu la chance de voyager, de parler à plusieurs personnalités, de faire plusieurs rencontres, de côtoyer des gens de plusieurs nationalités, d’interviewer des hommes politiques de la sous-région et de mon pays. Et c’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la lutte menée par les Fdd. »
Une sorte de déclic : «Bien que je parlais à ces gens et comprenais leur combat, je suis restée professionnelle jusqu’au moment où j’ai décidé de rentrer pour reconstruire mon pays d’une autre manière. J’ai accepté d’abandonner mon confort, mon salaire».
Et c’est là que la carrière politique commence. Elle embrasse officiellement le Cndd-Fdd. Le ’’parti de l’aigle’’ venait de signer l’Accord Global de Cessez-le-feu avec le gouvernement de transition dirigé par Domitien Ndayizeye.
Des jaloux
Comme elle avait de l’expérience avérée en matière de communication, un poste de porte-parole de l’homme fort de Cndd-Fdd lui est confié avant de se voir nommée ministre de la communication. Malgré son ascension, Hafsa Mossi reste discrète, modérée, ouverte, très humaine.
Cette montée aurait créé des jaloux dans son camp. Quand il y a eu remaniement ministériel vers 2007, elle se retrouvera à sa grande surprise à la tête du nouveau ministère à la Présidence chargé des Affaires de la Communauté Est Africaine.
Le pays lui doit l’organisation du 13ème sommet des chefs d’Etat de l’EAC à Bujumbura. Bien qu’il y ait des réticences et des craintes au sein même des membres du gouvernement, elle s’est donnée corps et âme pour la réussite de cet événement. «L’aval du Chef de l’Etat a été son atout. Elle fera tout pour que l’hôtel Roca Golf soit prêt pour l’accueil des hautes personnalités. Elle a eu l’idée de faire ériger d’énormes tentes pour les réunions juste dans les environs de cet hôtel », confie un proche à cette dame.
Hafsa Mossi se retrouvera par après nommée députée à l’EALA, l’Assemblée législative de l’Afrique de l’Est. Un autre proche à cette femme révèlera qu’elle s’est sentie trahie et déçue par ses collègues quand elle a voulu se présenter comme candidate pour diriger cette institution. «C’était pourtant le tour du Burundi, elle se contentera de les représenter, le « Burundi Chapter ». Elle était même à la tête des femmes députées de l’EALA », insiste ce proche.
Mu Burundi intore ntiziramba.
Les politiciens sans assise politique (CNARED), en assassinant cette gentille Dame, ils pensaient avoir un gain de cause durant le dialogue interburundais. Mais, le monde entier a bien compris que ces politiciens sur papier et qui n’existent pas sur terrain se rendent de plus en plus ridicules.
@HIMA JEREMY,
Si la justice burundaise fonctionnait, on saurait rapidement les assassins de Mme HAFSA MOSSI, des Colonels Rufyiri, Bikomagu, du Général KARARUZA, de la famille NKEZABAHIZI …(la liste n’est malheureusement pas exhasutive) et beaucoup d’autres victimes innocentes d’une folie meurtrière de ceux qui pensent que les problèmes du Burundi, dont ils sont la cause principale, se régleront par les assassinats ciblés (ifu y’imijira) ! Ces gens se trompent de A à Z et ils s’en rendront compte le jour où ils se retrouveront à La Haye ou ailleurs devant les juridictions nationales quand elles e remettront à fonctionner !
@RUGAMBA RUTAGANZWA
« Ces gens se trompent de A à Z et ils s’en rendront compte le jour où ils se retrouveront à La Haye ou ailleurs devant les juridictions nationales quand elles e remettront à fonctionner ! »
Pour se « re »mettre à fonctionner, il faudrait que ces juridictions aient (bien) fonctionné un jour!
Dites-moi à quelle époque elles auraient bien fonctionné pour que je comprenne ce que vous voulez insinuer!
@Hima Jeremy: « en assassinant cette gentille dame. »
1. La photo de cette dame pleurant devant la misere des refugies burundais dans le camp de Mahama au Rwanda ne doit pas avoir plu certaines personnes.
2. D’apres Kigali Today, le fait que le lundi 11 juillet 2016 (= juste la veille de l’assassinat de l’Honorable Madame Hafsa Mossi), le Gouvernement burundais a retire sa delegation au Sommet de Kigali a amene les autres delegues a se demander si ce n’etait pas le Gouvernement burundais lui-meme qui etait derriere cet assassinat/This caused suspicion among delegates at the Summit on whether Burundi government was behind the assassination plan.
(Voir « Questions arise after Burundi recalls delegation from AU Summit in Rwanda », http://www.ktpress.rw, 14 July 2016).