La lutte semble perdue d’avance puisqu’on s’attaque aux conséquences afin éradiquer ce phénomène social. Mais la donne peut changer si les pouvoirs publics et la communauté s’y mettent.
<img4638|left> Quand on traite ce genre d’informations, la première chose à faire, évidemment, c’est de demander des chiffres aux services concernés. Hélas!, partout où l’on passe, la réponse est la même : « Il faut du temps pour faire le bilan car nous attendons les rapports des DCE puis des DPE pour connaître l’ampleur du phénomène … » Inutile de rappeler que ce temps-là, ce sont des mois et des mois.
Car tous les observateurs et acteurs de l’enseignement sont unanimes : l’année scolaire qui vient de s’écouler a été marquée par plusieurs cas de grossesses en milieu scolaire. « Le phénomène a pris des proportions inquiétantes », s’écrie Eulalie Nibizi, présidente du syndicat des travailleurs enseignants du Burundi (STUB). « Les conséquences sont désastreuses surtout pour la jeune fille : augmentation de cas d’abandon de l’école, déscolarisation, prostitution déguisée », alerte Pamella Mubeza, présidente de mamans célibataires pour la paix et le développement (AMC).
Pourtant, les grossesses non désirées pendant la scolarité constituent une préoccupation des parents, des autorités scolaires et des associations. Mais les mesures pour éradiquer ce phénomène restent vaines. Les activistes semblent désarmés. « La loi est claire. Le fait qu’une jeune soit enceinte des œuvres d’un homme et qu’elle n’a pas atteint la majorité civile, est condamnable », précise Fabien Bakunduwukize, coordinateur du projet de la protection des droits de l’enfant à ADRAS. Mais, si la jeune fille a déjà éteint la majorité civile, 18 ans, la loi est muette. Fabien Bakunduwukize s’insurge contre le fait que le gouvernement et la communauté prennent ce phénomène social à la légère.
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– {La Rédaction du journal voudrait par la présente démentir l’information faisant état de vingt grossesses non désirées dans un seul collège de Ruyigi, parue le 19 juin 2012 sur notre site. En effet, d’après la Direction provinciale de l’enseignement de cette province qui a procédé à la vérification auprès du conseil de discipline du Collège Communal de Rangi et selon ses enquêtes menées audit collège, seuls trois cas d’abandons pour cause de grossesses ont été signalées au cours de cette année scolaire 2011-2012 (toutes en 7ème). Toutes nos excuses à ceux qui ont subi un quelconque tort de notre part. }
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« Des sanctions envers les hommes qui manipulent les jeunes filles »
C’est d’ailleurs l’avis d’Eulalie Nibizi : « C’est un phénomène facile à réprimer. C’est un manque de volonté des pouvoirs publics afin de prendre des sanctions envers les hommes qui manipulent les jeunes filles. » Elle ajoute que l’on punit les conséquences sans s’attaquer réellement aux causes. La présidente du STEB estime qu’il faut qu’il y ait des lois protégeant les jeunes filles du harcèlement sexuel. Elle demande que la sévérité utilisée pour punir les enseignants qui ont des relations intimes avec des élèves, s’étende sur d’autres hommes.
Pour Jean Bosco Bigirindavyi, parent, il faut faire la différence entre une fille qui a des rapports avec un garçon qu’elle considère comme son copain et celle qui couche avec des hommes pour de l’argent ou des cadeaux. « Une adolescente ignore ces risques. Mais à 18 ans, ce sont des femmes qui jouent avec le feu », souligne-t-il. Il regrette que les considérations sociales ne comptent plus. Avant, déplore le quinquagénaire, les jeunes filles se méfiaient, car elles avaient peur de déshonorer leurs familles et d’abandonner l’école.
Un avenir compromis à cause de l’enfantement précoce
Eulalie Nibizi estime que c’est un problème d’équité : « La responsabilité de l’homme n’est pas appréciée de la même manière que celle des filles. Les hommes ont toutes les libertés. » Elle ajoute qu’avec la cherté de la vie, les plus nantis manipulent facilement la jeunesse féminine.
Pour la présidente de l’AMC, l’éducation sexuelle, même si elle est encore taboue, devrait figurer au programme dès la 6ème année primaire. Elle pense que les parents devraient mettre en garde leurs filles, avec des mots clairs et simples, sur les risques encourus. Il y va aussi, assure-t-elle, de la responsabilité du ministère de l’enseignement de Base et Secondaire. « Empêcher une fille d’étudier est comme une pendaison », lance-t-elle. Selon elle, la réintégration accordée par le ministère n’est qu’une hypocrisie. « Des filles des coins les plus reculés doivent faire le déplacement sur Bujumbura. Avec les lenteurs administratives, certaines préfèrent abandonner», signale-t-elle.