Jeudi 06 mars 2025

Société

Grossesses précoces à Cibitoke : un frein à l’éducation des filles

Grossesses précoces à Cibitoke : un frein à l’éducation des filles
Des fois, les jeunes écolières sont engrossées par leurs camarades garçons

De nombreuses adolescentes tombent enceintes avant d’achever leur scolarité. Face à cette réalité préoccupante, éducateurs et associations redoublent d’efforts pour sensibiliser les élèves et enrayer ce phénomène qui menace l’avenir des jeunes filles.

Une mère résidant dans la zone Cibitoke déplore la recrudescence des grossesses en milieux scolaires. « Dans mon entourage, l’éducation des jeunes filles est en perte de vitesse. Des écolières tombent enceintes. Souvent, elles sont mises enceintes par leurs enseignants, leurs camarades de classe ou encore par des chauffeurs. Ces derniers les attirent avec des téléphones portables et d’autres cadeaux empoisonnés. » Selon elle, ces prédateurs ne sont pas toujours inquiétés par la justice. Lorsqu’ils sont dénoncés, certaines familles préfèrent régler l’affaire à l’amiable plutôt que d’entamer une procédure judiciaire.

Une autre habitante de Rugombo dénonce l’ampleur du phénomène. « La majorité des écoles du voisinage enregistre au moins un cas de grossesse précoce par an. » Elle regrette que ces jeunes filles retournent très rarement à l’école après l’accouchement. « Elles sont influencées par leur entourage qui leur répète sans cesse que leur parcours scolaire est terminé. De plus, la pression sociale et le jugement des autres pèsent lourdement sur elles et leurs parents. » Elle confie que ces situations sont difficiles à vivre pour les familles. « On nous reproche souvent de ne pas avoir su bien éduquer nos enfants, ce qui est très blessant. »

Des réunions de sensibilisation

Joseph Nyandwi, directeur provincial de l’Éducation à Cibitoke, reconnaît l’existence du phénomène. Selon lui, les Directions communales de l’Éducation ont enregistré 12 cas de grossesses en milieux scolaires au premier trimestre de cette année scolaire 2024-2025. « Parmi elles, 2 sont issues des trois premiers cycles du fondamental, 6 du quatrième cycle, 4 autres du post-fondamental et de l’enseignement technique », explique-t-il. Et de préciser que l’année précédente, 30 cas avaient été recensés dans la province, la commune Mugwi étant la plus touchée. Il affirme que cette question est régulièrement abordée en assemblée générale et que des efforts sont menés pour sensibiliser les élèves, notamment à travers le projet des « tantes et pères d’école ». « Ces derniers organisent au moins une réunion par mois pour traiter des questions d’éducation sexuelle et des problèmes du quotidien qui préoccupent les élèves. »

Le DPE souligne également la collaboration de son institution avec les différents acteurs de la société, notamment le centre de santé « Ami des jeunes » et les autorités locales afin de réduire le nombre de grossesses précoces. « La coopérative Twitezimbere nous a grandement aidés dans la sensibilisation des jeunes. Ils mettent l’accent sur la santé sexuelle et reproductive. » Il cite également l’implication de l’ONG World Vision et d’autres organisations dans la formation et l’information des adolescents. Selon lui, ces initiatives commencent à porter leurs fruits. En témoignent les chiffres en baisse (zéro grossesse) dans le quatrième cycle de certaines écoles.

Des parents responsables

Il encourage les élèves à rester concentrés sur leurs études. « Certaines filles invoquent la saturation du marché du travail pour justifier leur abandon scolaire même après le sevrage de leurs enfants. Pourtant, avec les connaissances acquises, elles pourraient devenir des entrepreneuses et créer des emplois. » Il exhorte également les parents à servir de modèles à leurs enfants et à dialoguer régulièrement avec eux. « Nous encourageons les parents à participer massivement aux réunions de sensibilisation organisées par les écoles. Ils y apprennent des méthodes pour mieux encadrer leurs adolescents. »

Anastasie Ngabire, responsable de l’école fondamentale Rugombo II et « Tante » au sein de l’établissement, estime que l’instauration des tantes et pères d’école a eu un impact positif. « Par le passé, notre école enregistrait en moyenne cinq cas de grossesses précoces par an. Depuis l’an dernier, aucun cas n’a été signalé », se réjouit-t-elle. Elle attribue cette amélioration aux nombreuses réunions de sensibilisation organisées au sein de l’établissement. « Nous adaptons nos sessions selon l’âge et le genre des élèves, certaines regroupant filles et garçons, d’autres étant réservées à un seul sexe. Nous avons constaté que chaque groupe s’exprime plus librement lorsqu’il se sent compris et à l’aise. » Elle précise aussi que les jeunes filles sont souvent courtisées par des motards et des commerçants qui leur proposent de l’argent en échange de faveurs sexuelles.

Elle exprime sa gratitude envers le projet « Komeza Wige » qui a distribué des serviettes hygiéniques « Agateka » aux élèves issues de familles démunies. Selon elle, le coût élevé de ces produits constitue un facteur aggravant des grossesses précoces. « Certaines jeunes filles n’ont pas les moyens d’acheter des serviettes hygiéniques chaque mois. Des hommes en profitent pour leur en offrir en échange de relations sexuelles. » Elle appelle donc à une solidarité accrue pour soutenir ces jeunes écolières défavorisées.

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